Son visage osseux et blême, son œil fixe et méditatif, ses lèvres minces, crispées et frémissantes, annoncent le dialecticien froid et bilieux qui ne connut jamais ni le sourire, ni les larmes. […] En la fin, pensant qu’elle fust passee, je dis : « Or prions Dieu qu’il nous face la grace de la suyvre. » Comme je me levois, elle tourna ses yeux sur nous, comme se recommandant à ce qu’on perseverasse7 à prier et à la consoler.
Là, il est à couvert des yeux les plus pénétrants ; il fait mille insensibles tours et retours. […] Mais cette obscurité épaisse qui le cache à lui-même n’empêche pas qu’il ne voie parfaitement ce qui est hors de lui ; en quoi il est semblable à nos yeux, qui découvrent tout et sont aveugles seulement pour eux-mêmes3.
Il n’est pas de serpent ni de monstre odieux, Qui, par l’art imité, ne puisse plaire aux yeux, A dit Boileau ; mais il ne faut pas prendre ce précepte à la lettre. La concession n’est faite qu’à la condition qu’on peindra les monstres odieux de manière à les présenter aux yeux sans accessoires bas ni dégoûtants, Le poète veut dire évidemment que tout sujet peut être traité convenablement, si on le prend dans la nature, et que l’art le relève, lorsqu’il est rebutant. […] Un tel cynisme révolta les hommes de goût, et le scandale fut tel que les journaux qui en général ne se piquent pas de bonne littérature, et qui étaient d’ailleurs presque tous aussi coupables eux-mêmes, s’écrièrent qu’il fallait faire cesser par la force cette dégoûtante manière de penser et d’écrire ; que, sans cette précaution, la littérature française serait marquée aux yeux du monde entier d’un éternel déshonneur.
Et de même qu’à l’aide du crayon ou du pinceau l’artiste représente fidèlement l’image qu’il a sous les yeux où à laquelle il pense, de même l’homme se servit de l’inflexion de sa voix pour exprimer ce qui frappait ses sens. […] C’est de lui que nous vient cet art ingénieux De peindre la parole et de parler aux yeux ; Et par les traits divers de figures tracées Donner de la couleur et du corps aux pensées.
Le caractère n’était pas à ses yeux l’important, c’était la condition. […] Le jour il n’est plus à son travail, il se méfie, il a l’œil au guet. […] Il a l’œil de l’artiste, mais il n’en a point l’éducation. […] C’est le tableau de la France, sous Louis XIV, que nous avons sous les yeux. […] Oui, Corneille aurait dû trouver grâce à ses yeux.
Homère exprime tout ce qui frappe les yeux : les Français, qui n’ont guère commencé à perfectionner la grande poésie qu’au théâtre, n’ont pu et n’ont dû exprimer alors que ce qui peut toucher l’âme. — Le langage du cœur et le style du théâtre ont entièrement prévalu : ils ont embelli la langue française, mais ils en ont resserré les agréments dans des bornes un peu trop étroites. […] » Mais pour le petit nombre de ceux dont la tête est ferme, le goût délicat et le sens exquis, et qui comptent pour peu le ton, les gestes et le vain son des mots, il faut des choses, des pensées, des raisons ; il faut savoir les présenter, les nuancer, les ordonner : il ne suffit pas de frapper l’oreille et d’occuper les yeux, il faut agir sur l’âme, et toucher le cœur en parlant à l’esprit ».
De quels yeux regardèrent-ils le jeune prince, dont la victoire avait relevé la haute contenance, à qui la clémence ajoutait de nouvelles grâces ! […] L’œil a ses humeurs et son cristallin, où les réfractions se ménagent avec plus d’art que dans les verres les mieux taillés ; il a aussi sa prunelle, qui s’allonge et se resserre pour rapprocher les objets, comme les lunettes de longue vue. […] Je l’avoue, quand Jésus t’emploie et te donne de ces utiles talents dont il te déclare qu’il te redemande compte ; mais ce talent enfoui avec Jésus-Christ et caché en lui n’est-il pas assez beau à ses yeux ?
Faut-il donc que vos yeux s’usent, toujours baissés, A suivre dans vos doigts le fil que vous tressez ? […] La maison d’une épouse est un temple sacré, Où les yeux du soupçon n’ont jamais pénétré ; Et son époux absent est une loi plus forte3 Pour que toute rumeur se taise vers sa porte. […] Quelle noble et douce figure que celle de cette femme aux yeux baissés, assise au milieu de ses esclaves, et leur donnant l’exemple du travail et des vertus austères !
La clarté de l’expression doit être telle que l’idée frappe l’esprit, comme la lumière du soleil frappe les yeux. […] Un style trop égal et toujours uniforme En vain brille à nos yeux, il faut qu’il nous endorme. […] Parmi les morceaux les plus remarquables en ce genre, nous signalerons l’Ange et l’Enfant, de Reboul, modèle de délicatesse et de grâce ; le Cocher, le Chat et le Souriceau ; le chœur de l’acte II d’Athalie : Quel astre à nos yeux vient de luire ? […] Le torrent des siècles, qui entraîne tous les hommes, coule devant ses yeux ; il y voit avec indignation de faibles mortels, emportés par ce cours rapide, l’insulter en passant, vouloir faire de ce seul instant tout leur bonheur, et tomber au sortir de là entre les mains éternelles de sa colère et de sa justice.
On doit rechercher de préférence les épithètes qui font image et peignent la chose dont on parle, en mettant sous les yeux ses qualités les plus saillantes. […] Un jeune élève, dont les idées sont si restreintes et le sentiment si peu développé, se trouvera bien embarrassé ; et si, après de vains efforts, on lui met sous les yeux ces beaux vers de Virgile, quel ne sera pas son étonnement ? […] L'énumération consiste à mettre sous les yeux les diverses parties d’un tout, les principales circonstances d’une action, certaines idées accessoires qui servent à développer l’idée principale. […] Virgile, qui avait constamment sous les yeux ce beau modèle, les prodigue aussi dans ses vers, mais avec plus de sobriété et de ménagement.
Ils servent d’ailleurs à en approfondir d’autres, que le lecteur débrouille sans peine, dès lors qu’on a mis sous ses yeux ces premiers éléments, et qu’il en a la mémoire toute remplie. […] Celui qui ne mettrait sous les yeux du lecteur, que les vers négligés d’une pièce de poésie, ou les morceaux peu saillants, d’une pièce d’éloquence, lui donnerait une bien fausse idée du poète ou de l’orateur, et serait injuste envers ces écrivains.
Mes yeux sont enfoncés de trois pouces ; mes joues sont du vieux parchemin mal collé sur des os qui ne tiennent à rien. […] S’il en montrait moins, il me laisserait respirer et me ferait plus de plaisir : il me tient trop tendu, la lecture de ses vers me devient une étude ; tant d’éclairs m’éblouissent ; je cherche une lumière douce qui soulage mes faibles yeux. » (Lettre à l’Académie, V.) […] Il a des yeux de propriétaire qui fait bâtir.
et qui ne se trouvera malheureux de n’avoir qu’un œil ? On ne s’est peut-être jamais avisé de s’affliger de n’avoir pas trois yeux ; mais on est inconsolable de n’en point avoir. […] Pour moi, n’étant pas né sous le premier de vos empires, je veux que tout le monde sache que je fais gloire de vivre sous le second ; et c’est pour le témoigner que j’ose lever mes yeux jusqu’à ma reine en lui donnant cette première preuve de ma dépendance.
Les larmes en effet sont contagieuses*, te sensibilité se propage par un frémissement électrique, qui passe rapidement d’un cœur à un autre : il est impossible de voir une personne émue sans ressentir une émotion analogue ; c’est par là qu’on voit souvent au théâtre, des larmes couler de tous les yeux ; c’est par là que Massillon, dans son sermon Sur le petit nombre des élus, faisait lever tout son auditoire par un mouvement unanime d’épouvante. […] Ainsi il dira : Gardons-nous de nous laisser aller au mensonge ; c’est un vice odieux qui dégrade notre âme, qui nous avilit à nos propres yeux et aux yeux de nos semblables, etc.
Ses yeux se sont fermés à la fleur de son âge ; et, quand l’espérance trop lente commençait à flatter sa peine, il a eu la douleur insupportable de ne pas laisser assez de bien pour payer ses dettes, il n’a pu sauver sa vertu de cette tache. […] L’homme d’épée condamné au repos J’ai besoin de votre amitié, mon cher Saint-Vincent : toute la Provence est armée1, et je suis ici bien tranquille au coin de mon feu ; le mauvais état de mes yeux et de ma santé ne me justifie point assez, et je devrais être où sont tous les gentilshommes de la province.
Aussi la peine infligée n’est-elle pas de même degré lorsque celui à qui l’on a crevé un œil était borgne, et lorsqu’il avait ses deux yeux. […] Les choses qui frappent les yeux et qui se font au grand jour, provoquent la honte. De là, le proverbe : « La pudeur est dans les yeux. » Aussi avons-nous plus de retenue devant ceux qui devront être toujours en notre présence et ceux qui font attention à nos actes, parce que les uns et les autres ont les yeux sur nous. […] Ils ne sont pas portés au mal ; ils ont plutôt un bon naturel, n’ayant pas encore eu sous les yeux beaucoup d’exemples de perversité. […] Cela tient à ce que telles choses, considérées à distance, sont plus propres que celles qui sont placées sous nos yeux à donner de l’honneur et de la vanité.
Entre la scène et les gradins s’étend l’orchestre, parterre demi-circulaire, au centre duquel on voit encore la thymèle, autel de Bacchus, qui rappelle aux yeux que la tragédie est née du dithyrambe. […] Plus sensibles que l’homme, plus propres à sentir qu’à raisonner, jugeant plus souvent avec le cœur qu’avec l’esprit, elles sont des témoins plus émus de ce qui s’accomplit sous leurs yeux. […] Il faut que le plan soit si fortement conçu que la pensée « puisse l’embrasser d’un seul coup d’œil » ; il faut que l’ouvrage soit « fondu d’un seul jet ». […] La Fontaine fait repasser devant nos yeux les cent actes divers de cette ample comédie humaine à laquelle il assiste lui-même en spectateur curieux. […] En effet, la Cour, la ville, le clergé, la noblesse, le peuple, la bourgeoisie, tout passe devant nos yeux, plus ou moins déguisé, mais bien reconnaissable, et aussi finement crayonné que dans les peintures de Molière.
La catastrophe est une action douloureuse ou destructive : comme des meurtres exécutés aux yeux des spectateurs, des tourments cruels, des blessures et autres accidents semblables. […] Cette seconde manière est préférable à la première, et marque plus de génie dans le poète, car il faut que la fable soit tellement composée, qu’en fermant les yeux, et à en juger seulement par l’oreille, on frissonne, on soit attendri sur ce qui se fait : c’est ce qu’on éprouve dans l’Œdipe. […] Le poète, dans la peinture des mœurs, doit avoir toujours devant les yeux, ainsi que la composition de la fable, le nécessaire et le vraisemblable, et se dire à tout moment à lui-même : Est-il nécessaire, est-il vraisemblable que tel personnage parle ainsi ou agisse ainsi ; est-il nécessaire ou vraisemblable que telle chose arrive après telle autre ? […] L’épopée, pour étonner encore plus, va jusqu’à l’incroyable ; parce que ce qui se fait chez elle n’est point jugé par les yeux. […] Un autre endroit sera justifié par la métaphore : Tous les dieux dormaient… Lorsqu’il jetait les yeux sur le camp troyen… La voix des flûtes et des hautbois.
Cette unité de dessein fait qu’on voit d’un seul coup d’œil l’ouvrage entier, comme on voit de la place publique d’une ville toutes les rues et toutes les portes, quand les rues sont droites, égales et en symétrie. […] Sur la terre, la lutte entre le bien et le mal, entre Joad et Athalie : voilà la variété d’incidents ; au ciel, l’œil de la Providence, incessamment ouvert, et d’où partent, comme autant de rayons glorieux, ses éternels décrets : voilà l’unité de dessein. […] Il est peu propre aux efforts d’une longue carrière ; je comprends ce sentiment de modestie ; mais il ajoute qu’il est poëte inconstant et rêveur ; Sans cesse en divers lieux errant à l’aventure, Des spectacles nouveaux que m’offre la nature Mes yeux sont égayés ; Et tantôt dans les bois, tantôt dans les prairies, Je promène toujours mes douces rêveries Loin des chemins frayés.
Soldats, l’Europe a les yeux sur vous ! […] Soldats, lorsque le peuple français plaça sur ma tête la couronne impériale, je me confiai à vous pour la maintenir toujours dans ce haut état de gloire qui seul pouvait lui donner du prix à mes yeux ; mais, dans le même moment, nos ennemis pensaient à la détruire et à l’avilir ; et cette couronne de fer, conquise par le sang de tant de Français, ils voulaient m’obliger à la placer sur la tête de nos plus cruels ennemis : projets téméraires et insensés, que, le jour même de l’anniversaire du couronnement de votre empereur, vous avez anéantis et confondus. […] Si Votre Majesté se refusait à ces propositions, les hostilités recommenceraient5 ; et, qu’elle me permette de le lui dire franchement, elle serait, aux yeux du monde, seule responsable de la guerre.
Au contraire, s’il est capable d’avoir toujours l’œil vers les cieux, même en louant les héros de la terre ; si, en célébrant ce qui passe, il porte toujours sa pensée et la nôtre vers ce qui ne passe point ; s’il ne perd jamais de vue ce mélange heureux, qui est à la fois le comble de l’art et de la force, alors ce sera en effet l’orateur de l’évangile, le juge des puissances, l’interprète des révélations divines ; ce sera en un mot Bossuet ». […] Commencez aujourd’hui à mépriser les faveurs du monde ; et toutes les fois que vous serez dans ces lieux augustes, dans ces superbes palais à qui Madame donnait un éclat que vos yeux cherchent encore ; toute les fois que regardant cette grande place qu’elle remplissait si bien, vous sentirez qu’elle y manque, songez que cette gloire que vous admirez, faisait son péril en cette vie, et que dans l’autre elle est devenue le sujet d’un examen rigoureux, où rien n’a été capable de la rassurer, que cette sincère résignation qu’elle a eue aux ordres de Dieu, et les saintes humiliations de la pénitence ».
Un éloge pompeux des Gracques fortifie, dans l’idée du peuple, son opinion sur la popularité, et sur les lois agraires en général : il ajoute enfin, qu’ayant entendu parler du projet de Rullus, il se disposait à l’appuyer de toutes ses forces ; mais qu’un mûr examen lui ayant démontré combien ce projet était contraire aux intérêts du peuple, il se voyait obligé de leur mettre sous les yeux les motifs qui l’avaient déterminé à le rejeter. […] Si l’orateur s’annonce, dès le début, par un ton de supériorité et d’arrogance affectée, il réveille, il révolte l’amour-propre des auditeurs, qui le suivent, dans le reste de son discours, avec l’œil soupçonneux de la malveillance.
Il eût rendu compte d’un inconnu qui s’y serait glissé dans les ténèbres : cet inconnu, quelque ingénieux qu’il fût à se cacher, était toujours sous ses yeux ; et si enfin quelqu’un lui échappait, du moins, ce qui fait presque un effet égal, personne n’eût osé se croire bien caché. […] Environné et accablé dans ses audiences d’une foule de gens, du menu peuple pour la plus grande partie, peu instruits même de ce qui les amenait, vivement agités d’intérêts très-légers et souvent très-mal entendus, accoutumés à mettre à la place du discours un bruit insensé, il n’avait ni l’inattention ni le dédain qu’auraient pu s’attirer les personnes ou les matières ; il se donnait tout entier aux détails les plus vils, ennoblis à ses yeux par leur liaison nécessaire avec le bien public ; il se conformait aux façons de penser les plus basses et les plus grossières ; il parlait à chacun sa langue, quelque étrangère qu’elle lui fût ; il accommodait la raison à l’usage de ceux qui la connaissaient le moins ; il conciliait avec bonté des esprits farouches, et n’employait la décision d’autorité qu’au défaut de la conciliation.
Il disait ailleurs : « Je supplie qu’on me permette de détourner les yeux des horreurs des guerres de Marius et de Sylla ; on en trouvera dans Appian l’épouvantable histoire. » Il termine ainsi son ouvrage sur la grandeur et la décadence des Romains : « Je n’ai pas le courage de parler des misères qui suivirent ; je dirai seulement que, sous les derniers empereurs, l’empire, réduit aux faubourgs de Constantinople, finit comme le Rhin, qui n’est plus qu’un ruisseau lorsqu’il se perd dans l’Océan. » 1. […] Il a beau me crier aux oreilles, pour me ranimer, qu’ils sont dorés sur tranche, ornés de filets d’or, et de la bonne édition ; me nommer les meilleurs l’un après l’autre, dire que sa galerie est remplie, à quelques endroits près qui sont peints de manière qu’on les prend pour de vrais livres arrangés sur des tablettes, et que l’œil s’y trompe ; ajouter qu’il ne lit jamais, qu’il ne met pas le pied dans cette galerie, qu’il y viendra pour me faire plaisir : je le remercie de sa complaisance, et ne veux, non plus que lui, voir sa tannerie, qu’il appelle sa bibliothèque. » 2.
D’autres prenaient un air dégagé, distrait, pour n’avoir pas l’air de penser à ce qui les occupait tout entiers ; ils tournaient la tête du côté opposé ; mais malgré eux leurs yeux suivaient une direction contraire et les attachaient à tous les pas de la reine. […] Dieu soit béni cependant pour le secours qu’il nous prépare encore dans cet instant : nos paroles seront incertaines, nos yeux ne verront plus la lumière, nos réflexions, qui s’enchaînaient avec clarté, erreront isolées sur de confuses traces ; mais l’enthousiasme ne nous abandonnera pas, ses ailes brillantes planeront sur notre lit funèbre ; il soulèvera les voiles de la mort, il nous rappellera ces moments où, pleins d’énergie, nous avions senti que notre cœur était impérissable, et nos derniers soupirs seront peut-être comme une noble pensée qui remonte vers le ciel.
Chacun d’eux a sa qualité particulière et saillante ; tel raconte avec une abondance qui entraîne, tel autre, sans suite, va par saillies et par bonds, mais en passant, il trace en quelques traits des figures qui ne s’effacent jamais de la mémoire des hommes ; tel autre enfin, moins abondant ou moins habile à peindre, mais plus calme, plus discret, pénètre d’un œil auquel rien n’échappe dans la profondeur des événements humains, et les éclaire d’une éternelle clarté. […] On pesait leurs mérites divers ; mais aucun œil encore, si perçant qu’il pût être, ne voyait dans cette génération de héros, les malheureux ou les coupables.
Elle ressentit une si vive douleur de voir sa fille Polyxène immolée sur le tombeau d’Achille, et son fils Polydore tué par la trahison de Polymnestor, roi de Thrace, qu’elle se creva les yeux, en vomissant mille imprécations contre les Grecs.
Or, si je me mêlais d’écrire, je ne voudrais pas plus ressembler à un tel homme, que je n’aimerais un nez difforme avec des cheveux d’ébène et de beaux yeux noirs. […] Mais le récit ne s’adresse qu’à l’oreille, et il agit moins vivement sur l’esprit, que ces tableaux animés dont l’œil fidèle transmet directement à l’âme la sympathique émotion. […] Que Médée ne vienne pas égorger ses enfants sous les yeux du peuple ; ni l’horrible Atrée faire bouillir, en plein théâtre, des entrailles humaines. […] ses yeux trouveront des larmes complaisantes ; vous le verrez bondir de joie et trépigner de bonheur ! […] » 1238il pâlira sur ces vers ; 1239même il distillera une rosée de larmes 1240de ses yeux complaisants ; 1241il bondira, il frappera la terre du pied.
Voici le grec exactement traduit : « Pluton lui-même, le roi des enfers, s’épouvante dans ses demeures souterraines ; il s’élance de son trône et jette un cri, tremblant que Neptune, dont les coups ébranlent la terre, ne vienne enfin à la briser, et que les régions des morts, hideuses, infectes, dont les dieux même ont horreur, ne se découvrent aux yeux des mortels et des immortels. » Le tableau est complet ; il n’y a pas un trait faible ou inutile : tout est frappant, tout va en croissant. […] Il est évident au surplus que Pope avait, en traduisant ce morceau, les vers de Boileau sous les yeux.
On ajoute que cet habile ouvrier avoit trouvé l’art de mettre à ses statues des yeux mobiles qui les faisoient paroître vivantes.
Les deux fils de Brutus ayant conspiré pour remettre les Tarquins sur le trône, furent découverts : et le consul eut le féroce courage de leur faire couper la tête sous ses yeux, au milieu de la place publique.
Ils lui mettent aussi presque toujours un bandeau sur les yeux. […] On la représente coiffée de serpents, tenant une torche ardente d’une main, une couleuvre et un poignard de l’autre, ayant le teint livide, les yeux égarés, la bouche écumante et les mains ensanglantées. […] Les Cyclopes, hommes d’une grandeur énorme, et qui n’ont qu’un œil tout rond au milieu du front, y fabriquent sous ses ordres les foudres de Jupiter. […] Neptune ayant fait un taureau, Vulcain un homme, et Minerve une maison, Momus trouva que les cornes du taureau auraient dû être placées plus près des yeux ou des épaules, afin qu’il pût donner des coups plus sûrs et plus violents.
J’ai pensé aussi qu’en mettant sous les yeux des jeunes gens des morceaux choisis de nos meilleurs écrivains, je pouvais bien par occasion leur apprendre un trait d’histoire ; leur faire connaître un homme célèbre, un Dieu, un héros de la fable, la situation d’une ville, d’un pays, etc.
Je n’ai fait au texte même qu’un petit nombre de changements, dont le Commentaire rendra compte les changements plus nombreux que je me suis permis dans la ponctuation, se justifieront, je pense, sans commentaire aux yeux du lecteur.
Je le dirai donc : quand même nous aurions tout prévu, quand toi-même, Eschine, toi qui n’osas pas alors ouvrir la bouche, devenu tout à coup prophète, tu nous aurais prédit l’avenir, il eût fallu faire encore ce que nous avons fait, pour peu que nous eussions eu sous les yeux la gloire de nos ancêtres et le jugement de la postérité. […] Mais devant qui oserions-nous lever les yeux, si nous avions laissé à d’autres le soin de défendre la liberté des Grecs contre Philippe ?
Mais quand plus tard Clytemnestre le presse de ces questions redoublées : Pourquoi feindre à nos yeux une fausse tristesse ? […] Je ne m’aviserai pas de prononcer entre Virgile et Quintilien ; mais quant à Racine, le ton généralement ironique du morceau justifie pleinement à mes yeux l’emploi d’espérance pour attente.
Le front, les yeux, le visage mentent très-souvent ; la bouche plus souvent encore. — 5. […] Le soleil, source de la lumière, éclaire l’univers ; il a été appelé l’œil du monde ; il achève sa révolution en un an. […] Atticus souffrait des yeux. — 12. […] La nature a entouré et revêtu les yeux de membranes très-délicates. — 4. […] Annibal était souffrant des yeux. — 2.
Les yeux levés vers le ciel ; l’aimant se tourne vers le nord.
La pensée qui a de l’éclat rappelle ces ouvrages de l’art dont le brillant charme les yeux, ou ces fleurs nouvellement écloses qui parent nos jardins de leurs vives couleurs. […] Et les faibles mortels, vains jouets du trépas, Sont tous devant ses yeux comme s’ils n’étaient pas. […] Les yeux d’Agamemnon irrité contre Achille, ressemblent à une flamme étincelante . […] Dans l’idylle de Chénier, l’aveugle chante D’abord le Roi divin, et l’Olympe, et les cieux, Et le monde ébranlé d’un signe de ses yeux.
Métonymies du signe pour la chose signifiée : La robe, pour les professions civiles ; l’épée, pour la profession militaire ; le sceptre, la couronne, pour la dignité royale ; le chapeau, pour le cardinalat ; les bonnets rouges et les talons rouges, pour les démagogues et les aristocrates ; les parties du corps, pour le sens ou le sentiment dont elles sont ou dont on les suppose l’organe : l’œil, l’oreille, pour la vue et l’ouïe ; le cœur, la cervelle, les entrailles, pour le courage, l’esprit, la sensibilité, Mes entrailles pour lui se troublent par avance. […] Ecoutez Iphigénie : D’un œil aussi content, d’un cœur aussi soumis, Que j’acceptais l’époux que vous m’aviez promis, Je saurai, s’il le faut, victime obéissante, Tendre au fer de Calchas une tête innocente… Aussi soumise, soit ; mais aussi contente !
D’après la définition que nous avons donnée de l’éloquence, qui n’est autre chose que l’art de raisonner d’une manière persuasive et convaincante, il semblerait que nous rentrons ici dans son véritable domaine ; et qu’en la suivant dans les académies, nous allons avoir sous les yeux ce que l’éloquence a jamais fait entendre de plus beau, et ce que la philosophie a jamais pensé de plus raisonnable.
Mais l’allégorie, et en général le merveilleux, ne devaient pas, aux yeux d’Aristote, faire partie de l’art : ils formaient le fond même de la mythologie païenne.
Il l’est, en particulier, dans le passage que je cite ici, et dans l’appréciation qu’il fait des hommes ; mais indépendamment de la fausseté des idées, qui ne doit pas nous occuper ici, n’est-ce pas un historien insupportable que celui qui néglige ou écarte les faits pour barder son récit de réflexions philosophiques ou de dissertations comme celle-ci, sur la gloire : La gloire est un sentiment qui nous élève à nos propres yeux, et qui accroît notre considération aux yeux des hommes éclairés. […] Les spectateurs furent bien plus sévères, et l’auteur fut étonné lui-même de n’avoir pas prévu que ces hommes qui devaient, en public, s’agrandir et se rapetisser aux yeux de l’esprit, en conservant pour les yeux du corps leur taille ordinaire, exigeaient un genre d’illusion trop forcée pour le théâtre.
Dieu seul est toujours le même, et ses années ne finissent point ; le torrent des âges et des siècles coule devant ses yeux ; et il voit avec un air de vengeance et de fureur de faibles mortels, dans le temps même qu’ils sont entraînés par le cours fatal, l’insulter en passant, profiter de ce seul moment pour déshonorer son nom, et tomber au sortir de là entre les mains éternelles de sa colère et de sa justice. » Massillon a présenté deux fois la même idée à peu près dans les mêmes termes, dans un des sermons du Grand Carême, et dans le Discours prononcé une bénédiction des drapeaux du régiment de Catinat. […] Longin, qui fait mal à propos rentrer dans le sublime tant de choses qui ne lui appartiennent pas, et jusqu’à l’ode de Sapho, la plus brûlante expression de l’amour sensuel, Longin cite, comme modèle de ce qu’il nomme sublime d’image, ce passage d’Euripide, où Phébus cherche à guider, dans son téméraire voyage, Phaéton déjà lancé dans les cieux : Le père cependant, plein d’un trouble funeste, Le voit rouler de loin sur la plaine céleste, Lui montre encor sa route, et du plus haut des cieux Le suit autant qu’il peut, de la voix et des yeux : « Va par là, lui dit-il, reviens, détourne, arrête… » « Ne vous semble-t-il pas, ajoute Longin, que l’âme du poëte monte sur le char avec Phaéton, partage tous ses périls et vole dans l’air avec les chevaux ?
C’étaient de belles fêtes pour l’esprit que ces leçons où l’exposition la plus lucide mettait sous nos yeux les quatre systèmes élémentaires nés des premières réflexions de l’homme sur lui-même, sensualisme, idéalisme, scepticisme, mysticisme4 ; où la dialectique la plus pénétrante démêlait le vrai d’avec le faux dans chaque système, et combattait les erreurs de l’un par les vérités de l’autre ; où l’éloquence inspirée du seul intérêt de ces hautes matières nous rendait quelque chose de l’ampleur de Descartes et de l’éclat de Malebranche ; où, charmés et persuadés, nous sentions notre nature morale s’élever et s’améliorer par les mêmes plaisirs d’esprit qui formaient notre goût. […] Il nous remet notre vie sous nos yeux, laissant la peine dans le passé, et nous réchauffant par les images du plaisir.
L’homme qui les cultive dans le sein de l’opulence et des honneurs, n’en est que plus heureux et plus grand à nos yeux ; ses dignités en reçoivent un nouveau lustre.
« Heureusement pour vous et pour vos pareils, dans un de ces moments où Dieu parle au cœur des bons Rois, celui qui nous gouverne a jeté les yeux sur la pauvre noblesse de son Royaume. […] Souvenez-vous d’eux, je vous conjure, toute votre vie : souvenez-vous-en le jour d’une bataille, et dans toutes les occasions où il s’agira de faire bien ; et si ce n’est pas assez, de faire mieux que les autres (car il faut porter jusques-là son ambition), dites-vous sans cesse : Je suis devant les yeux de mes ancêtres, ils me voient ; et ne soyez pas après cela digne d’eux si vous le pouvez : ma main tremble en vous écrivant ceci ; mais c’est moins de crainte que de courage.
il doit être petit à ses propres yeux. […] Tout ce qui peut l’humilier, tout ce qui peut l’élever à ses propres yeux, y est fidèlement exposé.
Celui dont l’œil plein de rayons anime toute la nature5 voyait de toutes parts, en se levant, le reste d’un cruel orage ; mais, ce qui l’émut davantage, il vit un jeune nourrisson des Muses qui lui était fort cher, à qui la tempête avait dérobé le sommeil lorsqu’il commençait déjà à étendre ses sombres ailes sur ses paupières6. […] Cette fable fut composée un jour qu’au réveil, après une nuit d’été où avait éclaté un violent orage, le jeune prince, les yeux encore tout endormis, était de mauvaise humeur, et avait ses nerfs.
Il faut qu’il lui montre le cœur humain à découvert, et qu’il démêle à ses yeux les secrets ressorts qui le font mouvoir dans les différentes circonstances de la vie. […] Les événements sont tous présents à leurs yeux, et se placent d’eux-mêmes dans l’arrangement le plus naturel. […] Tous les ouvrages dont le souverain créateur a embelli le globe que nous habitons, toutes les productions que la terre étale à nos yeux, ou qu’elle cache dans son sein, sont la matière de l’histoire naturelle.
En faisant agir et parler ses personnages sous les yeux du lecteur, il a fait de la fable.
C’est là le plan que nous avons cru devoir suivre, en ne négligeant rien peur obtenir le succès le plus flatteur à nos yeux, celui de répondre aux intentions du ministre.
Voilà les vrais, les grands modèles qu’il faut étudier avec soin, qu’il faut avoir sans cesse sous les yeux, si l’on veut remplir avec succès la carrière imposante de l’éloquence sacrée.
la retraite de Pragues, pendant trente lieues de glace, jeta dans ton sein le semences de la mort, que mes yeux ont vues depuis se développer.
Il est malheureux que de pareils morceaux ne puissent pas être mis plus souvent sous les yeux des jeunes gens.
« Le poëte doit observer toutes ces choses et prendre garde surtout de ne rien faire qui choque les sens qui jugent de la poésie, c’est-à-dire les oreilles et les yeux : car il y a plusieurs manières de les choquer, j’en ai parlé dans d’autres discours où je traite de cette matière. » (Trad. de Racine.)
Les grands hommes Lorsqu’une déplorable faiblesse et une versatilité sans fin se manifestent dans les conseils du pouvoir ; lorsque, cédant tour à tour à l’influence des partis contraires, et vivant au jour le jour, sans plan fixe, sans marche assurée, il a donné la mesure de son insuffisance, et que les plus modérés sont forcés de convenir que l’État n’est plus gouverné ; lorsqu’enfin à sa nullité au dedans l’administration joint le tort le plus grave qu’elle puisse avoir aux yeux d’un peuple fier, je veux dire l’avilissement au dehors, une inquiétude vague se répand dans la société, le besoin de la conservation l’agite, et, promenant sur elle-même ses regards, elle semble chercher un homme qui puisse la sauver.
« C'est une chose merveilleuse, dit Rollin, comment des mots qui sont à la disposition de tout le monde, et qui par eux-mêmes n’ont aucune beauté particulière, étant choisis avec goût, maniés avec art et appliqués avec discernement, acquièrent tout d’un coup une beauté, un éclat qui les rend méconnaissables. » Il n’y a rien de remarquable dans les mots suivants : « C'est à Cadmus que la Grèce est redevable de l’invention des caractères ; c’est de lui qu’elle a appris l’art de l’écriture. » Mais on est charmé, lorsqu’on entend la même chose exprimée de cette manière si noble et si gracieuse : « C'est de lui que nous vient cet art ingénieux De peindre la parole et de parler aux yeux, Et, par des traits divers de figures tracées, Donner de la couleur et du corps aux pensées. » En latin, le mot ædificare, employé dans le sens propre, est un terme fort simple. […] L'importance de cette matière nous oblige de lui donner plus de développement, et de mettre sous les yeux, en suivant un ordre logique, les expressions les mieux choisies, les tournures les plus élégantes qui ont été employées par les bons auteurs. […] XV En latin comme en français on fait souvent usage du temps présent au lieu du temps passé pour rendre la narration plus animée, en présentant l’évènement comme se passant sous les yeux. […] L'autorité des anciens a plus de valeur à mes yeux. […] Le front, les yeux, le visage mentent très-souvent, et le langage plus souvent encore.
Mais que, de ce même marbre de Paros, Praxitèle ait fait une statue, la richesse de la matière acquerra, à mes yeux, un nouveau prix de l’habileté de l’artiste. » Il serait difficile de raisonner plus juste, de mettre plus sensiblement la vérité à la portée du plus grand nombre, et de s’exprimer surtout avec plus de grâce.
L’orateur public doit avoir sans cesse devant les yeux les conséquences terribles qui suivent nécessairement les délibérations trop précipitées.
Ainsi les peuples, trouvants beaux ces passetemps, amusés d’un vain plaisir qui leur passoit devant les yeux, s’accoustumoient à servir aussi niaisement, mais plus mal que les petits enfants qui, pour voir les luisants images de livres illuminés12, apprennent à lire.
Je crois bien qu’ils ne lisaient pas toujours dans ces beaux volumes, et qu’ils se contentaient souvent du très-grand et très-légitime plaisir de les regarder d’un œil d’amateur, de les ranger, de les manier, de les épousseter, jouissances délicieuses, je le sais, et que je permets au bibliophile, pourvu qu’il lise ou qu’il ait au moins l’intention de lire.
Le matelot, arrivé à son poste, parcourut des yeux tout l’horizon ; ce fut un moment d’angoisse inexprimable ; puis, tout à coup, agitant son chapeau, il s’écria : Une voile sous le vent !
De là cet impérieux dédain qui voudrait détourner nos yeux des plus beaux monuments de notre langue, par cela seul que la religion les a marqués de son sceau.
Le mal est fait, il germe, il rampe, il chemine, et rinforzando 3, de bouche en bouche, il va le diable ; puis tout à coup, ne sais comment, vous voyez la calomnie se dresser, siffler, s’enfler, grandir à vue d’œil.
Au contraire, dans ce qui concerne Milon, l’orateur accumule des mots composés de syllabes longues, des épithètes, des hiatus, afin de mieux représenter la marche paisible de Milon qui se rendait à Lanuvium pour l’élection d’un flamine, et de mettre sous les yeux ce nombreux attirail de femmes et de valets si peu propres à servir au milieu d’un combat. […] Déjà ils atteignent le rivage ; les yeux ardents, rouges de sang et de feu, ils font vibrer leur triple dard dans leur gueule béante. […] La variété de ces coupes si différentes l’une de l’autre est d’une grande beauté ; elles caractérisent admirablement les principaux traits que le poète met sous les yeux. […] Et jam bis medium amplexi… Quelle image effrayante, quel affreux spectacle le poète met ici sous nos yeux !
Il est certain que les bons ouvrages des orateurs et des poètes, en offrant à nos yeux des tableaux agréables, enchanteurs, et sagement variés, nous apprennent, en même temps, une foule de vérités utiles et remplissent notre âme de sentiments nobles et vertueux, qui peuvent nous rendre meilleurs.
On a beau savoir leurs intrigues, et les connaître pour ce qu’ils sont, ils ne laissent pas pour cela d’être en crédit parmi les gens, et quelque baissement de tête, un soupir mortifié, des roulements d’yeux, rajustent dans le monde tout ce qu’ils peuvent faire. » 1.
Le monde a été ébloui de l’éclat qui l’environnait ; ses ennemis ont envié sa puissance ; les étrangers sont venus des îles les plus éloignées baisser les yeux devant la gloire de sa majesté ; ses sujets lui ont presque dressé des autels ; et le prestige qui se formait autour de lui n’a pu le séduire lui-même. » Glissons ici ce fragment d’une Lettre que Louis XIV écrivait à Philippe V, son petit-fils, roi d’Espagne : « Il y a deux ans que vous régnez, vous n’avez pas encore parlé en maître par trop de défiance de vous-même ; vous n’avez pu vous défaire de votre timidité ; à peine cependant vous arrivez à Madrid, qu’on réussit à vous persuader que vous êtes capable de gouverner seul une monarchie, dont vous n’avez senti jusqu’à présent que le poids excessif.
« Heureuse, s’écrie-t-il, l’utile défiance de l’orateur sagement timide, qui, dans le choix et dans le partage de ses occupations, a perpétuellement devant les yeux ce qu’il doit à ses parties, à la justice, à lui-même !
Iphigénie était accoutrée comme Mme de Sévigné, lorsque Boileau adressait ces beaux vers à son ami : Jamais Iphigénie, en Aulide immolée, N’a coûté tant de pleurs à la Grèce assemblée, Que dans l’heureux spectacle à nos yeux étalé N’en a fait sous son nom verser la Champmeslé.
Au bout de quelques minutes, Colomba se leva, l’œil sec, mais la figure animée.
Ce dernier jugement a besoin de restriction : sans doute, dans toute autre circonstance, un pareil morceau pourrait être déplacé, et dégraderait peut-être la majesté de l’histoire ; mais a-t-on fait attention qu’entraîné par la marche des événements, l’historien met réellement ici ses héros en présence, et que plus il les rapproche, plus les traits qui leur sont communs ou différents, doivent se rapprocher aussi de l’œil du spectateur.
Suidas avait-il sous les yeux quelque autre témoignage d’Aristote sur le même sujet, quand il écrivait la notice suivante ?
Ton œil noir, de bonne heure attaché sur le ciel, Y chercha du vrai beau la divine substance.
Contente ton désir puisqu’il t’est glorieux ; Offense-toi des pleurs qui coulent de mes yeux.
Le torrent des âges et des siècles coule devant ses yeux ; et il voit, avec un air de vengeance et de fureur, de faibles mortels, dans le temps même qu’ils sont entraînés par le cours fatal, l’insulter en passant, profiter de ce seul moment pour déshonorer son nom, et tomber au sortir de là entre les mains éternelles de sa justice et de sa colère.
Lorsqu’en présence des trônes chancelants, au sein d’assemblées ébranlées par l’accent de tribuns puissants, ou menacées par la multitude, il me restait un instant pour la réflexion, je voyais moins tel ou tel individu passager, que les éternelles figures de tous les temps et de tous les lieux, qui à Athènes, à Rome, à Florence, avaient agi autrefois comme ceux que je voyais se mouvoir sous mes yeux.
Ouvrez donc les yeux, je vous supplie, à tant de lumière2.
De là, cette impudence, qui n’est d’abord que ridicule, mais qui enfante bientôt le mépris de soi et des autres, etc. » De l’éducation domestique, Messala passe à celle que les jeunes gens recevaient à Rome des professeurs publics, et de nouveaux désordres, de nouveaux abus se présentent en foule à ses yeux.
Il est certain que les poètes hébreux ont fait ce que font, ce que doivent faire les écrivains qui transportent dans leurs ouvrages la nature telle qu’elle s’offre à leurs yeux, et font, dans ce qui les environne, le choix des accidents les plus heureux, des rapports les plus harmoniques.
. — On écrit œil, que l’on prononce comme euil.
« Quel objet se présente à mes yeux ?
Née d’une famille ancienne mais pauvre du Berry, et chanoinesse de Poussay en Lorraine, cette personne, d’un rare mérite, avait été attachée à la maison de Saint-Cyr par l’amitié de Mme de Maintenon, qui même un moment jeta les yeux sur elle pour la placer à la tête de l’établissement qu’elle avait fondé.
Cette sage uniformité dans la pratique des devoirs, qui paraît si triste aux yeux du monde, est la source de leur joie et de cette égalité d’humeur que rien n’altère.
Pas un ne me connaissait, ni ne se souciait de moi ; j’etais comme n’existant pas pour eux tous ; et plus d’une fois les larmes me sont venues aux yeux en pensant qu’ailleurs j’aurais rencontré des regards amis !
Par un art aussi simple qu’ingénieux, vous nous montrez comment toute la Bible, déployant le pathétique du sensible, et faisant briller à nos yeux la splendeur du vrai, est un élan poétique du cœur tout ensemble et de la raison ; bien mieux, vous nous montrez comment tous les genres de poésie trouvent leurs modèles dans les Livres saints : l’Ode, dans les chants de Moïse et de Débora ; l’Épithalame, dans le Cantique des cantiques et dans le Psaume Eructavit cor meum verbum bonum ; l’Élégie, dans les plaintes sublimes de Job et dans les Lamentations de Jérémie ; le Poème didactique, dans les Proverbes et dans l’Ecclésiaste ; la Pastorale, dans Ruth et dans Tobie, etc.
Il était rigoureusement alors dans les conditions exigées par Antoine : ses yeux étaient injectés, ses joues empourprées ; il veut parler, il balbutie, il pousse des cris confus, sa colère réelle le suffoque ; il touchait au ridicule.
L’esclavage domestique formait une première et grande uniformité ; le reste de la vie des citoyens, se passant sur la place publique, était trop ouvert à tous les yeux pour que l’on y pût supposer avec vraisemblance quelque aventure extraordinaire, quelque grande singularité de caractère ou de destinée, enfin, la condition inférieure des femmes, leur vie retirée, affaiblissaient la puissance de cette passion, qui joue un si grand rôle dans les romans modernes. » Pourtant la littérature grecque n’est pas absolument dépourvue de romans : la Cyropédie de Xénophon est un véritable roman philosophique, comme le remarque Cicéron ; c’est le Télémaque réduit aux formes de l’histoire.
Il m’est impossible de me représenter l’état où vous avez été, ma chère enfant, sans une extrême émotion2 ; et quoique je sache que vous en êtes quitte, Dieu merci, je ne puis tourner les yeux sur le passé sans une horreur qui me trouble.
Neptune de son trident frappait la terre, et on voyait sortir un cheval fougueux : le feu sortait de ses yeux et l‘écume de sa bouche ; ses crins flottaient au gré du vent ; ses iambes souples et nerveuses se repliaient avec vigueur et légèreté. 11 ne marchait point ; il sautait à force de reins, mais avec tant de vitesse, qu’il ne laissait aucune trace de ses pas : on croyait l’entendre hennir.
Au mesme temps, ou bientost après, le prince de Condé3 ayant saisi Orleans (15 avril 1562), les persecutions redoublees, les massacres et brustements qui se faisoient à Paris ayant contraint, après de grands dangers, Beroalde de s’enfuir avec sa famille, il fascha1 bien à ce petit garçon de quitter un cabinet de livres couverts2 somptueusement et autres meubles, par la beauté desquels on lui avoit osté le regret du pays, si bien qu’estant auprès de Villeneufve-Saint-George3, ses pensées tirèrent des larmes de ses yeux ; et Beroalde, le prenant par la main, luy dit : « Mon amy, ne sentez-vous point l’heur4 de ce que vous est5 de pouvoir, dès l’aage où vous estes, perdre quelque chose pour celuy qui vous a tout donné6 ?
A quoi sont employés tant de soins magnanimes Où son esprit travaille, et fait veiller ses yeux, Qu’à3 tromper les complots de nos séditieux, Et soumettre leur rage aux pouvoirs légitimes ?
L’homme, qui est esprit, se mène par les yeux et les oreilles. » 7.
s’écria-t-il avec transport, lorsqu’il eut parcouru des yeux tous les feuillets de ma copie, vit-on jamais rien de si correct ?
C’est, dira-t-on, qu’on ne méprise pas une personne qui a la fièvre, et que c’est un mal qui ne nous rend pas vils aux yeux du monde ; qu’ainsi le jugement de ceux qui nous l’attribuent ne nous blesse pas : mais que ceux qui nous imputent des défauts y joignent ordinairement le mépris et causent la même idée et le même mouvement dans les autres.
La description du Temple du goût donne une idée très juste du goût exquis qui doit régner dans un ouvrage : Simple en était la noble architecture : Chaque ornement, à sa place arrêté, Y semblait mis par la nécessité : L’art s’y cachait sous l’air de la nature ; L’œil satisfait embrassait sa structure, Jamais surpris et toujours enchanté.
« Ce qui me surprend toujours, c’est que personne d’entre vous ne veuille considérer, en reportant ses yeux sur le passé, que la guerre actuelle n’a été entreprise de notre part, que pour réprimer l’insolence de Philippe, et qu’elle n’est plus aujourd’hui qu’une guerre défensive, pour nous mettre à l’abri de ses insultes : insultes qu’il ne manquera pas d’accumuler, à moins que l’on n’y mette un prompt obstacle ». […] Qu’on soit donc, puisque c’est l’usage, qu’on soit libéral aux dépens des alliés ; qu’on voie d’un œil tranquille piller le trésor public ; mais que l’on épargne au moins notre propre sang, et qu’on n’aille pas perdre tous les gens de bien, pour épargner quelques scélérats.
Vienne l’habitude, l’écrivain y recourra instinctivement et sans peine, comme le marchand expérimenté retrouve, les yeux fermés, les divers objets de son commerce, selon les diversités de la demande.