Les fabulistes latins sont d’abord et surtout Phèdre, affranchi d’Auguste, et Avianus qui vivait sous les Antonins. Phèdre, le plus remarquable des deux et le meilleur auteur de fables qu’aient eu les Latins, crut ce genre d’écrire susceptible d’embellissement. […] Il est le seul poète latin qui ait excellé dans ce genre. […] — Du reste des Latins la conquête est facile. […] Nous sommes plus heureux pour les Latins.
Horace, célèbre poète latin, né à Venouse, l’an de Rome 689, entreprit aussi de tracer les règles de la poésie ; mais son Art poétique n’est, & proprement parler, qu’une longue lettre versifiée qu’il adressa aux Pisons sous ce titre : Epistola ad Pisones. […] Longtemps après parut une autre Poétique latine, qui eut pour auteur un contemporain de Léon X, Vida, évêque d’Albe, né à Crémone, en 1470, et mort en 1566. […] Admirateur enthousiaste du prince des poètes latins, il ne pense qu’avec ses expressions, il imite toutes ses formes, et quelquefois, dans ses beaux moments, il réunit son génie heureux à la brillante fécondité d’Ovide.
Il importe avant tout, pour bien entendre la langue latine, pour parler et écrire d’une manière pure et élégante, de connaître à fond la propriété des mots, leur sens propre et figuré, leurs synonymes. […] Ainsi, du mot fors, fortune, hasard, sont dérivés fortuna, fortune, sort, destin ; fortunatus, fortuné ; fortuitus, fortuit ; fortuitò, fortuitement ; forsan, forsitan, fortassè, fortè, peut-être, par hasard. — Du mot animus, esprit, sont dérivés animosus, courageux ; animositas, animosité ; animare, souffler, animer, etc. — Du mot pars, partie, sont dérivés partiri, partager ; partitio, partition, action de partager ; partitor, qui partage ; partim, en partie ; particula, petite partie, parcelle ; particularis, particulier ; particulatim, par parties. — De l’oriental hur, feu, s’est formé le mot grec πυρ ; d’où, par le changement de p en f, cette famille de mots latins : furor, fureur ; furiosus, furieux ; furens, violent, impétueux ; furibundus, furibond, transporté de fureur, etc. […] Ainsi, de la racine primitive re, chose, objet que l’on voit, on a formé le mot latin res, chose, qui, joint à l’adjectif public-us, a, um, public, a formé le mot composé respublica, la chose publique ou la république. — De même le mot judicium, jugement, se compose de jus, juris, droit, et dicere ; dire le droit ou juger. — L'adjectif sincer-us, a, um, comprend les deux mots sine, sans, et cera, cire ; c’est-à-dire sans cire, sans mélange, pur, sincère. — Le mot princeps est composé de l’adjectif prim-us, a, um, et du mot caput, première tête, ou le premier, le chef, le prince. — Le verbe fero, je porte, a formé plusieurs composés en se joignant à divers substantifs. […] Cette petite digression sur les origines latines doit suffire pour nous faire comprendre toute l’importance qu’il faut attacher à l’étude des étymologies4.
Une grande partie de l’artifice du vers latin consiste dans ces répétitions que les poétiques nomment redoublements. […] Aussi lorsque le redoublement est si bien compris dans l’idée qu’il redouble, qu’il serait impossible de concevoir l’une sans l’autre, le poète latin, comme tout autre, est inexcusable de le présenter. […] Aussi, je ne sais rien de plus propre à gâter le goût que ces éditions d’auteurs latins, comme les Ad usum Delphini et le Juvénal de Lamaire, où le commentateur traduit le texte, d’un bout à l’autre, en un autre latin, affectant toujours d’éviter les termes dont l’auteur s’est servi, c’est-à-dire habituant l’élève à une impropriété continue d’expressions.
Les Grecs ont été les précepteurs de l’art, non seulement pour les modernes, mais pour les Latins même. […] C’est principalement à la source latine qu’il puisa, dans l’antiquité. […] À la littérature latine, il ne prit que deux de ses pièces. […] Hâtez-vous donc d’achever votre odyssée latine, qui nous fera connaître cet autre chef-d’œuvre d’Homère, et nous montrera comment on peut rendre en latin toutes les beautés de son divin langage. […] Nous avons largement puisé, pour ce développement, dans l’excellent chapitre sur Tacite de l’Hist. de la litt. latine, de M. de Caussade.
Au reste, il n’est pas inutile d’observer ici que le premier poète qui ait donné de l’harmonie à la versification latine, Lucrèce, a imité avec succès ce beau morceau d’Homère. […] À peine a retenti la trompette éclatante, À peine sur les tours de l’antique Laurente Turnus a de la guerre arboré les drapeaux, Frappé son bouclier, animé ses chevaux ; En tumulte à sa voix tous les Latins s’unissent, De leurs cris conjurés les champs au loin frémissent. […] Cet endroit n’est pas le seul où le génie du Tasse ait lutté avec succès contre celui d’Homère et de Virgile, et ait donné à la langue italienne ce degré de force et d’harmonie imitative que nous admirons dans les langues grecque et latine. […] Le Tasse a emprunté de Virgile cette belle périphrase, et a fait passer dans ses vers l’harmonie enchanteresse du poète latin.
Ceci, nous l’avons dit, est habituel à la langue latine, quand l’intérêt ou l’harmonie n’exigent pas une autre disposition. […] Cette manière de finir une phrase, nous l’avons déjà dit, est ordinaire chez les Latins. […] Les Latins emploient le nombre ordinal dans tous les cas où abusivement nous nous servons du nombre cardinal. […] Soit à exprimer en latin cette pensée : Cicéron a été le plus éloquent des orateurs. […] Un maître habile et familiarisé avec le génie de la langue latine, ne manquera pas de diriger ses élèves dans cette voie si intéressante pour eux, et si utile au progrès de leurs études.
La dernière édition de ce Traité d’élégance et de versification latine, malgré l’accueil favorable qu’a daigné lui faire un public judicieux et impartial, dont nous honorons beaucoup le savoir et l’expérience, renfermait encore des imperfections qu’il nous importait de faire disparaître. […] Mettant donc à profit notre expérience de trente années et les études toutes spéciales que nous avons faites sur la langue latine, nous avons revu avec le plus grand soin cette nouvelle édition, nous l’avons remaniée presque en entier, et, suivant le conseil du vieux poëte, nous sommes devenu à notre égard un Aristarque sévère, tantôt effaçant ce qu’il y avait de trop, tantôt ajoutant ce qui faisait défaut, tantôt éclaircissant ou modifiant ce qui nous semblait obscur ou défectueux.
Le latin corrompu dominait dans ce nouveau langage. […] La langue latine était celle du clergé et de quelques hommes lettrés ; c’était en latin que les lois étaient rédigées. […] Le latin resta toujours la langue de l’Église, de la justice et des lettres. […] On y voit encore les origines celtiques, latines et allemandes. […] Il en fut de même quand le langage des Francs se combina avec les débris du latin.