Trop de causes doivent concourir pour faire éclore ces âges d’or : une cour comme celle d’Auguste ou de Louis XIV, une démocratie comme celle d’Athènes, plus aristocrate par la finesse de ses organes et la délicatesse de son goût que l’aristocratie elle-même ; une certaine fermentation dont le principe nous échappe et qui fait germer à la fois une moisson d’esprits du premier ordre dans tous les genres1 ; du loisir pour attendre l’inspiration et ne travailler que sous son influence ; un amour de l’art pur généralement répandu ; un désir de gloire, d’avenir, d’immortalité, que les besoins du présent n’étouffent pas sous la nécessité de percer, de se faire connaître et de vivre. […] Prenez les plus connus de nos gens de lettres actuels, et transportez-les dans le milieu où vivaient la-Bruyère chez le prince de Conti, Racine à Versailles, Voltaire à Ferney ; qu’ils respirent le même air, qu’ils soient accueillis et fêtés du même monde, vous verrez bien que ce n’est pas le talent qui manque et l’esprit qui a baissé. […] La gloire ne sera jamais à l’avenir ce qu’elle était du temps d’Alexandre et de César : nous en connaissons trop la vanité ; le christianisme a trop fait planer l’idée de la mort sur nos courtes et terrestres immortalités.
Une merveilleuse sagacité psychologique assure à sa critique l’intérêt impérissable qui s’attache à toutes les œuvres où l’homme apprend à se connaître. […] Un vrai classique, comme j’aimerais à l’entendre définir, c’est un auteur qui a enrichi l’esprit humain, qui en a réellement augmenté le trésor, qui lui a fait faire un pas de plus, qui a découvert quelque vérité morale non équivoque, ou ressaisi quelque passion éternelle dans ce cœur où tout semblait connu et exploré ; qui a rendu sa pensée, son observation ou son invention, sous une forme, n’importe laquelle, mais large et grande, fine et serrée, saine et belle en soi ; qui a parlé à tous dans un style à lui, et qui se trouve aussi celui de tout le monde, dans un style nouveau, sans néologisme, nouveau et antique, aisément contemporain de tous les âges. […] Que l’admiration de nous à eux, des modernes aux vrais Anciens, à ceux qui ont le mieux connu le beau, s’entretienne de phare en phare, de colline en colline, et ne s’éteigne pas ; que l’enthousiasme de ce côté n’aille pas mourir, — ce serait une diminution du génie humain lui-même ; — non un enthousiasme crédule, aveugle et indigne d’eux comme de nous, mais un enthousiasme léger, clairvoyant, intelligent, divinateur et réparateur, qui n’est que l’émotion la plus délicate et la plus vivé en face de tant de belles choses, accomplies une fois en leur juste cercle et à jamais disparues1.
D’ordinaire un déclamateur fleuri ne connaît point les principes d’une saine philosophie. […] Tout homme qui ne connaît point Dieu qui est tout, et le néant de tout le reste, est un de ces sots qui admirent et qui envient un état très-misérable. […] Allusion à l’allégorie où Platon compare les hommes dont la Philosophie n’a pas encore éclairé l’ignorance à des prisonniers enchaînés au fond d’une caverne, le dos tourné à la lumière, et ne pouvant connaître rien de ce qui est entre le jour et eux, que par le passage des ombres projetées sur la paroi à demi éclairée de la caverne, qu’ils ont devant les yeux. […] Il connaissait bien ce pays. […] Il y connaît mieux que nous nos infirmités, lui qui n’a plus les siennes, et il demande les remèdes nécessaires pour notre guérison.
Il n’en résulte pas moins que ce discours, plein de force et de vérité, est un des plus beaux monuments de l’éloquence historique, et fait peut-être mieux connaître ce hardi conspirateur, que vingt pages de l’histoire la plus scrupuleusement fidèle. […] Voltaire, qui s’était surtout proposé, dans son Catilina, de faire connaître les personnages principaux de Rome, à l’époque de la conspiration, a fait parler le langage, et jouer à chacun d’eux le rôle que leur prête l’histoire. […] « Si je ne connaissais votre courage et votre fidélité, en vain l’occasion favoriserait-elle mes projets ; en vain l’espérance d’un vaste pouvoir s’offrirait-elle à mes vœux ; je ne hasarderais pas follement le certain pour l’incertain, si votre valeur ou votre constance, était douteuse pour moi. […] Ceux même qui ne le connaissaient pas pleureront Germanicus : vous le vengerez, vous !
L’auteur nous fait connaître, dans ce sujet à la fois simple et intéressant, tout ce qui se passe chez l’enfant à mesure qu’il grandit, tout ce qu’il éprouve depuis son entrée dans la vie, jusqu’au moment où il articule les noms de père et de mère. […] Bientôt étudie les lois de l’équilibre, il se traîne, il se lève, il chancelle, il trébuche, il se redresse, il marche, il saute, il court ; il mesure, il connaît les distances ; il cherche, il atteint ce qu’il désire. […] Les Synonymes Comme dans une langue il n’existe pas deux mots pour rendre la même idée, il est important de connaître la valeur de chaque expression pour savoir l’employer à propos ; et aucune étude n’est plus propre à nous instruire du bon choix des mots que celle des Synonymes de notre langue. […] Harmonie des Périodes Harmonie mesurée ou le nombre Comme l’harmonie dépend non seulement du choix et de la succession des mots, mais encore de la coupe et de l’enchaînement des phrases et des périodes, nous ferons d’abord connaître ce que c’est que la période.
Mais les détails qui concernent l’homme public et le philosophe, n’entrent point dans notre plan : il ne s’agit ici que de l’orateur, et nous allons tâcher de le faire connaître, en exposant ses qualités et les taches légères qui les déparent quelquefois. […] Personne n’a connu, comme lui, la force et le pouvoir des mots.
Mirabeau, dit un écrivain qui l’a bien connu, avait un grand caractère, des talents rares, quelquefois sublimes ; un choix unique d’expressions, une connaissance profonde du cœur humain : mais il était despote par essence, et, s’il eût gouverné un empire, il eût surpassé Richelieu en orgueil, Mazarin en politique. […] L’éloquence politique devait trouver nécessairement son terme dans celui des assemblées qui lui avaient ouvert une carrière, qu’elle eût fournie avec plus d’honneur encore, si elle en eût mieux connu, et plus sagement respecté les bornes.
C’est bien moins encore à lui à donner des leçons à ceux qui gouvernent : il y a un peu trop loin de la science qui étudie les hommes, du talent même qui les connaît, au grand art qui les gouverne ; et Thomas lui-même l’avait dit : « Le philosophe, par sa vie obscure, doit mieux juger les choses que les hommes ». […] C’est là que nous apprenons que, chez Corneille, la langue poétique ne connut pas ce trouble et ce désordre que répand sur elle le souffle orageux des passions, etc.
Il ne me reste, après cela, que de prier Dieu qu’il répande sa bénédiction sur l’étude que vous en ferez, qu’il vous préserve de cet esprit de curiosité qui se perd en voulant approfondir des questions vaines, inutiles ou même dangereuses, et qu’il vous inspire ce goût solide de la vérité, qui la cherche avec ardeur, mais avec simplicité, et qui s’occupe tout entier des vérités utiles, bien moins pour les connaître que pour les pratiquer. […] Il n’y a rien que l’homme connaisse moins que le bonheur de sa condition.