La satire n’a pas pour but de publier les vices et les scandales, d’exciter les passions haineuses ni de repaitre la malignité publique.
flatte-t-il les passions aux dépens de la vérité ? […] que celle de la haine, c’est-à-dire, d’une passion noire et violente, qui déchire le cœur, qui répand le trouble et la tristesse au-dedans de nous-mêmes, et qui commence par nous punir et nous rendre malheureux !
Le rire, cette faculté si essentiellement humaine, n’est point l’expression des joies extrêmes ; le triomphe ou l’entière satisfaction des grandes passions, si rare d’ailleurs, a plutôt quelque chose de sérieux. […] Les grands mouvements même des passions deviennent aussi froids quand ils sont exprimés en termes vulgaires et dénues d’imagination, que lorsqu’ils le sont en termes ampoulés et emphatiques.
Si nous avons à décrire les phénomènes de la nature, les splendeurs du soleil à son lever ou à son coucher, la lumière se jouant en mille nuances autour de notre globe, le calme d’une belle nuit, un orage, la mer et ses mille aspects merveilleux, la campagne et ses charmes enivrants ; si nous voulons peindre l’homme et la société avec les vertus, les passions ou les travers qui nous présentent sans cesse un drame ou une comédie vivante, il vaut mieux interroger notre mémoire et nos impressions que les livres ; nos compositions auront une couleur plus vraie, nous y ferons circuler davantage la chaleur et la vie. […] L’amour de nos semblables chassera de nos cœurs l’égoïsme, vile passion qui éteint toute impulsion généreuse, et dessèche dans leur germe les plus beaux sentiments.
Talent souple et fertile qui suffit à tout avec de l’esprit, il mêla au sel gaulois du vieux temps les goûts de son siècle, l’à-propos et l’art d’exciter les passions en les amusant ; il est le plus remuant des Parisiens, le Gil Blas de l’époque encyclopédique. […] Beaumarchais résumait ainsi sa vie : « Vous qui m’avez connu, dites, ô mes amis, si vous avez jamais vu autre chose en moi qu’un homme constamment gai, aimant avec une égale passion l’étude et le plaisir ; enclin à la raillerie, mais sans amertume ; l’accueillant dans autrui contre soi, quand elle est assaisonnée ; soutenant peut-être avec trop d’ardeur son opinion, quand il la croit juste, mais honorant hautement et sans envie tous les gens qu’il reconnaît supérieurs ; actif quand il est aiguillonné, paresseux et stagnant après l’orage ; insouciant dans le bonheur, mais poussant la constance et la sérénité dans l’infortune jusqu’à l’étonnement de ses plus familiers amis. »
L’élégie, hymne de la douleur, se rencontre surtout aux époques de civilisation où les, malheurs publics et privés pèsent sur les âmes, les replient sur elles-mêmes et les découragent ; où les passions, et surtout l’amour, tendent au raffinement et se prêtent à une analyse intime, Voilà pourquoi notre époque a été marquée par un débordement d’élégies : jamais on ne vit tant de poètes entonner des chants de douleur et de mort.
Que celui-ci, comme vaincu par la passion commune, se jette alors, du premier bond, au cœur même de l’action, il y entraînera tout l’auditoire. […] Il est des temps, où à travers l’ouragan des passions déchaînées il n’y a plus que le canon et le tonnerre qui puissent se faire entendre.
Pour que la critique soit impartiale, il faut qu’elle soit exempte de prévention et de passion. […] Pour juger sans passion, il faut principalement se défendre des illusions de l’amitié, et s’élever au-dessus de tout sentiment de haine.
Le goût du vrai fut sa passion bienfaisante et éloquente. […] Les personnes qu’ils ont commencé de connaître dans ce temps leur sont chères ; ils affectent quelques mots du premier langage qu’ils ont parlé : ils tiennent pour l’ancienne manière de chanter et pour la vieille danse ; ils vantent les modes qui régnaient alors dans les habits, les meubles et les équipages ; ils ne peuvent encore désapprouver des choses qui servaient à leurs passions, qui étaient si utiles à leurs plaisirs, et qui en rappellent la mémoire : comment pourraient-ils leur préférer de nouveaux usages, et des modes toutes récentes où ils n’ont nulle part, dont ils n’espèrent rien, que les jeunes gens ont faites, et dont ils tirent à leur tour de si grands avantages contre la vieillesse ?
Ce passage seul peut faire comprendre combien la science de bien dire est importante, noble, sublime, et combien l’on doit craindre de la dégrader, en l’éloignant de la vérité et de la vertu qui sont les sources du beau, pour la faire servir au triomphe du vice et du mensonge, qui avilissent l’homme, et des passions immorales qui le rapprochent de la brute, dont la parole doit par sa nature le distinguer plus que toute autre chose.
Observations générales sur l’Art d’écrire les Lettres Il y a deux espèces de lettres ; les unes qu’on appelle philosophiques, parce que l’on peut y discourir sur toutes sortes de matières ; y traiter de la morale, de l’homme, des passions, de la politique, de la littérature, en un mot de tous les arts, de toutes les sciences, et de tous les objets qui y ont quelque rapport. […] Je fuirais les passions.
Aussitôt les passions s’élancent avec fureur contre l’ennemi qui se présente pour leur disputer l’empire. […] Lorsqu’on vient annoncer la vérité aux hommes, les presser d’obéir à la loi de l’amour, qui ordonne de renoncer à soi pour se fondre en autrui, et y retrouver une vie plus puissante et plus abondante, on rencontre d’abord toutes les passions humaines, qui se soulèvent contre cette loi et la repoussent violemment.
… Arriere chair, arriere affections ; Retirez vous, humaines passions ; Rien ne m’est bon, rien ne m’est raisonnable, Que ce qui est au Seigneur agreable. […] Le miserable soing d’acquerir davantage Ne tyrannise point sa libre affection, Et son plus grand desir, desir sans passion, Ne s’estend plus avant que son propre heritage. […] Il étudia l’antiquité avec passion sous Daurat et avec Ronsard au collège de Coqueret, et dès 1551, avec la jeune ardeur de la savante et poétique pléiade, il publia ses premiers vers, suivis presque d’année en année d’autres recueils. […] Jeune il étudia le droit à Paris et à Poitiers, et en même temps s’enrôla avec passion dans la « brigade » de Ronsard. […] qui sans passion pourroit vivre sur terre, Ayant des os, des nerfs, des poumons et du sang ?
Mais quel est l’avocat, en lui supposant encore quelque sentiment d’honneur et de probité, qui voulût se charger ainsi d’une haine étrangère, se rendre l’instrument méprisable du ressentiment de son client, et devenir à son gré, violent, emporté, sans d’autre motif que celui de servir, pour un vil intérêt, la passion d’un ennemi qui n’a ni les moyens, ni le courage de se venger lui-même ?
Décrivez les désordres dans lesquels cette funeste passion jetait ce jeune homme. […] Enfin cette affreuse passion est tout à fait vaincue. […] Le jeune homme qu’un ancien ami de son père corrigea de la passion du jeu par ce moyen aussi étrange que généreux, s’appelait Dussaulx. […] Dussaulx, né en 1728, mort en 1799, s’est fait connaître par d’excellents ouvrages, entre autres une traduction de Juvénal, et un traité de la Passion du jeu, dans lequel il raconte lui-même ce fait de sa jeunesse. […] Enfin, la patrie, l’honneur, la religion l’emportent sur une passion insensée.
Mais il faut achever de conquérir ce royaume, et puis voir les antiquités ; il y en a beaucoup de belles, vous savez ma passion : je suis fou de l’antique. […] « Le vaisseau sur lequel nous passions en Amérique s’étant élevé au-dessus du gisement des terres, bientôt l’espace ne fut plus tendu que du double azur de la mer et du ciel, comme une toile préparée pour recevoir les futures créations de quelque grand peintre. […] Un habile écrivain sait-tirer parti d’un sujet, même stérile en apparence ; il l’anime par la vivacité de l’esprit ou par celle de la passion ; il éveille la curiosité, tient l’attention en haleine par une habile gradation de l’intérêt ; il ménage avec art les incidents prévus ou imprévus ; il n’insiste que sur les détails qui peuvent toucher et plaire. […] L’existence de Dieu, démontrée par les phénomènes de la nature et par la voix du cœur ; la conscience, loi morale du devoir, qui incline doucement l’âme au joug de la vertu et lui fait fuir le vice ; les passions avec leurs bons et leurs mauvais côtés ; les goûts, les instincts avec leurs tendances diverses ; les secrets de la nature que l’on cherche à pénétrer ; les sciences et leurs merveilleux résultats,, les lettres avec leur influence et leur utilité ; la critique @ littéraire, si propre à donner de la finesse et du tact au jugement ; les arts avec les trésors de poésie qu’ils renferment ; tout cela peut être l’objet de dissertations animées et ingénieuses où l’esprit et le style trouvent à déployer sans cesse de nouvelles ressources.
Mais telle est la nature des choses humaines : l’éloquence peut servir, et n’a que trop servi les passions ; mais il faut de l’éloquence pour les combattre : et l’on sait que le bien et le mal se confondent dans tout ce qui est de l’homme.
C’est un corps animé d’une infinité de passions différentes, qu’un homme habile fait mouvoir pour la défense de la patrie : c’est une troupe d’hommes armés qui suivent aveuglément les ordres d’un chef, dont ils ne savent pas les intentions : c’est une multitude d’âmes, pour la plupart viles et mercenaires, qui, sans songer à leur propre réputation, travaillent à celle des rois et des conquérants : c’est un assemblage confus de libertins, qu’il faut assujétir à l’obéissance ; de lâches qu’il faut mener au combat ; de téméraires, qu’il faut retenir ; d’impatients, qu’il faut accoutumer à la confiance, etc. » Malgré le respect dû au nom de Fléchier, et surtout à l’oraison funèbre de Turenne, son plus bel ouvrage, qui ne voit, dans le premier de ces deux morceaux, le véritable orateur, l’écrivain plein de son sujet ; et, dans le second, le rhéteur presque uniquement occupé du soin d’assembler et de faire contraster des mots ?
— J’ignore ce que veulent et ce que demandent, trop ouvertement néanmoins pour le laisser ignorer à personne, ceux qui ne sont pas satisfaits encore d’un si déplorable malheur ; mais je ne puis ignorer, sire, ce que souhaitent ceux qui ne regardent que votre majesté, et qui n’ont pour intérêt et pour passion que sa seule gloire.
Mais les passions furent plus fortes que la sagesse.
……………………… ……………………… Modérons-nous surtout dans notre ambition ; Car c’est du cœur humain la grande passion. […] L’esprit et le sentiment les font aller au delà des forces physiques, à la différence des peuples sans passion et des bêtes de somme, qui, après un temps donné, succombent sous certaines charges.
Il donne aux passions une expression familière, sans mêler à la tragédie le ton de la comédie. […] — Voulez-vous la pousser jusques aux derniers actes, Ouvrir aux passions toutes leurs cataractes, Et tout bouleverser, au point que le soleil N’aura pas encor vu cataclysme pareil ?
Il fit ses études à Bordeaux, en un temps où cette cité se distinguait entre toutes par la passion d’apprendre.
Joubert 1754-1824 [Notice] Né en 1754, Joubert traversa l’époque orageuse de la Révolution, sans avoir jamais subi l’influence des passions politiques.
Il donne un sens aux faits, il en cherche les lois, il les explique par leurs causes ; il en surprend le secret dans les intentions des acteurs, dans les passions, les intérêts et les caractères.
Né en 1610 près de Falaise, il suivit d’abord la carrière des armes ; mais bientôt attiré par la passion de l’histoire, il s’enferma au collége Sainte-Barbe pour se livrer à l’étude.
Il faut se défier de ses portraits et de ses jugements ; car la passion l’aveugle, quand elle ne l’éclaire pas.
La construction oratoire, comme nous l’avons envisagée, est plus spécialement celle du poète et de l’orateur, qui parlent habituellement le langage de la passion. […] Mais il ne saurait convenir à tous les sujets, et il serait déplacé dans les mouvements rapides d’une passion violente, dans une discussion purement philosophique, et plus encore dans la familiarité simple et naïve d’une conversation. […] La religion guérit nos esprits malades ; elle dissipe nos vaines inquiétudes, nous affranchit du joug des passions, et bannit la crainte de nos cœurs. […] Quand nous voulons décrire ces divers mouvements, il s’opère dans nous une sorte de mélodie, qui a de l’analogie avec la passion qui nous agite, et qui se manifeste dans notre langage de la même manière que les sentiments du musicien se reproduisent dans les morceaux de musique qu’il compose.
Eschyle, Sophocle et Euripide firent voir, sous l’appareil majestueux de la tragédie, les terribles effets des passions humaines.
combien de sensuels, esclaves des passions les plus infâmes, en possession d’affecter la pureté des mœurs, et de la pousser jusqu’à la sévérité1 !
Cousin n’avait jamais cessé d’être sensible à la gloire littéraire ; cette passion le suivit dans sa retraite dont il charma les loisirs par des études historiques, où les vues pénétrantes, mais parfois paradoxales d’un savoir aussi précis qu’enthousiaste, s’allient à l’éclat d’une forme magistrale, et à cette puissance d’imagination qui rend la vie à la poussière des morts.
Son humeur, sa passion ne l’a pas moins inspiré que sa raison, et il y a dans sa vie des taches qui ne s’effaceront pas, comme dans ses écrits des torts que ses séductions ne sauraient faire oublier. […] Sa passion pour la gloire, pour la guerre et pour la vengeance, l’empêcha d’être bon politique, qualité sans laquelle on n’a jamais vu de conquérant. […] Rapprochez cette page de Massillon (Panégyrique de Saint Louis) : « A la tête des armées, ce n’était plus ce roi pacifique, accessible à ses sujets, assis sous le bois de Vincennes avec une affabilité que la simplicité du lieu rendait encore plus respectable ; réglant les intérêts des familles, réconciliant les pères avec les enfants, démêlant les passions de l’équité, assurant les droits de la veuve et de l’orphelin, paraissant plutôt un père au milieu de sa famille qu’un roi à la tête de ses sujets, entrant dans des détails dont des subalternes se seraient crus déshonorés, et ne trouvant indigne d’un prince et indécent à la majesté des rois que d’ignorer les besoins de leurs peuples.
Souvent, avec des passions qu’on ménage bien on va à dame, et l’on gagne la partie : le plus habile l’emporte, ou le plus heureux. […] Un si grand fonds ne se peut bien faire que lorsque tout s’imprime dans l’âme naturellement et profondément, que la mémoire est neuve, prompte et fidèle, que l’esprit et le cœur sont encore vides de passions, de soins et de désirs, et que l’on est déterminé à de longs travaux par ceux de qui l’on dépend.
Ils s’agitent beaucoup pour varier leur triste bonheur, et, des deux passions qui les mènent, la convoitise et la satiété, la satiété va toujours plus vite que la convoitise.
Au profit de qui un général doit-il émouvoir les passions d’une armée ? […] les passions impriment à la physionomie ! […] Dans le second, soignez le passage où les passions se reflètent sur le visage, lorsque l’âme est agitée. […] Contentez-vous de traits larges, sans nommer aucune passion, non seulement ici, mais dans tout le portrait. […] Voyez-vous, sous le rapport de l’invention, des passions, des mœurs et des preuves ?
Un objet qui n’a d’autre mérite que celui d’être nouveau ou peu commun, excite, par cela seul, une sensation aussi vive qu’agréable : de là, cette passion de la curiosité, qui est si naturelle à tous les hommes.
C’est là que les orateurs se formaient ; c’est là qu’ils apprenaient à émouvoir, à diriger à leur gré les passions ; c’est là que l’orateur le plus habile tremblait, lorsqu’il adressait la parole au peuple assemblé, parce qu’il était responsable du conseil qu’il allait donner.
Voici comme Thomas décrit les devoirs et les travaux de l’homme d’état : « Il doit gouverner comme la nature, par des principes invariables et simples ; bien organiser l’ensemble, pour que les détails roulent d’eux-mêmes : pour bien juger d’un seul ressort, regarder la machine entière, calculer l’influence de toutes les parties les unes sur les autres, et de chacune sur le tout ; saisir là multitude des rapports entre des intérêts qui semblent éloignés ; faire concourir les divisions même à l’harmonie du tout ; veiller sans cesse à retrancher de la somme des maux qu’entraînent l’embarras de chaque jour, le tourment des affaires, le choc et le contraste éternel de ce qui serait possible dans la nature, et de ce qui cesse de l’être par les passions ».
Miroir, peintre et portrait, qui donnes et reçois, Et portes en tous lieux avec toi mon image, Qui peux tout exprimer, excepté le langage, Et pour être animé n’as besoin que de voix : Tu peux seul me montrer, quand chez toi je me vois, Toutes mes passions peintes sur mon visage.
« La véritable éloquence, dit-il, est bien différente de cette facilité naturelle de parler qui n’est qu’une qualité accordée à tous ceux dont les passions sont fortes, les organes souples et l’imagination prompte.
Ce qui est étonnant, c’est que ce même homme, sur la fin de sa vie, n’était plus rien de tout cela, et qu’il devint doux, paisible, sans intrigue, et l’amour de tous les honnêtes gens de son temps ; comme si toute son ambition d’autrefois n’avait été qu’une débauche d’esprit, et des tours de jeunesse dont on se corrige avec l’âge ; ce qui prouve bien qu’en effet il n’y avait en lui aucune passion réelle.
La tempérance fait la guerre aux passions. — 19. […] La pétulance et les passions sont le propre des jeunes gens. — 13. […] Les hommes doivent se tenir en garde contre la passion de la gloire. […] Pythagore apaisait les passions au son de la lyre. […] A quel degré de folie en viennent les hommes enflammés par les passions ?
C’est là que nous apprenons que, chez Corneille, la langue poétique ne connut pas ce trouble et ce désordre que répand sur elle le souffle orageux des passions, etc.
Sans manifester, comme l’orateur, des passions ardentes, sans sortir de la dignité, de la modération qui convient à l’histoire, il nous communiquera les émotions généreuses de son cœur, il flétrira le vice, et prendra hautement la défense de la vertu : c’est ainsi seulement que l’histoire peut devenir une école de morale.
Il fit, sans doute, un pareil essai, après avoir été affecté des divers tons, sur lesquels les hommes s’exprimaient, selon le sentiment ou la passion dont ils étaient agités.
Il pensait exercer ses passions : il exécutait les arrêtés du ciel.
Ses passions étaient plus vives et plus mobiles que ses convictions profondes et arrêtées.
C’est un corps animé d’une infinité de passions différentes, qu’un homme habile fait mouvoir pour la défense de la patrie ; c’est une troupe d’hommes armés qui suivent aveuglément les ordres d’un chef, dont ils ne savent pas les intentions1 ; c’est une multitude d’âmes ; pour la plupart mercenaires2, qui, sans songer à leur propre réputation, travaillent à celle des rois et des conquérants ; c’est un assemblage confus de libertins3 qu’il faut assujettir à l’obéissance, de lâches qu’il faut mener au combat, de téméraires qu’il faut retenir, d’impatients qu’il faut accoutumer à la constance.
Ce qui est étonnant, c’est que ce même homme, sur la fin de sa vie, n’était plus rien de tout cela, et qu’il devint doux, paisible, sans intrigue, et l’amour de tous les honnêtes gens de son temps ; comme si toute son ambition d’autrefois n’avait été qu’une débauche d’esprit, et des tours de jeunesse dont on se corrige avec l’âge ; ce qui prouve bien qu’en effet il n’y avait en lui aucune passion réelle.
Il devait expliquer au long les effets de ces mêmes genres, et en particulier celui de la tragédie, lequel, selon lui, était la purgation des passions. […] Dans la danse, il y a le rythme, et point de chant : car c’est par les rythmes figurés que les danseurs expriment les mœurs, les passions, les actions. […] La pensée comprend tout ce qui s’exprime dans le discours, où il s’agit de prouver, de réfuter, d’émouvoir les passions, la pitié, la colère, la crainte, d’amplifier, de diminuer.
Le ton du philosophe pourra devenir sublime toutes les fois qu’il parlera des lois de la nature, de l’être en général, de l’espace, de la matière, du mouvement et du temps, de l’âme, de l’esprit humain, des sentiments, des passions ; dans le reste, il suffira qu’il soit noble et élevé. […] Il ne leur en restait point d’autre, car tout ce qui est raisonnablement du domaine de l’esprit humain, nos auteurs classiques l’ont traité aussi dignement que possible : passions, caractères, vertus, crimes, effets de la nature physique, exploits militaires, remords, excès du malheur et de la prospérité, etc., tout a été décrit, peint, célébré ou flétri par nos classiques. […] reposez-vous sur les maladies pestilentielles sur l’inclémence des éléments, sur vos travaux, sur vos passions sur vos vices, sur vos préjugés, sur la faiblesse de vos organes, sur la brièveté de votre durée, du soin de vous exterminer.
Mais, loin de penser à cette affreuse catastrophe, ils semblent n’être parvenus au faîte des grandeurs que pour abuser de la licence qu’elles donnent et assouvir leurs passions. […] Ce dialogue pourrait nous servir à faire voir combien les figures abondent dans les conversations, où les passions interviennent. […] C’est bien là le langage de la passion qui abrège les phrases pour rendre plus vite la pensée. […] Point de doute, c’est de lui qu’on parle, et le voici, oubliant pour un moment sa passion favorite, qui se redresse et s’indigne comme un homme incapable d’une bassesse. […] Il n’a pas bu avec passion, gloutonnerie, c’est une victime innocente, surprise par l’occasion, entraînée par des amis.
« Souvenez-vous, messieurs, dit-il, de ce temps de désordres et de trouble, où l’esprit ténébreux de discorde confondait le devoir avec la passion, le droit avec l’intérêt, la bonne cause avec la mauvaise : où les astres les plus brillants souffrirent presque tous quelque éclipse, et les plus fidèles sujets se virent entraînés malgré eux par le torrent des partis, comme ces pilotes qui se trouvent surpris de l’orage en pleine mer, sont contraints de quitter la route qu’ils veulent tenir, et de s’abandonner pour un temps au gré des vents et de la tempête.
Ils feront excuser chez lui ce que le style, encore trop peu assoupli par l’exercice, a parfois de forcé et d’inégal, ce que sa pensée aussi (car il est homme de parti et de passion) présente de peu mesuré et de peu juste.
Tout est sain, franc, naturel et pathétique dans ce discours qui semble un écho de l’antique forum, et réduit aux abois les passions d’une meute affolée.
Peut-être on vous dira d’y boire avec largesse, D’y verser hardiment le vin des passions ; D’autres vous prêcheront l’égoïste sagesse, Qui rampe et se réserve à ses ambitions.
En effet, dans ses plus grands intérêts et dans ses plus importantes affaires, où la violence de ses souhaits appelle toute son attention, il voit, il sent, il entend, il imagine, il soupçonne, il pénètre, il devine tout ; de sorte qu’on est tenté de croire que chacune de ses passions a une espèce de magie qui lui est propre.
Ou voit que l’auteur s’est cru obligé d’exalter cette passion au-delà des bornes vraisemblables, pour s’élever à la hauteur tragique. […] Cette grande et belle idée de s’adresser d’abord au cœur de l’homme, pour convaincre ensuite sa raison, de mettre ses passions même dans les intérêts de la vérité, pour qu’elle triomphe de lui malgré lui, et presqu’à son insu, était une idée aussi nouvelle, aussi heureuse en morale, que féconde en poésie ; et si l’imagination n’eût point entraîné quelquefois M. de Chateaubriand au-delà des justes bornes ; si un goût toujours sage, toujours pur eût présidé constamment à la distribution des richesses que la nature de son plan mettait à sa disposition, il eût mérité, sans doute, que l’on dît de lui : les autres théologiens prouvent la religion, mais M. de Chateaubriand la fait aimer.
8° Les parties du corps qui sont regardées comme le siège des passions et des sentiments, pour les passions et les sentiments. […] Cette figure, la plus hardie de toutes, ne convient qu’aux passions les plus exaltées, et ne peut être bien employée que dans le cas où l’âme est fortement émue. […] Abjicere (de jacere ab, jeter loin de) marque ordinairement de la passion ou du mépris. […] Amens (de a, privatif, et mens, esprit) est un homme dominé par une passion, au point de n’avoir plus sa raison. […] Virg. — Vesanus est celui qui, esclave d’une passion, est dans une espèce de délire.
Il s’ensuit de là qu’on met l’article avant les noms, soit que l’on veuille par ces noms exprimer déterminément toute une espèce de choses ou de personnes ; comme les hommes sont mortels ; soit que l’on ne veuille désigner qu’une ou plusieurs parties, un ou plusieurs individus de cette espèce ; comme, les hommes vertueux ne se laissent point maîtriser par leurs passions. […] Voilà pourquoi des Grammairiens, empruntant le langage de la philosophie, ont dit que les verbes proprement actifs signifient une action, à laquelle est opposée une passion ; mot qui veut dire ici une impression reçue dans un sujet. […] Éprendre, s’éprendre (se laisser surprendre par une passion), n’a guère d’usage qu’au participe : = il est épris d’un fol amour pour cette femme.
Telle était en lui la passion de la perfection que, selon une tradition irrécusable, il refit treize fois la dix-septième Provinciale.
La prudence nous oblige donc à prendre une route toute contraire, à quitter absolument le dessein chimérique de corriger tout ce qui nous déplaît dans les autres, et à tâcher d’établir notre paix et notre repos sur notre propre réformation et sur la modération de nos passions.
Dans les lettres de sentiment, il faut être touchant, mais en pénétrant dans l’âme avec douceur, sans prétendre y exciter les passions.
Elle se présente, d’ailleurs, si naturellement à l’imagination du poète et de l’orateur ; elle prête au langage de la passion tant de force et d’énergie, qu’il n’est pas surprenant que les exemples en soient aussi multipliés.
« Quand un discours naturel, dit-il, peint une passion ou un effet, on trouve dans soi-même la vérité de ce qu’on entend, qui y était sans qu’on le sût, et on se sent porté à aimer celui qui nous le fait sentir, car il ne nous fait pas montre de son bien, mais du nôtre ; et ainsi ce bienfait nous le rend aimable : outre que cette communauté d’intelligence que nous avons avec lui incline nécessairement le cœur à l’aimer.
Quel enthousiasme éclate dans ses odes, qui rompent avec la convention et substituent à une mythologie usée la vérité et l’ardeur de la passion !
Il a la passion de la mer.
En effet, les émotions qui viennent du corps sont bornées et monotones : on connaît bien vite toutes les contorsions tragiques des passions exagérées ; on s’aperçoit promptement que ces cris de souffrance et d’agonie qui, la première fois, ont frappé l’oreille d’un coup inattendu et terrible, rendent toujours le même son ; et, au bout de quelque temps, l’auteur et le spectateur viennent échouer contre l’impossibilité de faire sentir autre chose que ce qu’ils ont fait et senti hier.
Tout le monde n’est pas roi ou ministre pour avoir besoin des enseignements de l’histoire ; mais il n’est personne qui ne prenne intérêt au jeu des passions, aux portraits de ces grands caractères qui dominent des peuples entiers, à ces alternatives de gloire et d’abaissement que, de près, on nomme la fortune, mais qui, vues de loin et d’ensemble, deviennent la révélation des terribles et mystérieuses lois de l’humanité1.
Il faut que la philosophie, quand elle veut nous plaire dans un ouvrage de goût, emprunte le coloris de l’imagination, la voix de l’harmonie, la vivacité de la passion : les beaux-arts, enfants et pères du plaisir, ne demandent que la fleur, et la plus douce substance de votre sagesse.
Les autres passions plus tardives ne se développent et ne mûrissent, pour ainsi dire, qu’avec la raison ; celle-ci la prévient, et nous nous trouvons corrompus, avant presque d’avoir pu connaître ce que nous sommes.
Quelle véhémence dans les passions, quelle gravité dans les sentiments !
Massillon a développé la même idée dans son Petit Carême : « Tout est brillant au dehors, vous voyez le héros ; entrez plus avant, cherchez l’homme lui-même : c’est là que vous ne trouverez plus, dit le Sage, que de la cendre et de la boue. » Et plus loin : « L’homme désavouait le héros… » (Sermon pour le dimanche de la Passion.)
Sainte-Beuve représente ainsi le magister : « Et d’abord, il est tout : la règle et le compas, La toise est dans ses mains ; géomètre, il arpente Et fait les parts autant que le notaire ; il chante Au lutrin, et récite au long la Passion.
Sa seule passion fut sa haine contre Richelieu, qui ne voulait voir en lui qu’un habile rhéteur, sans accorder aucun emploi à son ambition politique ; mais ce ressentiment ne fit explosion qu’après la mort du ministre.
Les avantages de l’instruction sont assurément d’une grande importance dans la vie, dit M. le chanoine Capot ; mais il est quelque chose de plus précieux encore, et sans quoi l’instruction n’est souvent qu’un malheur de plus et pour nous et pour nos semblables ; je veux dire, la rectitude du jugement, l’habitude de discerner les choses sans préoccupation et sans préjugé, le silence des passions, la paix parfaite du cœur, le calme de la conscience.
10° Mais ce qui vous frappera surtout, c’est l’abondance de ces inversions qui, fléchissant la rigueur de l’ordre logique, lui substituent l’ordre de la passion, et permettent de faire saillir le sujet, le régime ou l’attribut exprimant le vif de l’idée, du sentiment et de l’intention. […] Son fils fut Robert (auteur du Thesaurus linguæ, 1503-1559), et père d’Henri, qui eut la passion du grec (1528-1598).
Villemain, n’avait été plus violemment dissoute et mêlée que la nôtre, comme il y eut à la fois des passions terribles et des changements profonds, l’empreinte a dû rester dans les expressions ainsi que dans les mœurs. » Joignez à cette cause si puissante tant d’autres qui depuis sont venues ajouter à son action : l’Empire, les mœurs anglo-constitutionnelles qui lui ont succédé, les rapports beaucoup plus fréquents avec les nations étrangères, auxquelles on n’a pu emprunter les choses sans emprunter les mots, l’étude plus approfondie de leur littérature, les progrès des technologies diverses, qui, après avoir envahi le langage commun, s’infiltrent dans la langue littéraire, les doctrines des saint-simoniens, des fouriéristes, des utilitaires, des égalitaires, de tous ceux enfin à qui il a fallu des expressions toutes neuves pour des conceptions inouïes, tout cela a dû nécessairement désorganiser la langue, et y introduire une foule de locutions que ne pouvaient même prévoir les siècles passés.
Il avait cependant été attaché à la cour ; mais chargé d’enseigner l’histoire au petit-fils du grand Condé, qui tira trop peu de fruit des leçons d’un tel maître, il ne profita de sa situation auprès du prince, qu’il ne quitta plus, que comme d’un poste favorable d’observation, pour étudier et peindre les sentiments et les passions des hommes, surtout leurs prétentions et leurs travers.
Il y a aussi quelques endroits passionnés et merveilleux, où vous remarquerez peut-être quelque chose qui manque, ou pour l’harmonie, ou pour la simplicité de la passion.
Alexandre, dans la rapidité de ses actions, dans le feu de ses passions même, avait, si j’ose me servir de ce terme, une saillie de raison qui le conduisait, et que ceux qui ont voulu faire un roman de son histoire, et qui avaient l’esprit plus gâté que lui, n’ont pu nous dérober.
« Lucrèce, a dit Fontanes (Discours préliminaire de sa traduction de l’Essai sur l’homme), comme presque tous les athées fameux naquit dans un siècle d’orages et de malheurs : témoin des guerres civiles de Marius et de Sylla, et n’osant attribuer à des dieux justes et sages les désordres de sa patrie, il voulut détrôner une providence qui semblait abandonner le monde aux passions de quelques tyrans ambitieux.
Ainsi je m’assure que vous me souffrirez mieux si je ne m’oppose point à vos larmes, que si j’entreprenais de vous détourner d’un ressentiment3 que je crois juste ; mais il doit néanmoins y avoir quelque mesure, et comme ce serait être barbare de ne se point affliger du tout lorsqu’on en a du sujet, aussi serait-ce être trop lâche de s’abandonner entièrement au déplaisir : oui, ce serait faire fort mal son compte que de ne tâcher pas de tout son pouvoir à se délivrer d’une passion si incommode.
Or, il est bien difficile de se maîtriser et de mettre un frein à ses passions, quand on possède une autorité souveraine. […] Quand les rois s’accoutument à ne connaître plus d’autres lois que leurs volontés absolues, et qu’ils ne mettent plus de frein à leurs passions, ils peuvent tout ; mais à force de tout pouvoir, ils sapent les fondements de leur puissance ; ils n’ont plus de règle certaine ni de maximes de gouvernement ; chacun à l’envi les flatte ; ils n’ont plus de peuples, il ne leur reste que des esclaves dont le nombre diminue chaque jour. […] Le premier est plus à même de satisfaire ses passions et de supporter une disgrâce qui s’appesantit sur lui ; le second le surpasse, en ce qu’il ne subit aucune de ces disgrâces ; son bonheur les écarte de lui ; il jouit de membres robustes, d’une santé florissante, de l’exemption de tous maux ; ses enfants font sa joie. […] Mais, si j’ai pris les armes, ce n’était ni pour en faire les instruments de mes passions, ni pour imposer un tyran à ma patrie ; c’était au contraire pour l’en délivrer. […] Et les jeunes gens, comment puis-je les avoir corrompus, moi qui les accoutumais à surmonter leurs passions et à se contenter de peu ?
Il s’y livra à la débauche, et conçut la plus violente passion pour Cléopâtre, reine d’Égypte. […] Il y conçut une violente passion pour une de ses nymphes.
Mais bientôt le héros, honteux de sa passion, trouva le moyen de s’éloigner de celle qui l’avait fait naître. […] Phèdre, sa marâtre, le voyant pénétré d’horreur, au seul aveu qu’elle ne rougit pas de lui faire de sa passion criminelle, lui arracha son épée, dont elle se serait percée de désespoir, si sa nourrice présente ne l’en eût empêchée.
Je vois bien qu’il n’y a point de passion qui ne finisse. […] Je vous révère tout comme par le passé, et, quoi qu’on vous dise de moi, je ne suis ni volage ni inconstante… « Mais, en vérité, monsieur, j’aurais envie de me plaindre à mon tour des déclarations d’extinction de passion que vous me faites, si je ne voyais à travers votre dépit tout l’intérêt que l’amitié vous inspire encore pour moi.
Eschine, après avoir prouvé, comme on prouve en ne présentant les choses que sous le jour favorable à nos passions, que Ctésiphon avait violé les lois, et attenté par conséquent à la sûreté générale, passe à l’examen de l’administration de Démosthène, qu’il divise en quatre époques principales, qu’il parcourt successivement.
L’imitation, l’habitude, la passion exercent une puissante influence sur les hommes ; qu’il ait souvent recours à l’induction et à l’exemple, parfois même à l’argument personnel, argumentum ad hominem, qui tourne les vices et les torts de nos adversaires contre leurs doctrines et leurs prétentions ; qu’il préfère la gradation au sorite ; que l’amplification soit fréquente, le dilemme rare, peu de circonstances permettent de le produire à coup sûr.
Le ton du philosophe pourra devenir sublime toutes les fois qu’il parlera des lois de la nature, de l’être en général, de l’espace, de la matière, du mouvement et du temps, de l’âme, de l’esprit humain, des sentiments, des passions ; dans le reste, il suffira qu’il soit noble et élevé.