Sa réputation comme poëte ne lui a guère survécu, et ses pièces si vantées ne nous offrent aujourd’hui presque aucun charme ; mais, comme prosateur, il a laissé des pages dignes encore d’être relues.
Tout ce que la grandeur a de vains équipages, D’habillements de pourpre et de suite de pages, Quand le terme est échu, n’allonge point nos jours : Il faut aller tout nus où le destin commande ; Et, de toutes douleurs, la douleur la plus grande, C’est qu’il faut laisser nos amours2.
Prosper Mérimée a été un des rares écrivains qui ont su le mieux économiser l’emploi de leur talent, faire attendre et désirer leurs œuvres, les polir à loisir, et compter leurs pages, comme d’autres comptent leurs volumes.
Cette page est animée par l’accent d’une conviction, d’une foi littéraire et morale.
Il n’en résulte pas moins que ce discours, plein de force et de vérité, est un des plus beaux monuments de l’éloquence historique, et fait peut-être mieux connaître ce hardi conspirateur, que vingt pages de l’histoire la plus scrupuleusement fidèle. […] Cet éloge est grand, sans doute ; mais il est justifié à chaque page.
Prenons pour modèle de clarté une page de M. le comte de Ségur ; elle est intitulée : l’Enfant. […] Cette belle page, dont le style est soutenu périodique et noble, nous offre la description du cirque où l’action va s’accomplir ; la reine Isabelle de Castille vient embellir de sa présence cette fête si chère aux Espagnols, et qui se termine par le triomphe des toréadors et la défaite de leur fière victime.
Je lis dans Balzac cette page piquante : « Toutefois, puisque je vous l’ai promis, il faut se résoudre d’aller à Paris, quand j’y devrais être aussi étranger qu’en un autre monde, et qu’on en chasserait les mauvais courtisans comme on en chasse les mauvais ministres. […] Citons, en terminant, cette page de M. de Lamennais : « Pendant que Corneille et Racine élevaient si haut notre scène tragique, Molière, reculant les bornes de la comédie, se créait une gloire sans rivale.
Souilles plus étouffés qu’un soupir de la nuit, Qui faisaient, par instants, sous les fermoirs de cuivre, Frissonner vaguement les pages du vieux livre !
L’empreinte du génie marque ces pages inachevées ; dans ces pierres d’attente, dans ces premières assises du monument qu’il voulait élever à la religion chrétienne, on peut apercevoir quelle en eût été la grandeur1.