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195. (1827) Résumé de rhétorique et d’art oratoire

Il faut aussi remarquer que toutes les idées qui ont quelque chose de solennel et de terrible favorisent beaucoup le sublime : par exemple, les ténèbres, la solitude, le silence ; un torrent qui se précipite en blanchissant d’écume, offre une idée grande ; si vous le placez au milieu d’une forêt, fille des siècles, et que vous l’aperceviez dans l’obscurité de la nuit, la scène devient terrible et sublime : le bruit d’un vaste bourdon, le son d’une énorme horloge, ont toujours de la grandeur ; mais, si on les entend au milieu du silence et du calme de la nuit, ils acquièrent un plus haut degré de solennité. […] « Dans un voyage de Pinto, je me souviens, dit-il, d’avoir lu ce récit terrible d’un naufrage : “Au milieu d’une nuit orageuse nous aperçûmes, à la lueur des éclairs, un autre vaisseau qui, comme nous, luttait contre la tempête ; tout à coup, dans l’obscurité, nous entendîmes un cri épouvantable, et puis nous n’entendîmes plus rien que le bruit des vents et des flots.” » Cette image est grande, et produit une impression profonde. […] Il en est de même à l’égard de la mélodie de la phrase, j’ai toujours observé qu’elle marchait de concert avec le sens : l’obscurité dans l’expression à la fin de la période y nuit infiniment. […] Chez lui, la pompe de la phrase nuit souvent à la force de l’expression ; cette chute remarquable esse videatur , qui, dans le discours Pro lege Manilia, se reproduit onze fois, l’a exposé à la critique de ses contemporains ; cependant, nous devons dire à la gloire de ce grand écrivain qu’il y a toujours une union remarquable dans son style entre la mélodie et la facilité ; ce qui est toujours une grande beauté. […] Il ne doit jamais oublier que s’il montre trop d’art il nuit à son propre dessein, en répandant le doute sur sa sincérité.

196. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre IV. Genre dramatique. »

Voilà pourquoi toutes les pièces d’actualité et de circonstance ne sont que des bluettes éphémères, aujourd’hui étincelantes de gaieté, demain éteintes dans la nuit de l’oubli.

197. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — La Bruyère, 1646-1696 » pp. 155-177

Ce palais, ces meubles, ces jardins, ces belles eaux vous enchantent, et vous font récrier d’une première vue sur une maison si délicieuse, et sur l’extrême bonheur du maître qui la possède : il n’est plus, il n’en a pas joui si agréablement ni si tranquillement que vous ; il n’y a jamais eu un jour serein, ni une nuit tranquille ; il s’est noyé de dettes pour la porter à ce degré de beauté où elle vous ravit : ses créanciers l’en ont chassé ; il a tourné la tête, et il l’a regardée de loin une dernière fois ; et il est mort de saisissement.

198. (1876) Traité de versification latine, à l'usage des classes supérieures (3e éd.) « SECONDE PARTIE. DE LA VERSIFICATION LATINE. — CHAPITRE IV. De la composition des vers. » pp. 295-331

Orphée, retiré sur un rivage désert, chante nuit et jour la perte de sa chère Eurydice.

199. (1883) Poétique et Rhétorique (trad. Ruelle)

Tel terme a été employé par métaphore, comme dans ces vers : Tous les autres, — dieux et hommes — dormaient la nuit entière156… Puis il dit en même temps : lorsqu’il regardait du côté de la plaine de Troie157… … le son des flûtes et des syrinx158. […] Ou bien l’amphibologie : La plus grande moitié de la nuit est passée… car πλέων est équivoque163. […] … Il n’en est pas ainsi toujours, mais le plus souvent, car rien n’empêche qu’une même chose, en certains cas, soit profitable aux deux parties adverses ; ce qui fait dire que le malheur réunit les hommes, lorsqu’une même chose nuit aux uns et aux autres. […] En effet, celui qui commet un adultère, et celui qui se livre à des voies de fait, cause un préjudice à certain individu, tandis que celui qui se soustrait au service militaire nuit à la communauté.

200. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre XII. Poésie dramatique. »

Mon cœur vint à faillir ; ma main en se baissant, Pour chercher dans la nuit leurs feuilles dispersées, Toucha de deux enfants les dépouilles glacées.

201. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Fénelon, 1651-1715 » pp. 178-204

Ce soleil de vérité ne laisse aucune ombre, et il luit en même temps dans les deux hémisphères : il brille autant sur nous la nuit que le jour ; ce n’est point au dehors qu’il répand ses rayons ; il habite en chacun de nous.

202. (1879) L’art d’écrire enseigné par les grands maîtres

je crus voir la nature ; Je marchai dans la nuit, conduit par Epicure ; J’adorai comme un dieu ce mortel orgueilleux Qui fit la guerre au ciel, et détrôna les dieux. […] Vous dites que « les étrangers ont peine à distinguer quand la consonne finale a besoin ou non d’être accompagnée d’un e muet », et vous citez les vers du philosophe de Sans-Souci : La nuit, compagne du repos, De son crêp couvrant la lumière, Avait jeté sur ma paupière Les plus léthargiques pavots. […] M. l’abbé de Dangeau, en qualité de puriste, en savait sans doute plus que lui sur la grammaire française ; je ne puis toutefois convenir, avec ce respectable académicien, qu’un musicien, en chantant la nuit est loin encore, prononce, pour avoir plus de grâces, la nuit est loing encore.

203. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre VIII. Des Figures en général. »

Tendre épouse, c’est toi qu’appelait son amour, Toi qu’il pleurait la nuit, toi qu’il pleurait le jour.

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