Écrivain juste, clair, exact, uni, probe comme sa pensée, il a l’expression ferme, nette, appropriée, simple sans bassesse, noble sans recherche ; il songe à instruire plus qu’à plaire, et nous émeut par la force pénétrante de la vérité. […] Il est d’une force à faire trembler les courtisans ; il frappe comme un sourd. » Il a introduit la didactique dans l’enseignement religieux.
« Un charme d’élocution continuel, dit-il, en parlant de Massillon, une harmonie enchanteresse, un choix de mots qui vont tous au cœur ou qui parlent à l’imagination ; un assemblage de force et de douceur, de dignité et de grâce, de sévérité et d’onction ; une intarissable fécondité de moyens se fortifiant tous les uns par les autres ; une surprenante richesse de développements ; un art de pénétrer dans les plus secrets replis du cœur humain ; de l’effrayer et de le consoler tour à tour ; de tonner dans les consciences et de les rassurer ; de tempérer ce que l’évangile a d’austère par tout ce que la pratique des vertus a de plus attrayant : c’est à ces traits que tous les juges éclairés ont reconnu dans Massillon un homme du très petit nombre de ceux que la nature fit éloquents ». […] Comment, ne pas suivre, ne pas aimer une religion qui descend à la faiblesse de l’homme, pour lui donner la force de s’élever jusqu’à elle ; qui compatit à ses infirmités, et ne lui impose rien qui excède la portée de ses moyens ? […] Au lieu de cette logiqne vigoureuse, de cette dialectique pressante de Bourdaloue, et de la foudroyante énergie de Bossuet, Massillon va nous présenter la raison dans sa grave et touchante simplicité, triomphant avec modestie des sophismes de l’impiété et du libertinage ; plaignant ses ennemis, et cherchant à les éclairer, à les encourager dans la recherche de la vérité, bien plutôt qu’à les accabler par la masse des preuves qui font sa force.
D’abord, il ne faut l’employer que quand l’obscurité et la nouveauté des doctrines, la variété et la force des objections qui peuvent leurs êtres opposés exigent que l’on évite ainsi la monotonie de la dissertation. […] « L’amplification, dit Cicéron, est une énergique exposition des choses, qui, en remuant l’âme, détermine la persuasion. » Et ailleurs : « C’est une manière de dire véhémente qui, par la force des paroles et l’énumération des circonstances, démontre ou la dignité et la grandeur, ou l’indignité et l’atrocité d’une action. » Et c’est en conséquence de cette double vertu qu’il distingue, avec Aristote, deux espèces d’amplification, celle qui agrandit et élève, et celle qui abaisse et atténue, quod valet, non solum ad augendum aliquid et tollendum allius dicendo, sed etiam ad extenuandum atque abjiciendum. […] — prend la parole pour la quatrième fois, et que, ramassant toutes ses forces, il prononce cette triomphante amplification, un des plus beaux monuments de l’éloquence ancienne et moderne.
Pour peu qu’il soit compliqué, il est bien rare qu’on puisse l’embrasser d’un coup d’œil, ou le pénétrer en entier d’un seul et premier effort : on ne peut donc trop s’en occuper ; c’est le seul moyen d’affermir, d’étendre et d’élever ses pensées : plus on leur donnera de substance et de force par la méditation, plus il sera facile de les réaliser ensuite par l’expression. » On peut être embarrassé de commencer son travail, soit parce qu’on entrevoit à la fois un grand nombre d’idées, soit parce que le sujet paraît aride, difficile, et qu’on ne trouve rien à dire. […] Les recueils de morceaux choisis ne manquent pas pour s’aider dans ce travail : c’est au maître à en régler l’application d’après la force et les facultés de l’élève. […] Il dépasse les forces de la puissance humaine ordinaire, et semble entrer en communication avec le ciel : c’est pour cela que ses productions atteignent l’idéal, et nous transportent d’admiration.
« S’il est écrit que je dois être exercé par toutes les traverses que ta rigueur m’annonce, tu ne veux pas apparemment que je succombe à ces chagrins ; donne-moi la force de les repousser, d’en soutenir l’excès par des compensations ; et, malgré tant de maux, je ne cesserai de chanter tes louanges. […] que celui qui veut me perdre se trompe sur moi, me croie un homme sans force, et s’abuse dans ses moyens ! […] Avouons-le de bonne foi, force n’est pas bonheur : il faut une vertu plus qu’humaine pour être heureux étant mésestimé ; mais je n’en ai que mieux goûté depuis combien l’estime publique est douce à recueillir.
Le même homme, sans doute, admirant ceux de ses semblables, qui, dans des occasions périlleuses, s’étaient signalés par leur force ou leur adresse, fit un récit pompeux de leurs actions, en y ajoutant même quelques circonstances vraisemblables, qui leur donnaient un plus grand éclat. […] Si le prosateur décrit un objet avec cette vérité, cette force, qui touche, remue, persuade ; si, par exemple, dans la vue de nous inspirer de l’horreur pour la flatterie, il nous en expose toute la bassesse, toute la lâcheté, toute la honte, et nous laisse intimement persuadés qu’elle ne doit jamais avilir notre âme ; ce prosateur sera éloquent.
Monsieur, Je viens d’apprendre la triste nouvelle de votre affliction ; et bien que je ne me promette pas de rien mettre en cette lettre qui ait grande force pour adoucir votre douleur, je ne puis toutefois m’abstenir d’y tâcher, pour vous témoigner au moins que j’y participe. […] Ce n’est pas que je veuille vous conseiller d’employer toutes les forces de votre résolution et constance pour arrêter tout d’un coup l’agitation intérieure que vous sentez ; ce serait peut-être un remède plus fâcheux que la maladie : mais je vous conseille aussi d’attendre que le temps seul vous guérisse, et beaucoup moins d’entretenir ou prolonger votre mal par vos pensées ; je vous prie seulement de tâcher peu à peu de l’adoucir, en ne regardant ce qui vous est arrivé que du biais qui vous le peut faire paraître le plus supportable, et en vous divertissant le plus que vous pourrez par d’autres occupations2.
Au milieu de tous ces fléaux de la nature, Fénelon travailla de toutes ses forces au soulagement de l’humanité souffrante, et mit en action les plus touchantes vertus qu’il recommandait chaque jour dans de consolantes paroles. […] Le sénat ne peut plus faire respecter les lois qu’il a violées ; tout est soumis à la force ; tout se fait par des soldats qui ne sont plus Romains, et qui se livrent à celui qui les paye le plus. […] Quand le soleil du midi embrase jusqu’à la tige l’herbe profonde et serrée des prairies ; quand les insectes bruissent avec force, et que la caille glousse avec amour dans les sillons, la fraîcheur et le silence semblent se réfugier dans les traînes. […] Le morceau que nous citons ici est écrit d’un style noble et harmonieux : il exprime avec force et grandeur la vanité des choses de ce monde, l’instabilité de la fortune et les consolations puissantes de la religion : nous le devons à M. […] L’exagération est poussée si loin, que cette peinture en est risible à force d’être extravagante.
Ajoutez que les anciens demandaient aussi à l’orateur de meubler sa mémoire d’un recueil de pensées, de réflexions, de sentences, qu’il pût appliquer à propos aux sujets à traiter, pour les embellir et leur donner de la force ; de se faire, en quelque sorte, une provision d’exordes et de péroraisons ; d’avoir même des discours entiers faits d’avance et préparés pour l’occasion, sauf à laisser en blanc, pour ainsi dire, les noms et les circonstances. […] Il y aurait, sans doute, inhabileté et maladresse à prétendre utiliser par la suite toutes ces esquisses, et les faire entrer de gré ou de force dans des tableaux réels. […] Voici l’analyse qui suit immédiatement : « Il force une terre à nourrir les productions d’une autre, un arbre à porter les fruits d’un autre ; il mêle et confond les climats, les éléments, les saisons ; il mutile son chien, son cheval, son esclave ; il bouleverse tout, il défigure tout ; il aime la difformité, les monstres ; il ne veut rien tel que l’a fait la nature, pas même l’homme ; il le faut dresser pour lui comme un cheval de manége ; il le faut contourner à sa mode comme un arbre de son jardin. » Massillon, dans son discours sur le petit nombre des élus, veut prouver que bien peu de chrétiens méritent le salut par leur innocence ; il parcourt tous les états, toutes les conditions, toutes les occupations de l’homme.