Ménalque, ou l’esprit moyen Ménalque était toujours heureux dans ses entreprises, parce qu’elles étaient toujours proportionnées à ses moyens. […] Je vous remets, mon cher ami, la disposition de tout ce qui me regarde : offrez mes services, pour quelque emploi que ce soit, si vous le jugez convenable, et n’attendez point ma réponse pour agir ; je me tiendrai heureux et honoré de tout ce que vous ferez pour moi et en mon nom.
Peu de carrières ont été aussi pleinement, aussi vertueusement, aussi glorieusement remplies que celle de ce fils d’un teinturier de Boston, qui commença par couler du suif dans des moules de chandelles, se fit ensuite imprimeur, rédigea les premiers journaux américains, fonda les premières manufactures de papier dans ces colonies, dont il accrut la civilisation matérielle et les lumières ; découvrit l’identité du fluide électrique et de la foudre ; devint membre de l’Académie des sciences de Paris et de presque tous les corps savants de l’Europe ; fut auprès de la métropole le courageux agent des colonies soumises ; auprès de la France et de l’Espagne le négociateur heureux des colonies insurgées, et se plaça à côté de Georges Washington comme fondateur de leur indépendance ; enfin, après avoir fait le bien pendant quatre-vingts ans, mourut environné des respects des deux mondes comme un sage qui avait étendu la connaissance des lois de l’univers, comme un grand homme qui avait contribué à l’affranchissement et à la prospérité de sa patrie, et mérita non-seulement que l’Amérique tout entière portât son deuil, mais que l’Assemblée constituante de France s’y associât par un décret public. […] Les bienfaits du travail, les heureux fruits de l’économie, la salutaire habitude d’une réflexion sage qui précède et dirige toujours la conduite, le désir louable de faire du bien aux hommes, et par là de se préparer la plus douce des satisfactions et la plus utile des récompenses, le contentement de soi et la bonne opinion des autres : voilà ce que chacun peut puiser dans cette lecture.
Si son style a du laisser-aller, il pique l’attention, il charme tous les connaisseurs par sa souplesse, son naturel, l’aisance de son mouvement, par la vivacité sémillante, et la verve soutenue d’une haute raison qui improvise ses plus heureuses rencontres. […] Puis, si j’ai accompli, en parlant, la moitié seulement de mon projet, je suis dans le petit nombre des gens heureux, ayant fait de ma vie la moitié ou le quart de ce que je voulais faire4.
Un heureux naturel vaut sans doute mieux que l’art, mais pourtant il ne saurait s’en passer ; tous les grands maîtres l’ont pensé : « Ce sont deux choses, dit Horace, qui ont besoin du secours l’une de l’autre et qui doivent s’unir étroitement. […] Je serai amplement dédommagé de mon travail, si les peines que je me suis données peuvent en épargner à la jeunesse, à l’éducation de laquelle j’ai l’honneur de concourir ; si je suis assez heureux pour leur inspirer un plus grand amour pour les lettres. […] Quelle affreuse providence, si toute la multitude des hommes n’était placée sur la terre que pour servir aux plaisirs d’un petit nombre d’heureux qui l’habitent, et qui souvent ne connaissent pas le Dieu qui les comble de bienfaits ! […] Exemples : Il faut aimer la vertu, parce qu’elle nous rend heureux : il faut apprendre la logique, elle perfectionne le jugement. […] Au récit d’un événement heureux ou malheureux, agréable ou douloureux, l’âme de l’auditeur est saisie par l’impression du récit sur son imagination.
Soyez délicat et réservé dans l’emploi des mots ; on vous admirera quand, par une heureuse alliance, vous aurez su donner une grâce nouvelle à des mots déjà connus. […] Boileau, dans son Art poétique, a su joindre le précepte à l’exemple, quand il a dit : « Il est un heureux choix de mots harmonieux ; Fuyez des mauvais sons le concours odieux. […] Il faut un heureux mélange de voyelles et de consonnes, de mots longs et de mots courts, qui se prêtent une mutuelle assistance, afin de donner à la phrase une douce harmonie et de charmer les oreilles de ceux qui écoutent. […] Rien ne contribue plus efficacement à rendre la vie heureuse, qu’un véritable ami. […] Ab devant les voyelles et les consonnes avec lesquelles il forme une heureuse liaison.
Voulant le rendre plus gai, plus heureux encore, le financier donne un sac d’or au joyeux compère. […] Il convient dans les morceaux descriptifs, tels que la description des environs de Tyr par Fénelon : J’admirais l’heureuse situation de la ville de Tyr qui est au milieu de la mer, dans une île : la côte voisine est délicieuse par sa fertilité, par les fruits qu’elle porte, par le nombre de villes et de villages qui se louchent presque, enfin par la douceur de son climat ; car les montagnes mettent cette côte à l’abri des vents brûlants du midi. […] Si nous ne sommes pas assez heureux pour réussir pleinement, peut être que nos efforts suffiront pour en donner une idée satisfaisante. […] C’est à eux que leurs successeurs et nous, nous devons les sujets merveilleux, les formes de langage extraordinaire les expressions choisies, l’harmonie de la diction, les images frappantes et la variété considérable des figures et des mouvements de style ; c’est à leur école que les écrivains modernes se sont formés, qu’ils ont puisé, comme à une source féconde, des inspirations heureuses qui leur ont obtenu l’honneur d’être proclamés hommes de génie et écrivains classiques. […] Les psalmistes trouvent encore une source d’agrément dans certaines oppositions qui en réalité sont une sorte de comparaison ; nous en citons une ici que notre illustre Buffon aurait été fort heureux de rencontrer sous sa plume : Le Soleil Vous avez appris au soleil l’heure de son coucher.
La sagesse Ni l’or ni la grandeur ne nous rendent heureux. […] La beauce 3 La Beauce avait jadis des monts en abondance, Comme le reste de la France : De quoi la ville d’Orléans, Pleine de gens heureux, délicats, fainéants, Qui voulaient marcher à leur aise, Se plaignit, et fit la mauvaise ; Et messieurs les Orléanais Dirent au sort tout d’une voix, Une fois, deux fois et trois fois, Qu’il eût à leur ôter la peine De monter, de descendre, et remonter encor. […] Nous cultivions en paix d’heureux champs, et nos mains Etaient propres aux arts, ainsi qu’au labourage. […] Saint-Marc Girardin : « Qui de nous n’a rencontré la tortue en voyage, bavarde, vaniteuse, indiscrète, contant ses affaires à tout le monde, questionnant tout le monde, nuisant aux autres par le bruit qu’elle fait, et souvent se nuisant à elle-même, si en voyage elle rencontre des gens habiles à faire des dupes, et heureux d’en trouver de toutes faites comme la Tortue ? […] Et notre père, comme il sera heureux !
Mais ces courtes réflexions suffiront pour nous faire juger qu’un esprit vaste, ferme et pénétrant ; une raison saine et lumineuse ; un jugement droit, solide et profond ; en un mot, un génie heureux, soutenu d’un goût exquis, enrichi d’une infinité de connaissances, et joint à toutes les qualités du cœur, qui distinguent le parfait honnête homme, sont absolument nécessaires à l’écrivain qui veut obtenir dans ce genre des succès non moins durables que brillants. […] S’agit-il de décrire les fruits heureux de la paix, et le contentement des peuples ? […] C’est alors qu’elles voient la vérité dans tout son jour, la vertu dans toute sa pureté, le bonheur suprême qui doit en être la récompense ; et c’est presque en même temps que cette lumière si éclatante, ces connaissances si sublimes opèrent la plus heureuse révolution dans les mœurs, l’esprit, le caractère, la législation et le gouvernement de tous les peuples. […] Supérieurs en ce genre aux meilleurs historiens modernes, ils ont en général la marche plus libre, plus noble, plus naturelle, des transitions plus heureuses dans le récit et l’enchaînement des faits ; plus de sagesse, de gravité, de nerf et en même temps de simplicité dans la diction ; des traits plus frappants, des coups de pinceau plus vigoureux dans la peinture des mœurs et des caractères.
Assurément ces quatre premières strophes sont admirables, mais je retrancherais la cinquième, toute gracieuse qu’en est la forme et l’expression : Je n’ai point l’heureux don de ces esprits faciles, Pour qui les doctes sœurs, caressantes, dociles, Ouvrent tous leurs trésors, Et qui, dans la douceur d’un tranquille délire, N’éprouvèrent jamais, en maniant la lyre, Ni fureurs, ni transports. […] On le dirait maintenant au nombre de ces esprits faciles, dont il a avoué ne pas avoir l’heureux don. […] Ces transports déréglés, vagabonde manie, Sont l’accès de la fièvre, et non pas du génie ; D’Ormuzd et d’Ariman ce sont les noirs combats, Où partout confondus, la vie et le trépas, Les ténébres, le jour, la forme et la matière Luttent sans être unis ; mais l’esprit de lumière Fait naitre en ce chaos la concorde et le jour, D’éléments divisés il reconnait l’amour, Les rappelle, et partout, en d’heureux intervalles, Sépare et met en paix les semences rivales. » On ne pouvait exprimer dans un langage plus poétique les avantages de la disposition.