Tout cela peut sans doute se faire médiocrement, comme toute chose, d’ailleurs ; car on est poëte, savant, orateur médiocre aussi ; mais si le génie s’en mêle, on devient sublime.
Aimer et préférer ouvertement Corneille, c’est sans doute une belle chose, et sans aucun doute bien légitime ; c’est vouloir habiter et marquer son rang dans le monde des grandes âmes : et pourtant n’est-ce pas risquer, avec la grandeur et le sublime, d’aimer un peu la fausse gloire, jusqu’à ne pas détester l’enflure et l’emphase, un air d’héroïsme à tout propos ?
Si nous ouvrons l’admirable oraison funèbre de Turenne, nous découvrirons à chaque pas combien l’accord heureux du style avec la pensée ajoute de prix à ce discours sublime. […] La Flandre est conquise ; l’Océan et la mer Méditerranée sont réunis ; de vastes ports sont creusés ; une enceinte de forteresses environne la France ; les colonnades du Louvre s’élèvent ; les jardins de Versailles se dessinent ; l’industrie des Pays-Bas et de la Hollande se voit surpassée par les ateliers nouveaux de la France ; une émulation de travail, d’éclat, de grandeur, est partout répandue : un langage sublime et nouveau célèbre toutes ces merveilles et les grandit pour l’avenir.
Mirabeau, dit un écrivain qui l’a bien connu, avait un grand caractère, des talents rares, quelquefois sublimes ; un choix unique d’expressions, une connaissance profonde du cœur humain : mais il était despote par essence, et, s’il eût gouverné un empire, il eût surpassé Richelieu en orgueil, Mazarin en politique.
Villemain dans l’éloquent morceau sur Pascal que contiennent ses Mélanges, le passage où cet écrivain décrit avec une admirable énergie la longue et étrange guerre de la violence et de la vérité… Démosthène, Chrysostome ou Bossuet, inspirés par la tribune, ont-ils rien de plus fort et de plus sublime que ces paroles jetées à la fin d’une lettre polémique ?
Sur sa vertu par le sort traversée, Sur son voyage et ses longues erreurs, On aurait pu faire une autre Odyssée Et par vingt chants endormir les lecteurs ; On aurait pu des fables surannées Ressusciter les diables et les dieux ; Des faits d’un mois occuper des années, Et, sur ses tons d’un sublime ennuyeux, Psalmodier la cause infortunée D’un perroquet non moins brillant qu’Énée, Non moins dévot, plus malheureux que lui.
La Bruyère a jugé ainsi La Fontaine : « Un autre, plus égal que Marot et plus poëte que Voiture, a le jeu, le tour et la naïveté de tous les deux ; il instruit en badinant, persuade aux hommes la vertu par l’organe des bêtes, élève les petits sujets jusqu’au sublime : homme unique dans son genre d’écrire ; toujours original, soit qu’il invente, soit qu’il traduise ; qui a été au delà de ses modèles ; modèle lui-même, difficile à imiter. » 3. […] Le dernier trait est presque sublime, d’un sublime dur, et qui explique la vengeance de Dieu.
J’ai vu l’enfant gâté de nos penseurs sublimes, La Harpe, dans Rousseau trouver de belles rimes ; Boileau, correct auteur de libelles amers1, Boileau, dit Marmontel, tourne assez bien un vers : Et tous ces demi-dieux, que l’Europe en délire A depuis cent hivers l’indulgence de lire, Vont dans un juste oubli retomber désormais, Comme de vains auteurs qui ne pensent jamais !
L’héroïsme est le principal ressort de son théâtre, où il nous propose des vertus altières et de grands caractères, dans une langue nerveuse et concise qui exprime par de sublimes accents le triomphe du devoir sur la passion.