Dans le premier, intitulé l’Académie silencieuse, nous assistons à une séance dont le silence est la qualité première des académiciens, et leurs discours, non des paroles, mais des chiffres. […] Pour faire passer le temps, chacun crie, hurle, siffle, trépigne, enfin la toile se lève, et dès lors, le plus grand silence règne dans cette assemblée, jusque-là si tumultueuse : le moindre bruit, pendant le cours de la représentation, est puni par l’expulsion soudaine de celui qui l’a causé. […] Mais à celui qui, cherchant l’ombre et le silence, s’enfoncerait dans un de ces chemins tortueux et encaissés qui débouchent sur la route à chaque instant, bientôt se révéleraient de frais et calmes paysages, des prairies d’un vert tendre, des ruisseaux mélancoliques et silencieux, des massifs d’aulnes et de frênes, toute une nature suave, naïve et pastorale. […] Quand le soleil du midi embrase jusqu’à la tige l’herbe profonde et serrée des prairies ; quand les insectes bruissent avec force, et que la caille glousse avec amour dans les sillons, la fraîcheur et le silence semblent se réfugier dans les traînes. […] Heureusement les auteurs qui ont le courage de cultiver ce genre de littérature sont-ils rares, et peut-être eussions-nous mieux accompli notre devoir, si nous eussions gardé le silence sur leur compte.
Aucun des détails propres à éclaircir un événement, ou à relever une action mémorable, ne doit être passé sous silence. […] Et quand je vois ce soldat déterminé mettre des armées sur pied de son cabinet ; aller au sénat dans un silence qui marque de la résolution pour affronter le consul ; essuyer tête levée ses invectives ; jeter l’alarme dans Rome ; faire trembler l’Italie ; oser enfin ce qu’un particulier n’avait jamais osé, je ne suis pas surpris après la description que l’historien m’en a faite. […] Si l’on ne veut écrire que l’histoire de ses révolutions, on passera sous silence tous les faits qui ne sont pas bien intéressants : mais on enchaînera avec goût tous ceux qu’on racontera, en exposant succinctement ce qui est arrivé dans les intervalles. […] Le caractère et les usages de la nation, les divers fondements de notre droit public, les progrès successifs des sciences et des arts y sont développés, sans qu’aucun des principaux événements y soit passé sous silence.
Que le Midi, que l’Orient, que les îles inconnues les attendent, et les regardent en silence venir de loin. […] C’est vous faire un trop long sermon ; pardonnez-le, s’il vous plaît, à un homme qui a gardé un long silence. […] Le monastère recherche le silence et l’ombre des bois, le calme des eaux tranquilles. […] Il faut pour l’entendre du silence intérieur ; il faut, pour apercevoir sa lumière, fermer nos sens et ne regarder que dans nous.
Ou t’en vas-tu, si belle, à l’heure du silence, Tomber, comme une perle, au sein profond des eaux2 ? […] et l’oubli, la nuit et le silence !
mon fils, ajouta-t-elle, pourquoi garder le silence ? […] César occupe des murs désolés, une ville déserte, où les lois sont réduites au silence, où les tribunaux en deuil ont fermé leur enceinte. […] Maintenant, tu restes devant moi les yeux baissés, réduit au silence plutôt par les remords que par la convention faite entre nous !. […] Achille étonné frémit à l’aspect du noble vieillard : tous les guerriers se regardent en silence. […] » Cinéas, après quelques instants de silence, reprit : « mais l’Italie une fois conquise, que ferons-nous ?
Les dehors mêmes de la guerre, le son des instruments, l’éclat des armes, l’ordre des troupes, le silence des soldats, l’ardeur de la mêlée, le commencement, le progrès et la consommation de la victoire, les cris différents des vaincus et des vainqueurs, attaquent l’âme par tant d’endroits, qu’enlevée à tout ce qu’elle a de sagesse et de modération, elle ne connaît ni Dieu ni elle-même. […] La Prétérition consiste à feindre de passer sous silence ou de ne toucher que légèrement des choses sur lesquelles cependant on insiste même avec force. […] Ce silence affecté dit plus que les paroles les plus énergiques. […] Le peuple suivit consterné et dans un profond silence : il venait d’apprendre que Marc-Aurèle était tout entier dans le tombeau. […] Un triste silence règne dans vos ports.
Ici l’on affirme ou l’on rappelle certaines idées, certains faits, tout en disant qu’on les passera sous silence, prétérition ; là, on feint de s’être laissé emporter à la passion, ou d’avoir mal apprécié les choses, et l’on revient à dessein sur ce que l’on a dit pour le fortifier, l’adoucir, le rétracter même et produire ainsi plus d’effet, correction, rétroaction, épanorthose ; on a l’air tantôt d’admettre jusqu’à un certain point les objections de l’adversaire et de reculer devant lui, pour reprendre bientôt après ou s’assurer immédiatement un avantage décisif, concession, préoccupation, prolepse ; tantôt de le consulter, d’entrer dans son opinion, de partager ses erreurs, afin de l’amener moins péniblement à l’aveu ou au repentir, communication ; plus loin, on semble mettre en question ce que l’on a déjà irrévocablement décidé, délibération ; ou encore s’enquérir de ce que l’on sait fort bien, interrogation ; si bien même que souvent, après avoir fait la demande, on fait la réponse, au lieu de l’attendre, subjection. […] Quel champ couvert de morts me condamne au silence ?
Eh bien, tu gardes le silence ? […] remarques-tu, comprends-tu le silence des sénateurs ? […] Pourquoi donc attendre de leur bouche la sanction d’un arrêt, que leur silence te fait si manifestement connaître ? […] S’il arrive que tous gardent le silence, le sort décide de ceux qui opineront sur l’affaire agitée. […] Après avoir gardé le silence pendant plusieurs jours, il s’éleva tout à coup contre la déposition de M.
Nous sommes sous un roi si vaillant et si sage, Et qui si dignement a fait l’apprentissage De toutes les vertus propres à commander, Qu’il semble que cet heur nous impose silence Et qu’assurés par lui de toute violence, Nous n’avons plus sujet de te rien demander. […] Par un merveilleux artifice du poète français, chaque crime qu’elle rappelle diminue l’horreur du sien, et amène ce terrible aveu que les lois de la décence ne semblaient pas devoir permettre : elle connaît, elle avoue tous ses crimes ; le silence même qu’elle garde sur l’innocence d’Hippolyte est rendu naturel et supportable par l’égarement et le désespoir furieux où la jette la comparaison qu’elle fait du bonheur d’Hippolyte et d’Aricie avec les maux qu’elle-même a soufferts. […] « Forêts, s’écriait-il, retraite du silence, Lieux dont j’ai combattu la douce violence, Angéliques cités d’où je me suis banni, Je vous ai méprisés, déserts, j’en suis puni. […] Dans un cloître éloigné Malc s’occupe au silence ; Il y vit dans les pleurs, nectar de pénitence.