Exorde. « Si le sujet qui nous rassemble avait pour objet quelque nouveau débat, j’attendrais, Athéniens, que vos orateurs ordinaires eussent manifesté leur opinion ; et si leurs propositions m’avaient paru sages, j’aurais continué de garder le silence : dans le cas contraire, j’aurais exposé mon sentiment : mais puisqu’il s’agit de choses sur lesquelles ils ont plus d’une fois déjà donné leur avis, vous me pardonnerez sans doute d’avoir pris le premier la parole ; car s’ils avaient dans le temps indiqué les mesures convenables, vous n’auriez point à délibérer aujourd’hui ». […] si vous voulez adopter enfin des sentiments semblables, si chacun de vous est prêt à servir son pays autant qu’il le doit, et qu’il le peut ; si les riches sont disposés à contribuer de leur bourse, les jeunes gens à prendre les armes ; si vous voulez enfin redevenir vous-mêmes, vous pourrez encore, avec le secours des Dieux, retrouver et mettre à profit les occasions imprudemment négligées, et châtier l’insolence de cet homme qui vous épouvante aujourd’hui. […] « Pour moi, dit-il, je n’ai jamais brigué votre faveur par des discours étrangers à ce que je croyais vous devoir être utile ; et j’ai alors déclaré mon sentiment sans art, comme sans réserve. […] Quant à Gabinius, Statilius et Cépurius, je vous le demande, eussent-ils formé jamais un pareil complot, s’ils avaient conservé le moindre sentiment d’honneur.
Les ouvrages dramatiques se distinguent d’après leur dénouement heureux ou malheureux, d’après les sentiments qu’ils excitent, d’après le rang des personnages, et le ton général du style. […] Ainsi, toute tragédie qui ne produit que l’un de ces deux sentiments est imparfaite ; celle qui ne produit ni l’un ni l’autre n’est point vraiment tragique ; et celle qui ne les produit que dans quelques endroits n’est tragique que dans ces endroits mêmes157. […] La fin morale de l’apologue est une maxime instructive ; celle de la satire est la correction du vice par la censure directe ; celle de l’épopée est d’élever l’âme par des idées nobles et des sentiments généreux ; celle de la tragédie sera de rendre notre âme sensible au malheur des autres, et moins facile à abattre par nos propres infortunes159. […] Dans les tragédies de Sénèque, on trouve en quelques endroits de fort beaux sentiments, mais qui sont presque toujours hors de la nature.
L’une, plus musicale, sera de préférence l’organe des chansons et des sirventes ; elle se prêtera mieux à l’expression des sentiments lyriques. […] C’est alors que tous les sentiments héroïques s’épanouissent en une sorte de floraison printanière. […] Mais les conséquences de cette double révolution n’apparaissent pas tout d’abord ; et la première impression que produise en nous le spectacle de cette époque est le sentiment d’une anarchie qui déconcerte l’analyse.
Les sentiments bons et mauvais sont susceptibles de culture. […] C’est une déclaration voilée et discrète de ses sentiments. […] Son amour est composé de tous les plus nobles sentiments du cœur.
Souvent son raisonnement n’est qu’un trait de sentiment, et sa preuve, une image brillante. […] Et quel est notre aveuglement, si toujours avançant vers notre fin, et plutôt mourants que vivants, nous attendons les derniers soupirs pour prendre les sentiments que la seule pensée de la mort nous devrait inspirer à tous les moments de notre vie ?
Ce sentiment rappelle ce vers de Virgile : Non illum pietas, nec Apollinis infuta texit. […] Il entre dans ce sentiment de l’horreur pour ce qui est divin, du dédain pour les hommes, et du mépris pour l’aimable simplicité. » Joubert.
Esprit brillant, belle imagination, il fut le Malherbe de la prose : il a le sentiment de la cadence, l’ampleur de la période, l’éclat du discours ; il sait choisir et ordonner les mots ; il orne de grandes pensées par des expressions magnifiques dont l’harmonie soutenue enchante l’oreille. […] Il eut en passant le sentiment de la nature : mérite rare au dix-septième siècle.
Il sait assortir les nuances du sentiment et de la pensée, caresser l’oreille et charmer l’esprit par l’heureux choix des mots et l’harmonie d’une période savante. […] On vit dans les villes par où son corps a passé les mêmes sentiments que l’on avait vus autrefois dans l’empire romain, lorsque les cendres de Germanicus furent portées de la Syrie au tombeau des Césars.
Ce sentiment est fondé sur le témoignage de Pline, qui dit que les habitans de la Phrygie (contrée de l’Asie mineure, où fut bâtie la ville de Troie) surent atteler à un char deux chevaux, et Erichthon, quatre de front.
. — L’Interjection est un mot dont on se sert pour exprimer un sentiment de l’âme, comme la joie, la douleur, etc.
Descartes a toujours conservé un vif sentiment de reconnaissance pour ses maîtres. […] Ce mot signifie retour d’un même sentiment.
Toutes ses pensées, tous ses sentiments éclataient au dehors avec l’impétuosité de la poudre faisant explosion. […] Ailleurs, Schiller écrit à Goëthe : « J’ai relu Diderot sur la peinture ; Diderot ressemble à bien des gens qui trouvent la vérité par le sentiment et la dissipent par le raisonnement.
Rien n’est dit, rien n’est jugé ; il faut recommencer ; il faut aller au delà du crime comme il a fallu aller au delà de la loi ; il faut étudier l’homme lui-même, tout l’homme ; il est bien plus vaste, bien plus complexe que son action ; en lui se rencontrent je ne sais combien de dispositions, de facultés, d’idées, de sentiments dont elle ne donne pas la clef, qui n’en font pas moins partie de sa nature morale, et qu’il faut bien connaître, dont il faut bien tenir compte si on veut le juger d’après ce qu’il est réellement, et prononcer sur son caractère, sur sa personne, sur lui-même enfin avec équité. […] À mesure que je me détache de moi-même et que le temps m’emporte loin de nos combats, j’entre sans effort dans une appréciation sereine et douce des idées et des sentiments qui ne sont pas les miens.
Je n’attends là-dessus, que vos ordres pour exécuter ses intentions, et vous supplie d’agréer les sentiments avec lesquels j’ai l’honneur d’être, etc. […] Mais, frappé de l’accord, de l’ordre, de la majesté, de la promptitude et de l’exactitude du service qui s’est fait sous ses yeux, il emporte avec lui le sentiment de leur présence. […] Mais Lafontaine n’avait point à craindre de la part du lecteur un sentiment d’indifférence : car, dans un dialogue de quelques lignes, il a su prouver admirablement son épiphonême. […] L’usage, en attribuant aux yeux la puissance de recevoir un sentiment comme ils reçoivent une larme, a donc con-sacré une métonymie énergique, concise, à laquelle on fait peu attention. […] Ni son geste ni sa démarche ne trahissaient un sentiment de crainte.
Nous soumettons donc, avec le sentiment que nous inspire un travail sérieux, cette troisième édition de notre Traité d’élégance et de versification à la critique des hommes spéciaux, espérant que leur jugement, s’il est le résultat d’un examen consciencieux, lui sera entièrement favorable.
. — de l’invention L’homme mental est doué de trois grandes puissances, le sentiment, la volonté, l’intelligence, dont la réunion forme l’identité mystérieuse qu’on appelle l’âme. […] Cela posé, on conçoit que si l’écrivain veut parvenir à communiquer et à faire partager ses opinions et ses sentiments, il doit acquérir certaines connaissances et suivre une méthode raisonnée de travaux pratiques, qui puissent exercer simultanément, et, autant que possible, au même degré, la mémoire, le jugement et l’imagination.
L’habitude de lire les poètes à haute voix donne le sentiment instinctif de la mesure beaucoup mieux que les règles. […] Il doit aussi chercher à approprier la stance au genre de composition qu’il adopte, et au caractère de sa pensée ; car, parmi les stances, les unes sont graves et pompeuses, les autres vives, gracieuses et légères : c’est le sentiment de l’harmonie qui doit toujours le guider, On peut faire des stances depuis trois jusqu’à dix vers ; on en trouve aussi de douze ; l’oreille n’en supporte guère de plus longues.
Mais tous ces sentiments demeurent maintenant comme étouffés et engourdis, parce que votre lenteur et votre nonchalance ne leur donnent point lieu d’éclater ; et c’est à quoi il faut que vous remédiiez ; car voyez où vous en êtes réduits, et quelle est l’insolence de cet homme. […] Enfin, dans les sujets graves, l’orateur déploie toutes les ressources de son art, il met en usage tout ce que l’éloquence a de tours séduisants et de mouvements impétueux ; il anime cette partie de son discours de toute la chaleur, de tout le feu du sentiment pour exciter les passions et maîtriser les âmes.
L’originalité de Chateaubriand est dans l’accord de ses dissonances : procédant de maîtres opposés, il s’inspire du passé comme de l’avenir ; il mêle tous les styles, il rapproche les idées et les sentiments les plus contraires. […] Qui dira le sentiment qu’on éprouve en entrant dans ces forêts aussi vieilles que le monde, et qui seules donnent une idée de la création telle qu’elle sortit de la main de Dieu ?
Il lui fallait en outre le sentiment, l’amour du beau il lui fallait ce grand cœur d’où est sorti le mot du vieil Horace. » (V.
Fontenelle, dans ses ouvrages scientifiques, nous montre souvent mal à propos le bel esprit ; mais on aime à voir Buffon orner de brillantes couleurs ses descriptions de la nature ; Chateaubriand, dans le Génie du Christianisme, animer de sa puissante imagination les preuves qu’il donne au sentiment religieux ; et Platon faire circuler dans ses dialogues philosophiques le souffle inspiré de la poésie35.
D’ailleurs les bons exemples offrent tantôt de belles idées, qui ne peuvent qu’enrichir l’esprit, tantôt de grands sentiments, propres à former le cœur, et contribuent toujours infiniment à épurer le goût.
Ajouter à la justesse, au naturel, à la facilité, l’agrément et la distinction, c’est ce qu’on nomme, dans les choses d’esprit et de raison, l’élégance, dans les choses de sentiment, la grâce. […] La finesse laisse deviner la pensée, la délicatesse ménage le sentiment ; elle désire à la fois et craint d’être comprise ; c’est la Galatée de Virgile, Quæ fugit ad salices, et se cupit ante videri.
Métonymies du signe pour la chose signifiée : La robe, pour les professions civiles ; l’épée, pour la profession militaire ; le sceptre, la couronne, pour la dignité royale ; le chapeau, pour le cardinalat ; les bonnets rouges et les talons rouges, pour les démagogues et les aristocrates ; les parties du corps, pour le sens ou le sentiment dont elles sont ou dont on les suppose l’organe : l’œil, l’oreille, pour la vue et l’ouïe ; le cœur, la cervelle, les entrailles, pour le courage, l’esprit, la sensibilité, Mes entrailles pour lui se troublent par avance. […] C’est en Italie et en Espagne que nos auteurs des premières années du xviie siècle l’ont puisée, je ne dis pas seulement les Théophile, les Scudéry et les Bergerac, mais Balzac, mais Corneille surtout, à qui Boileau l’a si justement reprochée, mais Racine lui-même, qui donne quelquefois dans l’hyperbole du sentiment, comme les autres dans celle de la pensée.
Parmi eux, les sages mêmes, dans leurs écrits, semblent être de jeunes hommes. » « Hors des affections domestiques, tous les longs sentiments sont impossibles aux Français. » « Il n’y a pas de peuple au monde qui fasse le mal avec aussi peu de dignité que nous. […] Il ne réussit bien qu’aux sentiments qui exigent du jet, et au commerce qui demande du goût, de la hardiesse et de la célérité. » « Les journaux et les livres sont plus dangereux en France qu’ailleurs, parce que tout le monde y veut avoir de l’esprit ; et que ceux qui n’en ont pas en supposent toujours beaucoup à l’auteur qu’ils lisent, et se hâtent de penser on de parler comme lui. » « En France, il semble qu’on aime les arts pour en juger bien plus que pour en jouir. » 1.
Elles lui font découvrir, non seulement mille beautés qui lui seraient échappées, mais encore la source et le principe de celles qui le frappent ; et l’on conçoit aisément que cette découverte doit ajouter beaucoup au sentiment agréable, que lui cause la lecture d’un bel ouvrage.
Combien de traits de sentiment, de pensées sublimes, de mouvements pathétiques l’éloquence ne leur doit-elle pas ?
Sentiment [d’humanité.]
Ne te donna-t-on pas des avis, quand la cause Du marcher et du mouvement, Quand les esprits, le sentiment, Quand tout faillit en toi ? […] Au xvii e siècle, où l’on ne connaissait que la vie de salon, le sentiment de la nature est une précieuse rareté. […] Alors l’émotion personnelle se substitue au lieu commun ; alors nous trouvons les sentiments et les paroles qu’il faut pour exprimer notre douleur. […] Tout à coup le nom d’un parent, d’un ami, vient frapper nos regards : alors nous nous écrions ; alors le fait général se singularise, et prend une signification fatale ; alors cette mort se sépare et se distingue des autres par le sentiment qu’elle nous inspire.
Plusieurs avaient sans doute à exprimer des peines réelles ; plusieurs, comme Millevoye et Gilbert, ont chanté au bord de la tombe : aussi leurs vers portent-ils l’empreinte d’un sentiment vrai et profond ; mais d’autres n’ont chanté que des douleurs factices et caressé que des chimères ; ils mouraient par métaphore, et riaient sous cape de voir le public s’attendrir sur leurs infortunes.
Le style est donc l’art ou la manière propre à chaque écrivain de formuler nettement et convenablement ses pensées et ses sentiments au moyen de la parole.
Il l’est, en particulier, dans le passage que je cite ici, et dans l’appréciation qu’il fait des hommes ; mais indépendamment de la fausseté des idées, qui ne doit pas nous occuper ici, n’est-ce pas un historien insupportable que celui qui néglige ou écarte les faits pour barder son récit de réflexions philosophiques ou de dissertations comme celle-ci, sur la gloire : La gloire est un sentiment qui nous élève à nos propres yeux, et qui accroît notre considération aux yeux des hommes éclairés. […] L’auteur, dépouillé de tout sentiment étranger à son objet, livré entièrement et uniquement à la vérité qu’il peint, la présente telle qu’elle est, avec la naïveté, la force, la candeur, qui lui sont propres. […] Des batailles perdues, la diminution du peuple, l’affaiblissement du commerce, l’épuisement du trésor public, le soulèvement des nations voisines, ‘pouvaient faire accepter à Carthage les conditions de paix les plus dures ; mais Rome ne se conduisait point parle sentiment des biens et des maux : elle ne se déterminait que par sa gloire ; et comme elle n’imaginait point qu’elle pût être si elle ne commandait pas, il n’y avait point d’espérance ni de crainte qui pût l’obliger à faire une paix qu’elle n’aurait point imposée.
Un jeune élève, dont les idées sont si restreintes et le sentiment si peu développé, se trouvera bien embarrassé ; et si, après de vains efforts, on lui met sous les yeux ces beaux vers de Virgile, quel ne sera pas son étonnement ? […] La poésie aime à se parer de comparaisons riches, nobles, touchantes, afin de plaire à l’imagination et au sentiment, et d’ajouter au sujet de nouvelles beautés. […] C'est ici un sentiment de tristesse et de vive douleur.
Avec cette modestie qui concilie la faveur, supposez, dans l’âme du poëte, la conviction de la grandeur de son sujet ; alliez le sentiment de la magnificence des faits à celui de l’impuissance du narrateur, et vous aurez la source de l’invocation qui, dans la plupart des poëmes épiques, se combine avec l’exposition. […] C’est lorsque, en dépit de la conscience de son crime et de l’indignation générale soulevée contre son infamie, Catilina a l’impudeur de se présenter au sénat et d’y prendre sa place ordinaire, que Cicéron fulmine contre lui son ex abrupte classique : Quousque tandem abutere patientia nostra… Il n’est que l’expression du sentiment éveillé dans tous les cœurs par l’audace du coupable.
Quel sujet peut inspirer des sentiments plus justes et plus touchants, qu’une mort soudaine et surprenante, qui a suspendu le cours de nos victoires, et rompu les plus douces espérances de la paix ? […] Et à qui pourrais-je apprendre que, rapprochés de nous par un sentiment que notre férocité même ne peut anéantir, ils s’associent à nos peines comme à nos plaisirs, devinent et partagent toutes nos affections, nous protègent dans le danger, combattent et meurent en nous défendant ?
Ce fut vers l’époque de la Saint-Barthélemy que Montaigne, humain par sentiment, tolérant par raison, libre de tout parti, de tout intérêt, et sans arrière-pensée de vaine gloire, « se proposa lui-même à lui, pour argument et sujet d’étude ». […] Cela veut dire : parce que notre… n’a plus le sentiment de ce qui se passe ici-bas.
Le sensualisme explique toutes nos idées par la sensation, l’idéalisme par la raison pure ; le scepticisme doute, le mysticisme croit par sentiment. […] Sainte-Beuve dit : « Parler de La Fontaine, c’est parler de l’expérience même, du résultat moral de la vie, du bon sens pratique, fin et profond, universel et divers, égayé de raillerie, animé de charme et d’imagination, corrigé et embelli par les meilleurs sentiments, consolé surtout par l’amitié. » 1.
La description a sans doute des charmes : en nous détaillant les beautés de la création, elle élève notre âme au Créateur ; mais il faut qu’elle soit bornée, et que la vie ou le sentiment l’anime.
Aujourd’hui l’églogue est passée de mode : ce n’est pas que l’on sente moins vivement la nature ; au contraire, l’admiration pour la campagne et pour les œuvres du Créateur est plus vive et plus vraie que jamais, mais ce sentiment s’épanche en élans lyriques et passionnés ; ou bien l’imagination, enivrée d’admiration, se donne carrière dans la poésie descriptive.
Stoïcien tendre, il justifia par son exemple ce mot excellent qui est de lui : « Les grandes pensées viennent du cœur. »Philosophe religieux par sentiment, il se conserva pur de toute contagion dans un siècle où la licence des mœurs atteignait les idées.
Et quelle fierté noble dans les sentiments qu’il prête à son client, dans le langage qui les exprime ! […] Tout ce que je vous demande, Messieurs, c’est d’oser, en donnant votre suffrage, n’en croire que vos sentiments.
L’historien a encore un devoir bien important à remplir : c’est de ne rien dire dans son ouvrage qui ne porte un caractère de raison et d’équité ; qui ne montre la droiture de son cœur et l’honnêteté de ses sentiments. […] Nul sentiment étranger à. leur objet ne les anime : ils ne sont occupés qu’à peindre la vérité telle qu’elle est. […] On admire dans Tite-Live la plus belle imagination, la noblesse des pensées et des sentiments, la variété du style qui se soutient toujours également, et surtout le grand art d’attacher et d’intéresser le lecteur : c’est le prince des historiens latins.
Mais quel est l’avocat, en lui supposant encore quelque sentiment d’honneur et de probité, qui voulût se charger ainsi d’une haine étrangère, se rendre l’instrument méprisable du ressentiment de son client, et devenir à son gré, violent, emporté, sans d’autre motif que celui de servir, pour un vil intérêt, la passion d’un ennemi qui n’a ni les moyens, ni le courage de se venger lui-même ?
De tous les sentiments, l’amour est le plus fier, le plus indépendant et le plus libre.
L’apologue paraît avoir pris naissance dans l’imagination vive et métaphorique des Orientaux, qui croyaient à la métempsycose, et prêtaient aux animaux le sentiment et la raison ; c’est chez eux que nous trouvons les plus anciens apologues, employés dans les discours religieux, moraux et philosophiques.
Il eut l’intelligence plutôt que le sentiment de la poésie sacrée, et l’âme des prophètes ne l’échauffa guère.
Il en est de même quand on dit : La chaleur du sentiment, la rapidité de la pensée, un déluge de mots, des torrents de plaisirs, etc. […] 8° Les parties du corps qui sont regardées comme le siège des passions et des sentiments, pour les passions et les sentiments. […] Le plus souvent c’est le ton de la voix et la connaissance des sentiments de celui qui parle et de ceux à qui il parle, qui nous révèlent l’ironie. […] Virg. — Avere, avoir envie, marque du sentiment et du goût. […] Il a plus de rapport aux nouvelles publiques, aux bruits qui courent. — Interrogare (rogare inter), interroger, a plus de rapport au sentiment, à l’opinion de celui qu’on interroge.
En expliquant ainsi la différence qu’il y a entre un verbe actif et un verbe neutre, je n’ai fait que suivre le sentiment de tous nos bons Grammairiens, qui ont bien montré, par la force et la justesse de leurs raisonnements, qu’ils connaissaient toute la métaphysique de notre langue. […] C’est le sentiment de l’Académie. […] Les particules ou interjections sont des mots, dont nous nous servons, pour exprimer un mouvement ou un sentiment de notre âme, soit de joie, soit de tristesse, soit de crainte, soit d’aversion, etc. […] L’interjection exprime un mouvement ou un sentiment de notre âme.
Des peuples vaincus d’avance, engourdis depuis longtemps dans les chaînes du despotisme, étaient incapables de sortir tout à coup de ce profond abattement, pour renaître à des sentiments dont leurs âmes flétries n’étaient plus susceptibles.
On admire souvent, dans ses écrits, la grandeur et la force des sentiments et des idées ; mais on y rencontre aussi des pensées fausses, des raisonnements tirés de trop loin, et péniblement amenés à une conclusion peu satisfaisante.
Quels sont les moyens les plus convenables pour développer dans la jeunesse le sentiment littéraire ?
Il devint membre de l’Académie française à la fondation de ce corps en 1635, et ce ne fut qu’à la fin de sa longue carrière qu’il s’occupa de la traduction des Psaumes, où l’on trouve un accent assez ferme, mais où manque trop souvent le sentiment de la couleur originale.
» Elle s’afflige, elle se rassure, elle confesse humblement et avec tous les sentiments d’une profonde douleur que de ce jour seulement elle commence à connaître Dieu. […] Le jeu des ressorts n’est pas moins aisé que ferme : à peine sentons-nous battre notre cœur, nous qui sentons les moindres mouvements du dehors, si peu qu’ils viennent à nous ; les artères vont, le sang circule, les esprits coulent, toutes les parties s’incorporent leur nourriture sans troubler notre sommeil, sans distraire nos pensées, sans exciter tant soit peu notre sentiment : tant Dieu a mis de règle et de proportion, de délicatesse et de douceur, dans de si grands mouvements.
Mon aigne ne fut pas moins vif dans ses sentiments : « Paris a mon cœur dès mon enfance, et m’en est advenu comme des choses excellentes ; plus j’ay veu, depuis, d’aultres villes belles, plus la beauté de celle-cy peult et gaigne sur mon affection : je l’ayme par elle-mesure, et plus en son estre seul, que rechargée de pompe e-trangière ; je l’ayme tendrement, jusques à ses verrues et à ses taches : je ne suis François que pour cette grande cité, grande en peuple, grande en félicité de son assiette ; mais surtout grande et incomparable en variété et diversité de commoditez ; la gloire de la France, et l’un des plus nobles ornements du monde. […] L’esprit et le sentiment les font aller au delà des forces physiques, à la différence des peuples sans passion et des bêtes de somme, qui, après un temps donné, succombent sous certaines charges.
Et ce qui prête au sentiment de ces grands hommes une autorité bien plus respectable encore, c’est que les détails de leur vie ne furent jamais en contradiction avec leurs discours : c’est qu’ils ne conseillaient rien qu’ils n’eussent d’avance pratiqué eux-mêmes, et que tout ce qu’ils disaient de la vertu n’était que le tableau de leurs pensées, et l’histoire fidèle de leurs actions.
La passion s’enflamme, les figures les plus hardies deviennent naturelles, parce qu’elles sont naturellement amenées : la chaleur du discours, l’élan du sentiment se communiquent de proche en proche, les esprits sont convaincus ; les cœurs entraînés, et la vérité triomphe.
Arrivé aux bords du Rubicon, César balance un instant ; enfin, le sentiment des injures qu’il a reçues et l’ambition surtout, l’emportent sur toute autre considération : il s’élance dans le fleuve.
Les Lettres de Consolation qui suivirent furent inspirées par des malheurs personnels dont le sentiment donne un vif accent à ce commentaire d’un ancien.
Tout contrefacteur ou débitant de contrefaçons de cet Ouvrage sera poursuivi conformément aux lois. Toutes mes Editions sont revêtues de ma griffe. Avant-propos. Le succès toujours croissant de la nouvelle Méthode, à laquelle ce Cours est adapté, nous dispense d’en faire l’éloge, et d’ajouter un tardif et obscur hommage aux suffrages éminents qui l’ont accueillie dès son apparition. En offrant au public ce recueil, nous n’avons point la prétention chimérique de suivre pas à pas la théorie de l’auteur, de présenter chacun des exercices qui composent notre ouvrage, comme le développement spécial d’une règle de la Méthode.
vi (édition 1716) : « Je tâcherai de prouver la vérité de ce sentiment d’Aristote que la poésie d’Homère est plus grave et plus morale que l’histoire. » La poésie met ensuite des noms propres.]
Œnone dit à Phèdre qu’un père, même dans ses rigueurs, ne dépouille pas tout sentiment de tendresse paternelle : Un père en punissant, madame, est toujours père. […] Je ne sais si l’habitude de personnification et d’allégorie, qui est la nature même de la fable, n’a pas entraîné parfois la Fontaine à donner la vie, le sentiment, jusqu’aux mœurs de la civilisation à des êtres si essentiellement matériels et passifs, que nous faisons de vains efforts pour nous prêter à l’illusion.
A ce compte, puisque Figaro répond à tant de sentiments bons et mauvais de notre nature, c’est un personnage qui cessera plutôt d’être joué que d’être applaudi.
Mille tendresses à mon cher comte ; mes sentiments pour lui et pour vous ne s’affaibliront jamais.
Ses sentiments répondaient aux appels du public ; mais il est périlleux de faire des œuvres de circonstance ; quand vint à se calmer cet enthousiasme trop passager, la sérénité du poëte n’en fut point altérée.
Lamotte, homme de beaucoup d’esprit, mais qui n’avait pas le sentiment des arts, fut le premier qui mit au rang des épopées ce beau roman politique, apparemment pour se ménager à lui-même le droit singulier de faire des tragédies et des odes en prose1. » Enfin, Dussault, critique célèbre de l’époque impériale, a dit avec autant d’élégance que de justesse : « La versification est tellement essentielle à la poésie, qu’on ne peut raisonnablement regarder comme des poètes ceux qui ont secoué ce joug.
À un bon sens supérieur il alliait « le don de l’élocution », et Bossuet put dire avec sincérité : « La noblesse de ses expressions vient de celle de ses sentiments.
Ainsi, quand le poète et l’orateur embrasseront la totalité d‘un objet, en présenteront une complète, ils définiront philosophiquement le premier avec des images et des sentiments, comme le comporte la langue poétique ; le second avec les mouvements propres à l’éloquence. […] Telle que nous allons l’ envisager, l’allégorie est la manière d’exprimer des faits ou des sentiments par des objets ou des paroles qui les laissent deviner, qui en donnent ridée, mais qui ne la font point connaître positivement. […] Ainsi, qu’avait-on de mieux à faire que de créer un genre qui, reposant sur des bases connues et avérées, ne fût cependant pas ennemi des embellissements de l’imagination, des élans du sentiment et des circonstances de pure fantaisie ?
Le goût Le sens, le don de discerner nos aliments, a produit dans toutes les langues connues la métaphore qui exprime par le mot goût le sentiment des beautés et des défauts de tous les arts. […] On vous impute des libelles que vous n’avez pas même lus, des vers que vous méprisez, des sentiments que vous n’avez point. […] Il est plus difficile de se détromper des illusions de ce monde, et des sentiments qui nous y attachent jusqu’au dernier moment.
» On ne séparait point autrefois deux sciences qui, par leur nature, sont inséparables : le philosophe et l’orateur possédaient en commun l’empire de la sagesse ; ils entretenaient un heureux commerce, une parfaite intelligence entre l’art de bien penser et celui de bien parler ; et l’on n’avait pas encore imaginé cette distinction injurieuse aux orateurs, ce divorce funeste à l’éloquence, des expressions et du sentiment, de l’orateur et du philosophe ».
Elles lui apprennent à aimer par-dessus tout la franchise, et à chercher ses ressources dans l’accent sincère d’un sentiment ou d’une conviction, plus que dans ces procédés artificiels dont l’emploi indiscret finit par gâter des mains novices.
Ce tableau est excellent, parce que la couleur exprime des sentiments, et une physionomie.
Elles lui apprennent à aimer par-dessus tout la franchise, et à chercher ses ressources dans l’accent sincère d’un sentiment ou d’une conviction, plus que dans ces procédés artificiels dont l’emploi indiscret finit par gâter des mains novices.
quelle gravité dans les sentiments !
Ce qui les distinguait surtout, c’était l’art de parler, sur-le-champ, avec la plus grande facilité ; et ce genre de mérite convenait à l’imagination ardente et légère d’un peuple que le sentiment et la pensée frappaient rapidement, et dont la langue féconde et facile semblait courir au-devant des idées.
De nos jours, on ne met plus ainsi le sentiment à l’alambic ; mais on se plaît à torturer l’esprit par l’énigme, le logogriphe et la charade, qui font l’amusement des oisifs de salon : on n’y gagne pas grand’chose, sinon peut-être de se croire de l’esprit en cherchant à deviner celui des autres.
Comme le sentiment de nos propres forces influe toujours sur nos opinions, le critique sans chaleur et sans imagination sentira faiblement des qualités qui lui sont trop étrangères.
Chez les anciens, d’ailleurs, la liberté républicaine permettait plus d’énergie aux sentiments, et laissait plus de franchise au langage.
« L’éloquence, a dit Nicole (Pensées diverses), ne doit pas seulement causer un sentiment de plaisir, mais elle doit laisser le dard dans le cœur. » Il ajoute avec raison qu’un discours dont on ne retient rien est un mauvais discours.
On ne saurait trop se remplir de ces pensées et de ces sentiments, dans l’âge où vous êtes, mon cher fils.
Vous me faites sentir vos bontés de la manière la plus bienveillante ; vous ne semblez me laisser de sentiments que ceux de la reconnaissance, et il faut avec cela que je vous importune encore.
C’était une noble réclamation du sentiment religieux contre les doctrines du dix-huitième siècle, qui tendaient à rejeter Dieu de la nature, pour l’exiler ensuite de la société.
Ce mot signifie retour d’un même sentiment.
Voilà mes véritables sentiments.
Oui, l’amitié, comme tous les sentiments, semblable aux eaux stagnantes, se corrompt dans l’oisiveté.
Des deux voies que Ronsard avait ouvertes à la poésie, ils laissent l’une, celle du pédantisme grec et latin, cl suivent l’autre, celle de l’afféterie italienne ; ils sèment des fleurs du sentiment ces « petits sentiers tout parfumés de roses ». — Régnier, le dernier venu, qui, pour ne pas renier son oncle Desportes, se croit un disciple de Ronsard et ne veut pas être un tenant de Malherbe, est lui-même, ce qui vaut mieux, c’est-à-dire un des plus francs esprits de notre vieille langue, plein de sève et de sel. […] Du Bellay, en la mettant à la remorque des langues anciennes ; les emprunts multipliés aux patois provinciaux qu’ils qualifiaient de dialectes, aux vocabulaires techniques des arts et des métiers ; toutes ces innovations indiscrètement pratiquées dans des compositions multiples qui ne savaient s’arrêter que quand, par bonheur, le moule métrique lui en imposait la loi, avaient fait de son style une bigarrure étrange d’érudition, d’emphase, de trivialité, de prolixité ; et sous une végétation parasite et emmêlée de langage, restaient trop souvent étouffées la délicatesse du sentiment, la grâce de l’imagination, la richesse de l’invention poétique, la force de la pensée, « la verve et l’enthousiasme » de l’inspiration que lui reconnaît La Bruyère (Caractères, I), et même l’éloquence mâle et nerveuse qui dans maint beau passage, surtout de ses Élégies et de ses Discours, se développent librement.
XVIII Les propositions incidentes qui servent de complément à d’autres propositions se mettent généralement au mode subjonctif, quand elles énoncent le sentiment, l’opinion d’un autre que de celui qui parle ou qui écrit, ou quand elles dépendent d’une proposition subordonnée8. […] (On met le subjonctif scirent, parce qu’il s’agit du sentiment de Socrate et non de celui qui écrit)9. […] Dans le sens figuré, præ se construit élégamment : 1° Pour manifester au dehors les sentiments de l’âme. […] Si la proposition incidente était simplement ajoutée pour exprimer le sentiment de l’écrivain, le verbe se mettrait alors au mode indicatif.
Ils doivent, par conséquent, rendre d’une manière qui leur est propre leurs idées et leurs sentiments : les expressions qu’ils emploient, en portent toujours l’empreinte. […] » Cette figure consiste aussi à faire des questions avec art, pour ramener à son sentiment des esprits qui en étaient d’abord éloignés.
L’auteur s’attache à y peindre et y développer un ou deux caractères par le simple exposé des sentiments, sans presque y mêler aucune action.
Il eut en passant le sentiment de la nature : mérite rare au dix-septième siècle.
Il excelle à imaginer des cadres, de petits drames, des motifs, qui mettent en action une pensée ou un sentiment.
Ainsi, quand on dit ignis amoris, le feu de l’amour ; ignis iræ, le feu de la colère ; le mot ignis n’offre plus à l’esprit l’idée d’un feu matériel ; mais il peint sous une forme sensible l’ardeur d’une âme qui éprouve de vifs sentiments d’amour ou de colère.
En définitive, le jeune homme sortira-t-il de cette lecture avec de meilleurs sentiments et un plus vif désir d’être homme de bien ?
De ces hôtes des bois, les fauvettes sont les plus nombreuses comme les plus aimables ; vives, agiles, légères et sans cesse remuées2, tous leurs mouvements ont l’air du sentiment, tous leurs accents le ton de la joie.