. — Le langage du cœur et le style du théâtre ont entièrement prévalu : ils ont embelli la langue française, mais ils en ont resserré les agréments dans des bornes un peu trop étroites. […] « Un homme s’éleva, qui fut à la fois plus passionné et plus correct ; moins varié, mais moins inégal ; aussi sublime quelquefois, et toujours noble sans enflure ; jamais déclamateur, parlant au cœur avec plus de vérité et plus de charmes. […] » Mais pour le petit nombre de ceux dont la tête est ferme, le goût délicat et le sens exquis, et qui comptent pour peu le ton, les gestes et le vain son des mots, il faut des choses, des pensées, des raisons ; il faut savoir les présenter, les nuancer, les ordonner : il ne suffit pas de frapper l’oreille et d’occuper les yeux, il faut agir sur l’âme, et toucher le cœur en parlant à l’esprit ».
ils sont ensevelis pour jamais dans une nuit profonde ; l’homme d’alors, replongé dans les ténèbres de l’ignorance, a, pour ainsi dire, cessé d’être homme1 : car la grossièreté, suivie de l’oubli des devoirs, commence par relâcher les liens de la société, la barbarie achève de les rompre ; les lois méprisées ou proscrites ; les mœurs dégénérées en habitudes farouches ; l’amour de l’humanité, quoique gravé en caractères sacrés, effacé dans les cœurs ; l’homme enfin sans éducation, sans morale, réduit à mener une vie solitaire et sauvage, n’offre, au lieu de sa haute nature, que celle d’un être dégradé au-dessous de l’animal. […] La fauvette à tête noire est de toutes les fauvettes celle qui a le chant le plus agréable et le plus continu : il tient un peu de celui du rossignol, et l’on en jouit plus longtemps ; car, plusieurs semaines après que ce chantre du printemps s’est tu, l’on entend les bois résonner partout du chant de ces fauvettes ; leur voix est facile, pure et légère, et leur chant s’exprime par une suite de modulations peu étendues, mais agréables, flexibles et nuancées : ce chant semble tenir de la fraîcheur des lieux où il se fait entendre ; il en peint la tranquillité, il en exprime même le bonheur : car les cœurs sensibles n’entendent pas sans une douce émotion les accents inspirés par la nature aux êtres qu’elle rend heureux. […] Rousseau a dit, en appliquant, d’après la Bible, ces mêmes idées aux herbes des champs : « L’or des genêts et la pourpre des bruyères frappaient mes yeux d’un luxe qui touchait mon cœur et me faisait souvent redire à moi-même : Non, Salomon, dans toute sa gloire, ne fut jamais vêtu comme l’un d’eux. » 2.
La Laitière et le Pot au lait et le Savetier et le Financier, que tout le monde sait par cœur, sont des chefs-d’œuvre de naïveté. — Une autre espèce de naïveté, qu’on nommerait mieux ingénuité, est celle qui convient aux récits destinés à l’enfance. […] Sans doute, la délicatesse est bien reçue à la place de la finesse, parce que ce qui intéresse le cœur est toujours plus agréable que ce qui exerce l’esprit. […] Pour dire que l’amour, le goût que nous avons pour une chose, nous la fait souvent trouver différente de ce qu’elle est en réalité, La Rochefoucauld, resserrant sa pensée, s’exprime en ces termes : L’esprit est souvent la dupe du cœur. […] On entend par froideur dans les ouvrages d’esprit, l’absence de vie, de chaleur, d’énergie, en un mot, de tout ce qui pourrait émouvoir le cœur ou flatter l’imagination. […] Partout où la nature présente un objet grand et majestueux, partout où le cœur humain laisse voir une affection noble et magnanime, si vous en saisissez fortement l’image, dit Blair, si vous la montrez dans toute sa chaleur et dans tout son éclat, vous rencontrerez le sublime.
Il cite comme exemple de paraphrase les vers d’Iphigénie : Ce destructeur fatal des tristes Lesbiens, Cet Achille, l’auteur de tes maux et des miens, Dont la sanglante main m’enleva prisonnière, Qui m’arracha d’un coup ma naissance et ton père, De qui jusques au nom tout doit m’être odieux, Est de tous les mortels le plus cher à mes yeux ; et comme exemple d’épiphrase les deux derniers vers de ce passage de Phèdre : Et puisse ton supplice à jamais effrayer Tous ceux qui, comme toi, par de lâches adresses, Des princes malheureux nourrissent les faiblesses, Les poussent au penchant où leur cœur est enclin, Et leur osent du crime aplanir le chemin, Détestables flatteurs, présent le plus funeste Que puisse faire aux rois la colère céleste ! […] « Mon père, dit Nieomède, pourra faire taire la nature dans son cœur, mais mes conquêtes parleront, elles parleront toujours, sans cesse ; quelque chose qui arrive, celles-là du moins ne se tairont pas. » Je ne vois là qu’un pléonasme de bon aloi. […] Molière dans Pourceaugnac, acte I, sc. 2, fait dire à un médecin que M. de Pourceaugnac est atteint et convaincu de la maladie qu’on appelle mélancolie hypocondriaque, « et qu’ainsi ne soit , ajoute le médecin, pour diagnostic incontestable de ce que je dis, vous n’avez qu’à considérer ce grand sérieux, etc. » La Fontaine, dans Belphégor : C’est le cœur seul qui peut rendre tranquille ; Le cœur fait tout, le reste est inutile ; Qu’ainsi ne soit, voyons d’autres états, etc.
C’est un des auteurs dont la lecture est le plus profitable non-seulement à l’esprit, mais au cœur. […] Et ainsi il faut suppléer par une attention toute particulière à cette corruption de notre esprit, et c’est une des manières dont nous devons pratiquer cet avertissement du Sage2 : « Appliquez-vous avec tout le soin possible à la garde de votre cœur » ; ce qui nous doit porter à veiller avec soin sur tout ce qui entre dans un vase si précieux. […] « Je suis ravie, dit-elle, du Traité des moyens de conserver la paix avec les hommes : il nous découvre ce que nous n’avons pas l’esprit de démêler ou la sincérité d’avouer » ; et plus loin elle nous apprend encore qu’elle fait tous ses efforts afin d’y profiter, résolue qu’elle est, pour balancer les fâcheux effets du temps qui fuit, de travailler à son cœur et à ses sentiments, et de regagner par les bonnes qualités ce qu’on perd en vieillissant du côté des agréables.
S’il a trop manqué de ces vertus civilisées qui décorent la bravoure dans un Catinat, il sut se faire aimer du soldat, et lui « mettre des ailes au talon, du cœur au ventre ». […] Fière contenance 1 J’estois encore si2 très extenué de ma maladie, et le froid estant grand et aspre, j’estois contrainct d’aller si enveloppé le corps et la teste de forrures3, que, quand l’on me voyoit aller par la ville, nul ne pouvoit avoir esperance de ma santé, ayant oppinion que j’estois gasté dans le cœur, et que je mourois à veue d’œil4 « Que ferons-nous, disoient les dames et les poureux5, car en une ville il y a d’ungs et d’autres6, que ferons-nous si notre gouerneur meurt ? […] Mon cœur.
Quand le cœur souffre, dit-elle, on se plaint à ceux qu’on aime. — Est-on parfaite ? […] — … Elle tombe ; mais en tombant un rayon céleste l’éclaire ; la vérité descend dans son cœur et d’une infidèle fait une chrétienne. […] Il invoque ensuite la tendresse qu’une famille a pour son aîné ; il en appelle aux cœurs des pères et mères. […] Notre cœur égaré, sans guide et sans soutien, est brûlé de désirs, ou glacé par la tristesse. […] Passion du sage, idole d’un cœur juste, que ton nom couronne ces pages ; il règne en souverain dans mon cœur, qu’il préside à mes vers : c’est toi qui m’as appris à connaître le bonheur et à le chanter.
Quand l’esprit est frappé des charmes de l’ordre et du beau, le cœur est plus susceptible de l’amour de l’honnête et du bon. Quand l’esprit se plaît à admirer les aimables et nobles traits qui caractérisent la vertu, le cœur est plus porté à l’aimer et à l’embrasser.
Stoïcien tendre, il justifia par son exemple ce mot excellent qui est de lui : « Les grandes pensées viennent du cœur. »Philosophe religieux par sentiment, il se conserva pur de toute contagion dans un siècle où la licence des mœurs atteignait les idées. […] Il disait ailleurs : « La vue d’un animal malade, le gémissement d’un cerf poursuivi dans les bois par les chasseurs, l’aspect d’un arbre penché sur la terre, et traînant ses rameaux dans la poussière, les ruines méprisées d’un vieux bâtiment, la pâleur d’une fleur qui tombe et se flétrit, enfin toutes les images du malheur des hommes réveillent la pitié d’une âme tendre, contentent le cœur, et plongent l’esprit dans une rêverie attendrissante. » 2.