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190. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — La Bruyère, 1646-1696 » pp. 155-177

Il ne faut pas qu’il y ait trop d’imagination dans nos conversations ni dans nos écrits ; elle ne produit souvent que des idées vaines et puériles, qui ne servent point à perfectionner le goût et à nous rendre meilleurs : nos pensées doivent être prises dans le bon sens et la droite raison, et doivent être un effet de notre jugement. […] Une naissance auguste, un air d’empire et d’autorité, un visage qui remplisse la curiosité des peuples empressés de voir le prince6, et qui conserve le respect dans le courtisan ; une parfaite égalité d’humeur ; un grand éloignement pour la raillerie piquante, ou assez de raison pour ne se la permettre point1 : ne faire jamais ni menaces ni repròches ; ne point céder à la colère, et être toujours obéi ; l’esprit facile, insinuant ; le cœur ouvert, sincère, et dont on croit voir le fond, et ainsi très-propre à se faire des amis, des créatures et des alliés ; être secret toutefois, profond et impénétrable dans ses motifs et dans ses projets ; du sérieux et de la gravité dans le public ; de la brièveté, jointe à beaucoup de justesse et de dignité, soit dans les réponses aux ambassadeurs des princes, soit dans les conseils ; une manière de faire des grâces2 qui est comme un second bienfait ; le choix des personnes que l’on gratifie ; le discernement des esprits, des talents et des complexions3, pour la distribution des postes et des emplois ; le choix des généraux et des ministres ; un jugement ferme, solide, décisif dans les affaires, qui fait que l’on connaît le meilleur parti et le plus juste ; un esprit de droiture et d’équité qui fait qu’on le suit jusqu’à prononcer quelquefois contre soi-même en faveur du peuple, des alliés, des ennemis ; une mémoire heureuse et très-présente qui rappelle les besoins des sujets, leurs visages, leurs noms, leurs requêtes ; une vaste capacité qui s’étende non-seulement aux affaires de dehors, au commerce, aux maximes d’État, aux vues de la politique, au reculement des frontières par la conquête de nouvelles provinces, et à leur sûreté par un grand nombre de forteresses inaccessibles ; mais qui sache aussi se renfermer au dedans, et comme dans les détails4 de tout un royaume ; qui en bannisse un culte faux, suspect et ennemi de la souveraineté, s’il s’y rencontre ; qui abolisse des usages cruels et impies5, s’ils y règnent ; qui réforme les lois et les coutumes6, si elles étaient remplies d’abus ; qui donne aux villes plus de sûreté et plus de commodités par le renouvellement d’une exacte police, plus d’éclat et plus de majesté par des édifices somptueux ; punir sévèrement les vices scandaleux ; donner, par son autorité et par son exemple, du crédit à la piété et à la vertu ; protéger l’Église, ses ministres, ses droits, ses libertés1 ; ménager ses peuples comme ses enfants2 ; être toujours occupé de la pensée de les soulager, de rendre les subsides légers, et tels qu’ils se lèvent sur les provinces sans les appauvrir ; de grands talents pour la guerre ; être vigilant, appliqué, laborieux ; avoir des armées nombreuses, les commander en personne ; être froid dans le péril3, ne ménager sa vie que pour le bien de son État, aimer le bien de son État et sa gloire plus que sa vie ; une puissance très-absolue, qui ne laisse point d’occasion aux brigues, à l’intrigue et à la cabale ; qui ôte cette distance infinie4 qui est quelquefois entre les grands et les petits, qui les rapproche, et sous laquelle tous plient également ; une étendue de connaissances qui fait que le prince voit tout par ses yeux, qu’il agit immédiatement par lui-même, que ses généraux ne sont, quoique éloignés de lui, que ses lieutenants, et les ministres que ses ministres ; une profonde sagesse qui sait déclarer la guerre, qui sait vaincre et user de la victoire, qui sait faire la paix, qui sait la rompre, qui sait quelquefois, et selon les divers intérêts, contraindre les ennemis à la recevoir ; qui donne des règles à une vaste ambition, et sait jusqu’où l’on doit conquérir ; au milieu d’ennemis couverts ou déclarés, se procurer le loisir des jeux, des fêtes, des spectacles ; cultiver les arts et les sciences, former et exécuter des projets d’édifices surprenants ; un génie enfin supérieur et puissant qui se fait aimer et révérer des siens, craindre des étrangers ; qui fait d’une cour, et même de tout un royaume, comme une seule famille unie parfaitement sous un même chef, dont l’union et la bonne intelligence est redoutable au reste du monde. […] quelle raison éminente ! […] Un homme qui vient d’être placé ne se sert plus de sa raison et de son esprit pour régler sa conduite et ses dehors à l’égard des autres ; il emprunte sa règle de son poste et de son état : de là l’oubli, la fierté, l’arrogance, la dureté, l’ingratitude.

191. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Style — Première partie. Règles générales du style. — Chapitre II. Des qualités du style » pp. 79-118

L’abbé d’Olivet a fait remarquer avec raison le défaut de clarté du vers suivant de Racine. […] On admire avec raison ce verbe κεῖται, qui doit tout son prix à la circonstance. […] Tous les sujets qu’on traite appartiennent ou à la mémoire, ou à la raison, ou au sentiment, ou à l’imagination. […] Dans les sujets qui appartiennent à la raison, l’écrivain se propose d’instruire : il faut que son style soit grave, méthodique, ferme et énergique.

192. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Nicole. (1625-1695.) » pp. 40-47

Tout ce que ces personnes gagnent donc par là est que l’on s’applique encore plus qu’on ne ferait aux raisons de douter de ce qu’ils disent, parce que cette manière de parler excite un désir secret de les contredire et de trouver que ce qu’ils proposent avec tant d’assurance n’est pas certain, ou ne l’est pas au point qu’ils se l’imaginent. […] Mais si nous étions nous-mêmes vraiment raisonnables, nous verrions sans peine que ce dessein d’établir la paix sur la réformation des autres est ridicule, par cette raison même que le succès en est impossible.

193. (1897) Extraits des classiques français, seizième, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours moyens. Première partie : prose. [Seizième siècle] « XVIe siècle — Prose — Amyot, 1513-1593 » pp. -

Et c’est cela qui plus nous profite, en nous contraignant de vivre regleement11, et prendre bien garde à nous, sans dire ne faire rien negligemment, à l’estourdie, ny imprudemment, ains12 conserver tousjours notre vie comme en estroitte diette13 irreprehensible : car ceste reservee caution14 reprimant les violentes passions de nostre ame, et contenant la raison au logis, engendre une accoustumance, une intention et volonté de vivre honestement et correctement. Car ainsi comme les citez qui par guerres ordinaires avec leurs proches voisins, et continuelles expeditions d’armes, ont appris à estre sages, aiment les justes ordonnances, et le bon gouvernement : aussi ceux qui par quelques inimitiez ont esté contraints de vivre sobrement et se garder de mesprendre15 par negligence, et par paresse, et faire toutes choses utilement et à bonne fin, ceux la ne se donnent de garde, que16 la longue accoustumance, petit à petit, sans qu’ils s’en apperçoyvent, leur apporte une habitude de ne pouvoir plus pecher, et embellir leurs meurs d’innocence, pour peu que la raison y mette la main : car ceux qui ont tousjours devant les yeux ceste sentence, Le Roy Priam et ses enfants à Troye Certainement en meneroient grand joye1, cela les divertit et destourne bien des choses dont les ennemis ont accoustumé de se resjouïr et de se mocquer.

194. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre cinquième. De l’Éloquence des Livres saints. — Chapitre III. Beautés de sentiment. »

Mais si dans l’un de ses plus beaux ouvrages, dans celui qu’il a peut-être le plus soigné, il est resté cependant si inférieur à son modèle, par les efforts même qu’il fait pour s’en rapprocher, il faut bien qu’il y ait une raison de cette différence. Cette raison, c’est l’impossibilité totale de traduire le sentiment. […] Ce que l’on admire principalement dans cette belle production, c’est la grande pensée de la religion, qui domine dans tout l’ouvrage, qui en rattache toutes les parties au but que l’auteur se propose, celui de montrer la main d’un Dieu même conduisant tous ces grands mouvements, et de nous ramener aux éternelles vérités de la foi et de la raison, à travers les ruines même entassées par le génie de l’irréligion et de l’erreur.

195. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section II. Des Ouvrages en Vers. — Chapitre I. Des Poésies fugitives. »

Si elle ne l’est point, on la regarde, avec raison, presque comme mauvaise. […] C’est par cette raison, qu’en le proposant pour modèle, je ne ferai point difficulté de le citer, quoiqu’il soit connu de tout le monde. […] J’adore en périssant la raison qui t’aigrit.

196. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Principes de rhétorique. — Chapitre IV. »

N’oublions pas toutefois que la sensibilité, comme l’imagination, doit être guidée par le jugement et la raison. […] On appelle argument ou preuve les raisons dont on appuie les vérités qu’on veut démontrer.

197. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie —  Vauvenargues, 1715-1747 » pp. 336-343

Si l’on cherche quelque raison d’une destinée si cruelle, on aura, je crois, de la peine à en trouver. Faut-il demander la raison pourquoi des joueurs très-habiles se ruinent au jeu, pendant que d’autres hommes y font leur fortune ?

198. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Saint-Marc Girardin. Né en 1801. » pp. 534-541

Si son style a du laisser-aller, il pique l’attention, il charme tous les connaisseurs par sa souplesse, son naturel, l’aisance de son mouvement, par la vivacité sémillante, et la verve soutenue d’une haute raison qui improvise ses plus heureuses rencontres. […] C’est peut-être la raison pour laquelle ces ouvrages sont toujours nouveaux.

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