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120. (1881) Morceaux choisis des classiques français des xvie , xviie , xviiie et xixe siècles, à l’usage des classes de troisième, seconde et rhétorique. Prosateurs

« C’est l’imagination de Montaigne qu’il faut regretter », a dit Voltaire. […] Ie veulx que les choses surmontent, et quelles remplissent de façon l’imagination de celuy qui escoute, qu’il n’ayt aulcune souvenance des mots. […] A qui il gresle sur la teste, tout l’hemisphere semble estre en tempeste et orage ; et disoit le Savoïard, que « Si ce sot de roy de France eust sceu bien conduire sa fortune, il estoit homme pour devenir maistre d’hostel de son duc » : son imagination ne concevoit aultre plus eslevee grandeur que celle de son maistre. […] Mais si notre vue s’arrête là, que l’imagination passe outre ; elle se lassera plutôt329 de concevoir que la nature de fournir. […] Enfin, c’est le plus grand caractère sensible de la toute-puissance de Dieu que notre imagination se perde dans cette pensée.

121. (1825) Rhétorique française, extraite des meilleurs auteurs anciens et modernes pp. -433

C’est l’ouvrage de l’imagination. […] L’orateur doit mettre en œuvre tous les moyens que la nature nous a donnés pour agir sur l’imagination, sur le cœur et sur la raison. […] Les mêmes élémens concourent à produire les moyens de plaire et les moyens d’émouvoir ; l’intelligence, l’imagination, la sensibilité. […] N’est-ce pas de cette force de l’imagination que sont sorties ces belles peintures de la mère d’Euryale, du malheureux Pallas, et tant d’autres dont Virgile est tout plein ? […] Au récit d’un événement heureux ou malheureux, agréable ou douloureux, l’âme de l’auditeur est saisie par l’impression du récit sur son imagination.

122. (1885) Morceaux choisis des classiques français, prose et vers, … pour la classe de rhétorique

Les écoliers sont tout prêts à faire autrement, l’imagination vive et curieuse de leur âge les y dispose et les y invite ; qu’on essaye seulement, et bientôt on n’aura plus qu’à les retenir pour les empêcher de tomber dans la déclamation théâtrale. […] Le premier soin est de reconnaître par un coup d’œil général le sujet du morceau et de s’en pénétrer assez profondément pour y prendre un véritable intérêt ; l’attention produit une sorte d’excitation réfléchie de l’imagination. […] Puissant en combinaisons, et d’une imagination ardente, égoïste et rêveur, machinateur et poète, il épancha pour ainsi dire son activité en projets arbitraires, gigantesques, enfants de sa seule pensée, étrangers aux besoins réels de notre temps et de notre France. […] à tout cela ajoutez enfin les rêves de l’imagination, et vous serez loin encore d’avoir atteint la mesure de toutes ces félicités intimes. […] Ces jeux de l’imagination, ces finesses, ces tours, ces traits saillants, ces gaietés, ces petites sentences coupées, ces familiarités ingénieuses qu’on prodigue aujourd’hui, ne conviennent qu’aux petits ouvrages de pur agrément.

123. (1892) La composition française aux examens du baccalauréat de l’enseignement secondaire moderne, d’après les programmes de 1891, aux examens de l’enseignement secondaire des jeunes filles et aux concours d’admission aux écoles spéciales pp. -503

Il voulait que l’imagination fût en garde contre elle-même, et qu’elle fût toujours contenue par la raison. […] Il n’y a plus de repos pour lui ; son imagination multiplie les fantômes devant ses yeux, et il n’y tient plus. […] Il a uni dans une juste mesure l’imagination et l’observation, et il a créé des caractères. […] Voltaire s’est habilement servi de toutes les « machines épiques », mais l’imagination qui les met en mouvement lui a fait défaut. […] L’imagination et le cœur de ce grand homme ne vont pas à un but moins haut que celui-là.

124. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XVI. des qualités essentielles du style. — clarté, pureté  » pp. 217-229

La mobilité d’imagination et la paresse de jugement, également naturelles à l’homme, ont fait passer, souvent à l’insu de sa volonté, les modifications spontanées ou les altérations successives du langage à l’état d’habitude, et cette habitude, une fois enracinée dans les esprits, est devenue ce qu’on appelle le génie de la langue, c’est-à-dire cette collection d’idiotismes, ces procédés de lexilégie et de construction qui distinguent une langue des autres et lui impriment un cachet particulier. […] Mais que nos romanciers aient poussé le fétichisme de la couleur locale jusqu’à salir leurs récits de ce hideux jargon ; qu’à la suite d’un homme d’imagination, la tourbe servile des imitateurs se soit ruée dans cette voie : voilà ce qui était indigne et abominable, ce qu’aucune théorie d’art ne peut justifier, ce que la rhétorique, comme la morale, repousse avec dégoût !

125. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — La Bruyère. (1646-1696.) » pp. 91-100

Il ne faut pas qu’il y ait trop d’imagination dans nos conversations ni dans nos écrits : elle ne produit souvent que des idées vaines et puériles, qui ne servent point à perfectionner le goût et à nous rendre meilleurs ; nos pensées doivent être prises dans le bon sens et la droite raison, et doivent être un effet de notre jugement1. […] « Est eloquentiæ, lit-on en effet dans l’Orator de Cicéron, chap. 21, sicut reliquarum rerum, fundamentum sapientia. » M. du Châteaubriand a dit de même : « L’imagination et l’esprit ne sont point, comme on le suppose, la base du véritable talent : c’est le jugement et le bon sens. » 2.

126. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — L. Racine. (1692-1763.) » pp. 267-276

Celui de la Religion, dont le succès a été attesté par de nombreuses réimpressions, offre çà et là des morceaux dignes du grand Racine ; mais l’ensemble est trop peu animé par le souffle créateur de l’imagination : il n’en mérite pas moins de grands éloges. […] Notre imagination se perd dans ces espaces immenses qui renferment la multitude innombrable des corps célestes.

127. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Bernardin de Saint-Pierre, 737-1814 » pp. 357-367

D’abord ingénieur et officier, il tente la fortune, et promène à travers le monde, en Pologne, en Russie, à l’Ile de France, de mécomptes en mécomptes, sa mélancolie inquiète, et son imagination éprise d’utopies philanthropiques. […] Il a l’imagination tendre ; quelquefois il en abuse, il amollit la nature, Mais quand la fadeur ne gâte pas ses peintures, comme il y verse la lumière, le sentiment de la prière, du recueillement et du silence !

128. (1813) Principes généraux des belles-lettres. Tome III (3e éd.) « Principes généraux des belles-lettres. » pp. 1-374

Le desir de briller est un écueil que le poëte doit soigneusement éviter : sans quoi la fougue de son imagination l’emportera hors du droit chemin, qui doit le conduire à son but. […] Ce genre de comédie, qui demande beaucoup d’imagination, égaie l’esprit ; mais il ne l’instruit pas : il amuse et ne va pas jusqu’au cœur. […] Un jeune homme né avec une imagination vive, est possédé de la manie des vers. […] N’est-il pas naturel qu’il parle avec chaleur et avec véhémence de cet art dont il fait ses délices, et si propre à échauffer l’imagination de celui qui le cultive ? […] C’est vraiment dommage qu’il n’ait point assujetti son imagination aux règles du goût et à celles des moeurs.

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