Ces barbares nous apprirent neuf cents mots environ, soit des termes militaires, comme guerre (werra), heaume (helm), haubert (halsberc), auberge (heriberga) ; soit des désignations féodales, telles que vassal, alleu, ban, fief, eschevin, maréchal, sénéchal, etc. […] Si le latin patricien et littéraire régnait alors parmi les hautes classes, et dans les célèbres écoles d’Autun, de Bordeaux ou de Lyon, le latin des camps et des rues, (castrensis et plebeius sermo), qui datait de loin, (car il remontait aux premières guerres puniques), se propagea rapidement dans les couches populaires où se répandirent les soldats et les colons. […] L’homme de guerre est devenu chevalier ;son épée semble moins lourde, son armure moins impénétrable. […] Il faudra que la guerre contre les Anglais fasse saigner la France au cœur pour que des cris chevaleresques lui échappent encore, comme le dernier soupir de la muse épique. […] Mais éclatèrent ensuite des guerres séculaires et des discordes civiles qui devaient retarder pour nous la résurrection accomplie déjà depuis longtemps au delà des Alpes, chez un peuple heureusement doué pour les arts, et qui semblait le dépositaire naturel des trésors oubliés.
En effet, avec ce que je nomme l’intelligence, on démêle bien le vrai du faux ; on ne se laisse pas tromper par les vaines traditions ou les faux bruits de l’histoire ; on a de la critique, on saisit bien le caractère des hommes et des temps ; on n’exagère rien, on ne fait rien trop grand ou trop petit, on donne à chaque personnage ses traits véritables ; on écarte le fard, de tous les ornements le plus malséant en histoire, on peint juste ; on entre dans les secrets ressorts des choses, on comprend et on fait comprendre comment elles se sont accomplies ; diplomatie, administration, guerre, marine, on met ces objets si divers à la portée de la plupart des esprits, parce qu’on a su les saisir dans leur généralité intelligible à tous ; et quand on est arrivé ainsi à s’emparer des nombreux éléments dont un vaste récit doit se composer, l’ordre dans lequel il faut les présenter, on le trouve dans l’enchaînement même des événements ; car celui qui a su saisir le lien mystérieux qui les unit, la manière dont ils se sont engendrés les uns les autres, a découvert l’ordre de narration le plus beau, parce que c’est le plus naturel ; et si, de plus, il n’est pas de glace devant les grandes scènes de la vie des nations, il mêle fortement le tout ensemble, le fait succéder avec aisance et vivacité ; il laisse au fleuve du temps sa fluidité, sa puissance, sa grâce même, en ne forçant aucun de ses mouvements, en n’altérant aucun de ses heureux contours ; enfin, dernière et suprême condition, il est équitable, parce que rien ne calme, n’abat les passions comme la connaissance profonde des hommes. […] L’intelligence est donc, selon moi, la facilité heureuse qui, en histoire, enseigne à démêler le vrai du faux, à peindre les hommes avec justesse, à éclaircir les secrets de la politique et de la guerre, à narrer avec un ordre lumineux, à être équitable enfin, en un mot à être un véritable narrateur. […] Quand la guerre est une routine purement mécanique, consistant à pousser et à tuer l’ennemi qu’on a devant soi, elle est peu digne de l’histoire ; mais quand une de ces rencontres se présente, où l’on voit une masse d’hommes mue par une seule et vaste pensée qui se développe au milieu des éclats de la foudre avec autant de netteté que celle d’un Newton ou d’un Descartes dans le silence du cabinet, alors le spectacle est digne du philosophe autant que de l’homme d’État et du militaire, et si cette identification de la multitude avec un seul individu, qui produit la force à son plus haut degré, sert à protéger, à défendre une noble cause, celle de la liberté, alors la scène devient aussi morale qu’elle est grande. […] Il avait par ses succès ramené la guerre sur son véritable théâtre, celui de l’Italie, d’où l’on pouvait fondre sur les États héréditaires de l’Empereur.
C’est Louis XIV qui commande à la fortune : le destin de la guerre dépend de lui : sa présence rend ses soldats invincibles : dès qu’il paraît, on est assuré de la victoire. […] Dans la tragédie d’Horace, par Corneille, Sabine, native d’Albe, et femme d’un citoyen de Rome, voit la guerre allumée entre ces deux villes. […] Il parlait fort bien de la guerre, Des cieux, du globe de la terre, Du droit civil, du droit canon, Et connaissait assez les choses Par leurs effets et par leurs causes. […] Mais ces débordements de parricides ; ces champs empestés ; ces montagnes de morts privés d’honneurs suprêmes, et que la nature force à se venger ; ces troncs pourris, qui font la guerre au reste des vivants, ont été regardés comme une véritable enflure. […] C’est en ce sens qu’en parlant des Dieux du paganisme, on prend Vulcain, pour le feu : Mars, pour la guerre ; Neptune, pour la mer ; Apollon, pour la poésie, etc.
Ce même parallèle s’offrait naturellement à Fontenelle, dans l’éloge académique du czar, et voici comme il s’en est tiré : « En 1700, le czar, soutenu de l’alliance d’Auguste, roi de Pologne, entra en guerre avec Charles XII, roi de Suède, le plus redoutable rival de gloire qu’il pût jamais avoir. […] Aussi le czar disait-il, en commençant cette guerre : Je sais bien que mes troupes seront longtemps battues ; mais cela même leur apprendra enfin à vaincre. […] « Ce fut le 8 juillet de l’année 1709 que se donna cette bataille décisive de Pultava, entre les deux plus singuliers monarques qui fussent alors dans le monde ; Charles XII, illustre par neuf années de victoires ; Pierre Alexiowitz, par neuf années de peines prises pour former des troupes égales aux troupes suédoises ; l’un glorieux d’avoir donné des états, l’autre d’avoir civilisé les siens ; Charles aimant les dangers, et ne combattant que pour la gloire ; Alexiowitz ne fuyant point le péril, et ne faisant la guerre que pour ses intérêts : le monarque suédois libéral par grandeur d’âme ; le Moscovite ne donnant jamais que par quelque vue : celui-là d’une sobriété et d’une continence sans exemple, d’un naturel magnanime, et qui n’avait été barbare qu’une fois ; celui-ci n’ayant pas dépouillé la rudesse de son éducation et de son pays, aussi terrible à ses sujets qu’admirable aux étrangers, et trop adonné à des excès qui ont même abrégé ses jours.
Tonne, frappe, il est temps : rends-moi guerre pour guerre. […] Il parlait fort bien de la guerre, Des cieux, du globe de la terre, Du droit civil, du droit canon ; Et connaissait assez les choses Par leurs effets et par leurs causes.
Il faut qu’il ait ensuite des connaissances exactes sur la force, les intérêts et le caractère des peuples, qu’il sache leur histoire politique, et particulièrement leur histoire militaire ; il faut surtout qu’il connaisse les hommes, car les hommes à la guerre ne sont pas des machines ; au contraire, ils y deviennent plus sensibles, plus irritables qu’ailleurs, et l’art de les manier, d’une main délicate et ferme, fut toujours une partie importante de l’art des grands capitaines. A toutes ces connaissances supérieures, l’homme de guerre ajoutera les connaissances plus vulgaires, mais non moins nécessaires, de l’administrateur. […] Si vous ne rêvez pas vie militaire, si vous ne dévorez pas les livres et les plans de la guerre, si vous ne baisez pas les pas des vieux soldats, si vous ne pleurez pas au récit de leurs combats, si vous n’êtes pas mort presque du désir d’en voir et de honte de n’en avoir pas vu, quoique ce ne soit pas de votre faute, quittez vite un habit que vous déshonorez.
Aussi bien une grande partie de ceux qui haïssaient M. le cardinal se sont convertis par le dernier miracle qu’il vient de faire ; et si la guerre peut finir, comme il y a apparence de l’espérer, il trouvera moyen de gagner bientôt tous les autres. […] Aussi ce grand esprit qui n’a été occupé jusqu’à présent qu’à songer aux moyens de fournir aux frais de la guerre, à lever de l’argent et des hommes, à prendre des villes et à gagner des batailles, ne s’occupera désormais qu’à rétablir le repos, la richesse et l’abondance. […] Ces grands vaisseaux qui avaient été faits pour porter nos armes au delà du détroit ne serviront qu’à conduire nos marchandises et à tenir la mer libre, et nous n’aurons plus la guerre qu’avec les corsaires.
Ce fait est arrivé pendant la guerre de sept ans (de 1756 à 1763). […] Le prisonnier de guerre. […] Les Anglais, furieux, sortent de la salle, et la guerre contre l’Angleterre est proclamée. Cette guerre fut heureuse. […] La Lithuanie, alors barbare et païenne, était continuellement en guerre avec la Pologne.
Alors commence cette guerre intestine, et toujours subsistante dans les sociétés, entre les classes supérieures et les classes assujetties. […] Des aventuriers, rebut de républiques en guerre les unes contre les autres, des gens perdus de dettes et de crimes, et faisant métier de vendre leur bravoure au plus offrant. […] Pour conquérir l’indépendance par la guerre, il fallut neuf ans ; pour fonder le gouvernement par la politique, dix ans. […] Les nobles autrefois allaient seuls à la guerre ; Aujourd’hui je suis noble, et je défends ma terre. […] Est-ce être tout Romain qu’être chef d’une guerre Qui veut tenir aux fers les maîtres de la terre ?