Extraits des classiques français Dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles Accompagnés de notes et notices par Gustave Merlet professeur de rhétorique au lycée impérial Louis-le-Grand A l’usage de tous les établissements d’instruction cours moyens grammaire et enseignement spécial Première partie : prose Paris Librairie Classique de Ch. Fouraut et Fils 47, Rue Saint-André-des-Arts, 47 1870 Préface On a publié, sous des titres divers, bien des recueils analogues au nôtre, et l’on en publiera beaucoup d’autres encore ; car, outre que ces anthologies sont indispensables à la jeunesse, il est besoin, pour entretenir leur fraîcheur, de les renouveler avec les générations qui passent sur les bancs de nos écoles. Je n’en veux pour preuve que l’air un peu fané de tel gros bouquet cueilli jadis, vers le commencement du siècle, dans des terrains réputés classiques, et où l’ivraie pourtant ne manquait pas. Sans déprécier un ouvrage qui compte d’honorables services, il est permis de dire qu’il ne suffit plus à notre goût littéraire ; car en lisant ces pages, où apparaît comme un revenant habillé à la mode du premier Empire, on est parfois tenté de croire que des morceaux choisis ne sont pas toujours des morceaux de choix. Puisse-t-on ne point adresser ce reproche à nos essais, qui composent une collection de modèles appropriés à tous, les degrés de l’enseignement !
Combien, par la seule nouveauté des armes, l’assaut des faubourgs de Paris diffère de l’attaque des murs de Jérusalem et de celle du camp des Grecs ! […] Après les inimitables modèles que nous présente la Bible, comme la vie des patriarches, l’histoire de Joseph, celle de Tobie, la Passion du Sauveur, nous mentionnerons, chez les Grecs, les récits d’Hérodote et de Thucydide ; chez les Latins, Salluste, le premier des Romains qui appliqua l’éloquence à l’histoire, Tite-Live, dont le style est toujours tempéré, Tacite qui semble avoir un fer brûlant pour flétrir le vice et le crime, et les couleurs les plus suaves pour représenter la vertu ; chez nous, Bossuet qui s’élève souvent jusqu’au style sublime, et Mme de Sévigné dont le talent de narrer est connu de tout le monde.
Voici un exemple de ces dialogues vifs et concis que Corneille a très-heureusement imités de la scène grecque, où ils sont beaucoup plus multipliés que sur notre théâtre.
Voudrait-il insulter à la crainte publique, Et que le chef des Grecs, irritant les destins, etc.
Les poëtes grecs et latins surtout les multiplient, pour ainsi dire, avec profusion.
On croirait que vous seriez quelque Grec ou quelque Latin, et on ne s’aviserait jamais de penser que Paracelse était un philosophe suisse. […] —Une tempête sur la Méditerranée Le vent se modère, il tourne un peu pour nous ; nous fuyons, par un ciel gris et brumeux, vers le golfe de Damiette ; nous perdons de vue toute terre la journée, nous faisons bonne route ; la mer est douce, mais des signes précurseurs de tempête préoccupent le capitaine et le second : elle éclate au tomber du jour ; le vent fraîchit d’heure en heure les vagues deviennent de plus en plus montueuses ; le navire crie et fatigue ; tous les cordages sifflent et vibrent sous les coups de vent comme des fibres de métal ; ces sons aigus et plaintifs ressemblent aux lamentations des femmes grecques aux convois de leurs morts ; nous ne portons plus de voiles ; le vaisseau roule d’un abîme à l’autre, et chaque fois qu’il tombe sur le flanc, ses mâts semblent s’écrouler dans la mer comme des arbres déracinés, et la vague, écrasée sous le poids, rejaillit et couvre le pont.
Au milieu de sa contemplation, elle plonge sa main dans l’eau pour apaiser sa soif ; mais la séduisante image disparaît aussitôt et la jeune Grecque fait entendre des plaintes.
Des savants qui entendent mal le grec, et qui ne lisent point ce qu’on fait en français, vous dédaignent ou affectent de vous dédaigner.
Le mot style vient d’une expression latine (stylus) qui elle-même est dérivée d’un mot grec (stulos, petite colonne).