La sensibilité est cette disposition délicate de l’âme qui fait qu’on s’émeut, qu’on se passionne facilement, et qu’on transmet promptement ses impressions par le langage.
Chez lui, toute abstraction se colore ; l’esprit y a l’attitude, les mouvements, les soubresauts et les arrêts du corps ; le langage n’est que geste et figure. […] Aristophanes le grammairien n’y entendoit rien, de reprendre en Epicurus la simplicité de ses mots, et la fin de son art oratoire, qui estoit perspicuité de langage seulement. […] Zenon disoit qu’il avoit deux sortes de disciples : les uns, qu’il nommoit φιλολόγους, curieux d’apprendre les choses, qui estoient ses mignons ; les aultres, λογοφίλους, qui n’avoyent soing que du langage. […] Il eut la grâce, le charme, l’onction et les fleurs du langage. […] Que nostre langage soit doux, franc, sincere, rond, naïf et fidele.
Écoutez maintenant le langage de la vraie philosophie, c’est-à-dire, de la raison et de la sensibilité.
Les passions ne sont variées et différentes l’une de l’autre que quand elles sont modérées : alors elles ont chacune leur langage et leur geste ; alors elles intéressent par leur diversité.
Ésope prêta dans l’apologue un langage aux animaux, pour instruire les hommes.
Rien n’est encore plus opposé à la véritable éloquence, facundia, que l’emploi de ces pensées fines et la recherche de ces idées légères, déliées, sans consistance, et qui, comme la feuille du métal battu, ne prennent de l’éclat qu’en perdant de la solidité : aussi plus on mettra de cet esprit mince et brillant dans un écrit, moins il aura de nerf, de lumière et de chaleur . » Chose singulière que cette identité de langage entre Horace et Buffon ; d’une part le poëte le plus brillant et le plus gracieux de l’antiquité, de l’autre le plus intraitable partisan de la prose qu’ait produit le siècle prosateur par excellence. […] Ces transports déréglés, vagabonde manie, Sont l’accès de la fièvre, et non pas du génie ; D’Ormuzd et d’Ariman ce sont les noirs combats, Où partout confondus, la vie et le trépas, Les ténébres, le jour, la forme et la matière Luttent sans être unis ; mais l’esprit de lumière Fait naitre en ce chaos la concorde et le jour, D’éléments divisés il reconnait l’amour, Les rappelle, et partout, en d’heureux intervalles, Sépare et met en paix les semences rivales. » On ne pouvait exprimer dans un langage plus poétique les avantages de la disposition.
Admirez l’énergie de ce simple et beau langage. […] C’est la familiarité même de son langage qui captive les attentions.
Renfermez votre amour dans le fond de votre âme : Vous n’aurez point pour moi de langages secrets ; J’entendrai des regards que vous croirez muets ; Et sa perte sera l’infaillible salaire D’un geste ou d’un soupir échappé pour lui plaire. […] Celui ; formes usitées alors dans le langage du Palais ; c’est pour, ce Citron.
Si l’avocat a besoin de toutes les ressources de l’art pour donner les couleurs de la vraisemblance à une cause douteuse, le simple langage du bon sens, soutenu par la dignité du caractère et par la chaleur de la conviction, suffit souvent, dans les grandes occasions, pour ouvrir les yeux de la foule à l’évidence. […] Si vous les épargnez, vous êtes perdus. » — Voilà le langage ferme d’un homme d’État.