Il y a l’ironie plaisante, à l’air paterne et bénin, qui joue avec sa victime et la tue innocemment par le ridicule ; on l’appelle quelquefois persiflage : — De ce bourbier vos pas seront tirés, Dit Pompignan, votre dur cas me touche. […] « Rougir d’un ami malheureux, c’est une faiblesse ; je me trompe, c’est une trahison ; je me trompe, c’est une lâcheté. » La licence. — C’est un air de liberté et de feinte rudesse que l’on prend pour faire passer un éloge qui, sans cela, pourrait paraître fade.
La naïveté du style consiste dans le choix de certaines expressions simples, pleines de molle douceur, et qui paraissent nées d’elles-mêmes plutôt que choisies, dans ces constructions faites comme par hasard ; dans certains tours rajeunis et qui conservent cependant encore un air de vieille mode. […] C’est ainsi que l’idylle, telle que nous l’entendons aujourd’hui, sans cesser d’être simple, doit être noble et élégante : Telle, aimable en son air, mais humble dans son style, Doit éclater sans pompe une élégante idylle.
L’on a vu jusqu’à présent comment les mots se joignent ensemble pour former un sens : les mots ainsi réunis font une phrase ou proposition 1 : la plus petite proposition doit avoir au moins deux mots, le sujet et le verbe, comme je chante, vous lisez, l’homme meurt : souvent le verbe a un régime, comme je chante un air, vous lisez une lettre, etc.
Elle a trop constamment un air grand et noble ; toujours mâle et soutenue dans l’enchaînement des sons, elle conserve une sorte de dignité sénatoriale dont il est difficile à un écrivain de la dépouiller entièrement. […] Il aime à l’excès la pompe et les ornements ; il ne lui suffit pas de s’exprimer d’une manière simple et claire, il faut toujours qu’il donne à son sujet un air de grandeur et de majesté. […] Ces additions à une phrase qui devrait être finie, la défigurent tout à fait ; elles lui donnent un air gauche et disgracieux, et surtout elles en rompent l’unité. […] Toutes nos phrases construites de cette manière seraient d’une uniformité fastidieuse, et produiraient un retour régulier des mêmes sons, dont l’effet inévitable serait de fatiguer l’oreille, et de donner au style un air maniéré. […] Il ne doit cependant pas nous échapper qu’une phrase où ces pauses et ces intervalles seraient d’une régularité trop sensible, aurait un air d’affectation qu’il faut soigneusement éviter.
Un effroyable cri, sorti du fond 1 des flots, Des airs en ce moment a troublé le repos : Et du sein de la terre une voix formidable Répond en gémissant à ce cri redoutable. […] Le ciel avec horreur voit ce monstre sauvage ; La terre s'en émeut, l'air en est infecté ; Le flot qui l'apporta recule 2 épouvanté. […] Telle, dans nos canaux pressée, Avec plus de force élancée, L'onde s'élève dans les airs ; Et la règle, qui semble austère, N'est qu'un art plus certain de plaire Inséparable des beaux vers. […] Aimable fleur, De l'amitié sois l'apanage ; Brille à sa cour ; que tes parfums Embaument l'air dans le parterre, Nous t'offrirons tous les matins Une eau limpide et salutaire. […] Une machine amène quelquefois le dénoûment avec succès : la princesse Armide, dans l'opéra du même nom, part sur un char volant et l'œil la suit encore dans les airs quand la toile tombe.
Sous ses idées fixes, sous ses paradoxes, sous ses jugements absolus, il y a du trait, du mordant, des vues hardies, neuves et profondes, l’accent d’une voix vibrante qui porte au loin, des airs de prophète qui lance la foudre. […] Pareillement ceux qui sont en l’air ; car le vol ne sauve l’aigle du trait de l’homme, combien que de loing il jette sa vend.
Prenez les plus connus de nos gens de lettres actuels, et transportez-les dans le milieu où vivaient la-Bruyère chez le prince de Conti, Racine à Versailles, Voltaire à Ferney ; qu’ils respirent le même air, qu’ils soient accueillis et fêtés du même monde, vous verrez bien que ce n’est pas le talent qui manque et l’esprit qui a baissé. […] Dans sa correspondance avec Atticus, on le voit sans doute quelquefois abattu, découragé, ne sachant quel parti prendre entre César entouré de tous les mauvais sujets de Rome, et Pompée affectant des airs de Sylla.
Non loin de lui, et avec le regret d’être séparé d’un ami si cher, Horace présiderait à son tour (autant qu’un poëte et qu’un sage si fin peut présider) le groupe des poëtes de la vie civile et de ceux qui ont su causer quoiqu’ils aient chanté : Pope, Despréaux, l’un devenu moins irritable, l’autre moins grondeur ; Montaigne, ce vrai poëte, en serait, et il achèverait d’ôter à ce coin charmant tout air d’école littéraire. […] Sur la même colline que Virgile, et un peu plus bas, on verrait Xénophon, d’un air simple qui ne sent en rien le capitaine, et qui le fait plutôt ressembler à un prêtre des Muses, réunir autour de lui les attiques de toute langue et de tout pays : les Addison, les Pellisson, les Vauvenargues, tous ceux qui sentent le prix d’une persuasion aisée, d’une simplicité exquise, et d’une douce négligence mêlée d’ornement.
Il admet les tours gaulois qui semblent conserver encore cet air sans façon que nous supposons volontiers à nos pères, parce que nous nous croyons plus fins qu’eux. […] Le triolet suivant renferme les règles et l’exemple : Pour construire un bon triolet, Il faut observer ces trois choses, Savoir : que l’air en soit follet, Pour construire un bon triolet ; Qu’il rentre bien dans le rôlet, Et qu’il tombe au vrai lieu des pauses : Pour construire un bon triolet Il faut observer ces trois choses.