(1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LA VIE. D’ESOPE. PHRYGIEN. Tirée du Grec de Planudes, surnommé le Grand. — Par quelle advanture Esope reçeut le don de bien parler. Chapitre IIII. »
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(1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LA VIE. D’ESOPE. PHRYGIEN. Tirée du Grec de Planudes, surnommé le Grand. — Par quelle advanture Esope reçeut le don de bien parler. Chapitre IIII. »

Par quelle advanture Esope reçeut le don de bien parler.
Chapitre IIII.

Le jour suivant, apres que le Maistre d’Esope fut de retour en la Ville, et qu’il l’eust laissé aux champs pour faire la tasche qu’il luy avoit ordonnée, il arriva que les Sacrificateurs de Diane, ou quelques autres hommes, s’estant fortuitement égarez de leur chemin, firent rencontre d’Esope, et le prierent instamment, par Jupiter l’Hospitalier, de leur monstrer par où il falloit aller à la Ville. Alors Esope les ayant premierement fait asseoir à l’ombre d’un arbre, leur donna dequoy manger sobrement : puis il leur servit de guide, et les remit dans le chemin, qu’ils luy demandoient. Eux doncques se sentans extrémement obligez à la courtoisie d’un si bon hoste, leverent les mains au Ciel, et recompenserent leur bien facteur par des prieres, qu’ils firent en sa faveur. Ces choses ainsi passées, Esope s’en retourna, et fut saisy d’un profond sommeil, tant pour son travail continuel, que pour la grande chaleur qu’il faisoit. Durant qu’il dormoit, il luy sembla voir que la Fortune se presentoit devant luy, et qu’elle mesme luy deslioit la langue, luy donnant non seulement la grace et la facilité du discours, mais encore la science des fables. Apres ceste apparition, aussi tost qu’il fust esveillé : « voy », dit-il, « que j’ay dormy doucement ! et que j’ay fait un songe aggreable ! Mais ce qui m’estonne d’avantage, c’est que je n’ay plus de peine à parler, et que je nomme aisément toutes choses par leur nom, comme, un Bœuf, un Asne, un Rasteau. Par les Dieux immortels, je sçay d’où m’est venu un si grand bien : C’est, sans doute du bon accueil que j’ay fait aux Estrangers. Car il est à croire que pour recognoissance de cela, quelque Dieu m’a esté favorable, et qu’ainsi d’un bon office, on n’en doit esperer que du bien ». De ceste façon Esope tout réjouy d’une si belle advanture, se remit à son travail.