Malheureuse, j’appris à plaindre le malheur ! […] Non-seulement l’ironie parait louer ce qu’on blâme en effet, mais elle conseille le contraire de ce qu’on veut ; pour mieux faire sentir toute l’horreur du mal, elle demande qu’on l’exagère jusqu’au délire : … Poursuis, Néron : avec de tels ministres, Par des faits glorieux tu vas te signaler ; Poursuis ; tu n’as pas fait ce pas pour reculer ; et à la fin d’Andromaque : Grâce aux dieux, mon malheur passe mon espérance108, Et je te loue, ô ciel ! […] Arcas, éveillé par son roi, lui demande quel besoin lui a fait devancer l’aurore, quels malheurs lui arrachent les larmes qu’il verse, s’il pleure Clytemnestre ou bien Iphigénie.
Le temps, ce dépôt précieux que le Seigneur nous a confié, est donc devenu pour nous un fardeau qui nous pèse et nous fatigue : nous craignons, comme le dernier des malheurs, qu’on ne nous en prive pour toujours ; et nous craignons presque comme un malheur égal d’en porter l’ennui et la durée : c’est un trésor que nous voudrions pouvoir éternellement retenir, et que nous ne pouvons souffrir entre nos mains. […] notre arrêt est prononcé : nos crimes rendent notre condamnation certaine ; on nous laisse encore un jour pour éviter ce malheur et changer la rigueur de notre sentence éternelle ; et ce jour unique, et ce jour rapide, nous le passons indolemment en des occupations vaines, oiseuses, puériles ; et ce jour précieux nous est à charge, nous ennuie : nous cherchons comment l’abréger ; à peine trouvons-nous assez d’amusements pour en remplir le vide : nous arrivons au soir sans avoir fait d’autre usage du jour qu’on nous laisse, que de nous être rendus encore plus dignes de la condamnation que nous avions déjà méritée.
Comme il serait contraire à la nature de supposer, dans la vie humaine, une condition exempte de malheurs et d’inquiétudes, le poète peut sans doute attacher à la vie pastorale des peines et des soucis ; mais ces maux doivent être tels qu’ils n’offrent rien à l’imagination qui puisse lui inspirer du dégoût pour ce genre de vie. […] C’est assez vanter un état que de le présenter comme n’ayant que de tels malheurs à déplorer. […] D’un autre côté, celui qui aura été vaincu et dédaigné, pourra se plaindre de son malheur, mais toujours avec une douceur touchante et sans emportement.
Je suis très persuadée, Monsieur, que vous ne sauriez avoir appris le malheur épouvantable qui m’est arrivé, sans répandre des larmes ; la bonté de votre cœur m’en répond. […] Je le logerais bien chez un grand prince ; mais il ferait mauvaise chère, et je tiens que mourir de faim est un malheur plus à craindre que d’avoir le cou coupé. […] Sévère dans la ferme, il soigne le malheur. […] Il ne devinait pas ce malheur. […] Dieu devait à la faiblesse et au malheur une arme qui fît tomber l’épée, calmât la colère éteignît l’injure, réparât l’inégalité du sort ; il leur donné la prière.
Membre d’un jury, d’une société, d’un conseil, vous avez à exposer vos idées, et malheur à vous si vous ne savez pas les disposer et les exprimer d’une manière convenable ; eh bien ! […] J’irai dans une retraite éloignée cacher ma honte et mon affliction ; j’irai pleurer, jusqu’à mon dernier soupir, le malheur d’une ville qui aura rendu implacable à son égard le plus humain et le plus doux de tous les princes. […] La providence divine nous cachait un malheur plus grand que la perte d’une bataille. […] Voilà de ton amour le détestable fruit Tu m’apportais, cruel, le malheur qui te suit. C’est toi dont l’ambassade, à tous les deux fatale, L’a fait pour son malheur pencher vers ma rivale.
Fouquet qui ne l’implore pas seulement, mais qui s’en assure, mais qui s’y fonde, quel malheur en détournerait les effets ? […] Pour la plonger entièrement dans l’amour du monde, il fallait ce dernier malheur : quoi ? […] Ce n’est pas le vice le plus commun, et je vois un autre malheur bien plus universel dans la cour. […] Je sais que vous êtes mon ennemi ; mais je vous crois assez de vertu pour ne pas abuser de ma confiance et de mon malheur. […] Pauline pressent les malheurs qui vont l’accabler : un songe redouble son effroi.
Nous avons vu toute la race royale presque éteinte ; les princes, l’espérance et l’appui du trône, moissonnés à la fleur de l’âge ; l’époux et l’épouse auguste, au milieu de leurs plus beaux jours, enfermés dans le même cercueil, et les cendres de l’enfant suivre tristement et augmenter l’appareil lugubre de leurs funérailles2 ; le roi, qui avait passé d’une minorité orageuse au règne le plus glorieux dont il soit parlé dans nos histoires, retomber de cette gloire dans des malheurs presque supérieurs à ses anciennes prospérités, se relever encore plus grand de toutes ces pertes, et survivre à tant d’événements divers pour rendre gloire à Dieu et s’affermir dans la foi des biens immuables. […] Mais le temps de votre délivrance n’était pas encore arrivé ; le crime de vos pères n’était pas encore expié ; et le Seigneur ne voulait que glorifier son serviteur en l’éprouvant, et point du tout mettre fin à vos malheurs et à votre ignominie.
Gardez-vous de demander du temps : le malheur n’en accorde jamais… Eh ! […] La prière seule, l’accent du malheur, de quelque faible voix qu’il parte, émeut profondément dans ces vastes lieux. […] En repoussant avec horreur les traditions de la calomnie, on voit en eux un lamentable exemple du malheur des révolutions. […] Il regrette que cette action n’ait point réussi, il s’afflige de son mauvais succès, il recherche s’il y a eu témérité et imprudence : s’il ne trouve qu’un malheur immérité, il absout le malheur et il déclare l’action elle-même juste et bonne ; et cela, bien qu’il ne soit pas intéressé à la juger telle, bien qu’il en ait été comme moi la victime. […] — Les malheurs dont il est cause depuis la révolution. — Qui sont ceux qui vous ont engagée à cette action ?
Vos Prêteurs au malheur nous font joindre le crime : Retirez-les ; ils ne nous apprendront Que la mollesse et que le vice : Les Germains comme eux deviendront Gens de rapine et d’avarice. […] Un jour, il m’en souvient, le Sénat équitable Vous pressait de souscrire à la mort d’un coupable ; Vous résistiez, Seigneur, à leur sévérité ; Votre cœur s’accusait de trop de cruauté ; Et plaignant les malheurs attachés à l’empire, Je voudrois, disiez-vous, ne savoir pas écrire. Non, ou vous me croirez ; ou bien de ce malheur Ma mort m’épargnera la vue et la douleur.