Le propre d’une image, c’est de peindre un objet sous des traits qui ne sont pas les siens, mais ceux d’un objet analogue. […] On tombe dans ce défaut lorsqu’on court après les traits brillants et qu’on veut à tout prix dire du piquant ou du nouveau. […] Le sublime est un trait rapide comme la foudre, mais qui renverse tout sur son passage. […] Voici une métaphore où les traits de l’image sont mieux en harmonie. […] Ces contrastes servent beaucoup à faire ressortir les traits principaux des personnages que l’on veut faire connaître.
Celui-ci1 passe Juvénal, atteint Horace, semble créer les pensées d’autrui et se rendre propre tout ce qu’il manie ; il a, dans ce qu’il emprunte des autres, toutes les grâces de la nouveauté et tout le mérite de l’invention ; ses vers forts et harmonieux, faits de génie quoique travaillés avec art, pleins de traits et de poésie, seront lus encore quand la langue aura vieilli, en seront les derniers débris ; on y remarque une critique sûre, judicieuse et innocente, s’il est permis du moins de dire de ce qui est mauvais qu’il est mauvais. […] Molière et Boileau ont également çà et là des traits hardis contre leur siècle. […] On suppose que les principaux traits de ce caractère s’appliquent au maréchal de Villeroi, dont Saint-Simon dit : « Incapable de toute affaire, même d’en rien comprendre par delà l’écorce… il se piquait néanmoins d’être fort honnête homme ; mais comme il n’avait point de sens, il montrait la corde fort aisément… On n’y trouvait qu’un tissu de fatuité, de recherche et d’applaudissement de soi, de montre de faveur et de grandeur de fortune. » (Chap. 392.) […] Les traits rassemblés dans ce portrait semblent convenir au grand Condé, dont le petit-fils avait La Bruyère pour précepteur. […] Régnier, dans sa troisième satire, a fait du courtisan un tableau dont plusieurs traits se rapprochent de ceux-ci.
Les épithètes (de ἐπιτίθημι, ajouter) sont des adjectifs que l’on ajoute aux substantifs pour leur donner plus de force, plus d’élévation et de noblesse ; quelque chose de plus gracieux, de plus délicat, de plus touchant ; quelque singularité piquante, une couleur plus riante et plus vive, des traits plus sensibles aux yeux de l’intelligence et de l’imagination. […] La périphrase ne doit être employée que pour exprimer une idée par des traits plus distincts et plus sensibles, ou la présenter sous des couleurs plus vives et plus gracieuses. […] La description consiste à peindre sous les plus vives couleurs les attributs ou qualités principales d’une chose, à en reproduire les traits les plus saillants, les circonstances qui ajoutent le plus d’intérêt à l’objet que l’on décrit. […] Les détails sont si bien choisis et tous les traits si bien exprimés, que le lecteur se sent réellement transporté au milieu de cette scène d’horreur. […] Toutes les circonstances en sont décrites de la manière la plus sensible et la plus propre à nous émouvoir : ce roi chargé d’années, qui revêt son armure quand on lui annonce que l’ennemi est maître de la ville ; la rencontre des membres de sa famille, qui vont se réfugier au pied d’un autel élevé au centre du palais, et contraignent l’auguste vieillard, malgré sa bouillante ardeur, à se réfugier avec eux dans cet asile sacré ; l’indignation de ce roi à la vue de Pyrrhus qui égorge l’un de ses fils ; le trait qu’il lui lance d’une main faible et tremblante ; la brutale fureur de Pyrrhus ; la manière dont il massacre ce vénérable vieillard : tous ces traits sont peints avec un talent inimitable.
Ici la précision rassemble en un seul et même trait tout ce qui pouvait exprimer une grande idée ; et tous les détails possibles ne donneraient pas une idée plus vive et plus juste de la destruction totale d’une grande ville. Aussi Voltaire, en transportant ce trait dans sa Henriade, s est-il bien gardé de l’affaiblir en voulant l’étendre : Dans sa course d’abord il (l’Amour) découvre avec joie Le faible Simoïs, et les champs où fut Troie. […] Lucain, voulant peindre l’abattement muet et la consternation profonde qui régnaient dans Rome, aux approches de la guerre civile, n’emploie qu’un trait ; et ce trait est sublime par sa précision : Erravit sine voce dolor.
Il sait conter et animer un récit par des traits agréables. […] Confucius l’a dit ; suivons tous sa doctrine ; Pour la persuader aux peuples de la Chine, Il leur contait le trait suivant : Dans une ville de l’Asie Il existait deux malheureux, L’un perclus, l’autre aveugle, et pauvres tous les deux : Ils demandaient au ciel de terminer leur vie ; Mais leurs cris étaient superflus ; Ils ne pouvaient mourir. […] Trait charmant de vérité.
C’est qu’il cherchait à rendre le mieux possible un trait de lumière isolé partant d’un centre radieux. […] Le trait frappe et fait blessure. […] C’est un éclair qui brille sans qu’on l’attende, c’est un trait qui frappe avant qu’on l’ait vu dans l’air. […] Par des traits redoublés elle terrasse son adversaire et l’empêche de se relever. […] — Le sublime d’expression ou de trait. — Le sublime d’image.
Tout ouvrage qui n’est qu’une collection de sentences et de traits d’esprit a toujours quelque chose de décousu ; il semble composé non de membres joints l’un à l’autre, mais de pièces et de morceaux, e singulis non membres, sed frustis collata, dit Quintilien. Et il ajoute : « Les traits d’esprit isolés sont comme ces corps de figure ronde qui ne peuvent jamais, quelque effort qu’on fasse, s’emboîter parfaitement et cadrer avec précision, illa rolunda et undique circumcisa insistere invicem nequeunt. » Je suis loin assurément de proscrire les pensées détachées, les maximes, ce que les Grecs appelaient apophthegmes, enthymèmes, épiphonèmes, et les Latins sententiœ. […] L’abbé Maury, dans son Essai sur l’éloquence de la chaire, fait assez bien ressortir la diversité d’action produite sur notre âme, d’un côté par un trait brusque et inattendu qui la surprend et la frappe, et de l’autre, par un coup non moins décisif, mais préparé de longue main, qui lui laisse une profonde et durable impression. […] Et dans cette nuit profonde, un seul trait de lumière a jailli : Voilà le parti des réprouvés !
Je voudrais avoir eu assez de bonheur et assez de bonnes qualités pour qu’il leur plût de citer souvent à leurs nouveaux amis quelque trait de ma bonne humeur, ou de mon bon sens, ou de mon bon cœur, ou de ma bonne volonté, et que ces citations rendissent tous les cœurs plus gais, mieux disposés et plus contents. […] « Il n’y a qu’un pécheur larmoyant qui ait pu appeler la mort un squelette, dit, dans l’Intrigue et l’amour de Schiller, l’héroïne de la pièce, Louise, se préparant au suicide et l’excusant d’avance ; c’est un doux et aimable enfant, au visage rose comme le dieu de l’amour, mais moins trompeur ; un génie silencieux et secourable, qui offre son bras à l’âme fatiguée du pèlerin, qui la fait monter sur les degrés du temps, lui ouvre le magique palais, lui fait un signe amical et disparaît. » Cette définition de la mort ressemble, trait pour trait, à celle qu’en fait le P. […] L’absence mystérieuse a rajeuni ses traits, épuré son regard, adouci sa parole, élevé son âme.