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30. (1867) Rhétorique nouvelle « Troisième partie. la rhétorique » pp. 194-

Aussitôt qu’il eut porté de rang en rang l’ardeur dont il était animé, on le vit presque en même temps pousser l’aile droite des ennemis, soutenir la nôtre ébranlée, rallier le Français à demi vaincu, porter partout la terreur et étonner de ses regards étincelants ceux qui échappaient à ses coups. » Voltaire. — « Ce fut lui qui, avec de la cavalerie, attaqua cette infanterie espagnole jusque-là invincible, aussi forte, aussi serrée que la phalange ancienne si estimée, et qui s’ouvrait avec une agilité que la phalange n’avait pas, pour laisser passer la décharge de dix-huit canons qu’elle contenait. […] C’est Condé lui-même qu’elle nous montre se multipliant sur le champ de bataille, frappant l’ennemi de l’épée et du regard et décidant seul le succès de la journée. […] Mais si l’orateur ne se présentait pas en public déjà échauffé par la méditation de son sujet, si la vue du tribunal, la présence de son client, les regards de la foule attachés sur lui le laissaient froid et indifférent, soyez bien convaincus que ses intentions les plus heureuses n’aboutiraient qu’à des jeux de scène manqués ou ridicules. […] Et cela, juges, la veille des comices, quand il disputait à son rival la première charge de l’État, dans ce moment critique (car vous savez, juges, combien un candidat est timide et inquiet, et pat quelles angoisses nous fait passer la poursuite du consulat), dans ce moment, dis-je, où tout nous effraye, non-seulement le blâme hautement manifesté, mais le murmure secret de l’improbation, dans ce moment où bruits fâcheux, contes mensongers, si vagues, si légers, si imperceptibles qu’ils soient, nous donnent le frisson, où nous étudions avec anxiété jusqu’aux physionomies, jusqu’aux regards de la foule !  […] Quelqu’un disait d’un acteur qui avait le regard fixe et concentré qu’il tournait le dos au public.

31. (1882) Morceaux choisis de prosateurs et de poètes des xviii e et xix e siècles à l’usage de la classe de rhétorique

Ils portent leurs regards au-delà, et, d’un œil anxieux, cherchent à percer les obscurités de l’avenir. […] Dès que le Régent ouvrit la bouche sur cette affaire, M. le Duc109 m’avait jeté un regard triomphant, qui pensa démonter tout mon sérieux, qui m’avertit de le redoubler et de ne m’exposer plus à trouver ses yeux sous les miens. […] Il donne des logements dans le Louvre, sous cette longue galerie qui est son ouvrage, à des artistes en tous genres, qu’il encourageait souvent de ses regards comme par des récompenses. […] La cadette, placée entre la fenêtre et le lit, ne saurait se persuader qu’elle n’a plus de père : elle est penchée vers lui ; elle semble chercher ses derniers regards ; elle soulève un de ses bras, et sa bouche entr’ouverte crie : « Mon père ! […] Les feux de l’aurore ne sont pas si doux que les premiers regards de la gloire.

32. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XI. du corps de l’ouvrage. — narration, description  » pp. 146-160

Pour l’une comme pour l’autre, il faut faire un choix dans l’ensemble des objets, déterminer les points les plus saillants, les plus utiles ; à moins qu’il n’y ait quelque circonstance dominante et qui appelle tout d’abord les regards, distribuer le tout par groupes, le ciel, le terrain, les eaux, puis le feuillage et les fabriques, ou encore d’après les impressions des sens, les formes, les couleurs, les bruits, les odeurs ; si le sujet est vaste, préférer en général l’opposition des contrastes aux rapprochements des harmonies, les masses aux détails, et là même où les détails sont de mise, se restreindre à ceux qui ont un caractère assez tranché pour frapper l’esprit. […] Ces flambeaux, ce bûcher, cette nuit enflammée, Ces aigles, ces faisceaux, ce peuple, cette armée, Cette foule de rois, ces consuls, ce sénat, Qui tous de mon amant empruntaient leur éclat ; Cette pourpre, cet or, que rehaussait sa gloire, Et ces lauriers encor témoins de sa victoire : Tous ces yeux qu’on voyait venir de toutes parts Confondre sur lui seul leurs avides regards… Dans le sac de Troie, Andromaque ne voit que Pyrrhus, le suit partout des yeux, et à mesure qu’elle le suit, les objets se lèvent en quelque sorte, mais vagues et confus, autour du meurtrier d’Hector, dont les traits seuls sont fermes et bien accusés : Songe, songe, Céphise, à cette nuit cruelle Qui fut pour tout un peuple une nuit éternelle ; Figure-toi Pyrrhus, les yeux étincelants, Entrant à la lueur de nos palais brûlants, Sur tous mes frères morts se faisant un passage, Et de sang tout couvert, échauffant le carnage.

33. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Deuxième partie. Rhétorique. — Chapitre III. — Disposition »

ni la garde qu’on fait toutes les nuits sur le mont Palatin, ni les soldats distribués pour veiller la sûreté de la ville, ni l’effroi répandu parmi le peuple, ni le concours de tous les bons citoyens, ni l’appareil redoutable de ce lieu auguste, ni le visage et le regard irrité des sénateurs, ne font aucune impression sur toi ! […] Aussitôt qu’il eut porté de rang en rang l’ardeur dont il était animé, on le vit presque en même temps pousser l’aile droite des ennemis, soutenir la nôtre ébranlée, rallier les Français à demi vaincus, mettre en fuite l’Espagnol victorieux, porter partout la terreur, et étonner de ses regards étincelants ceux qui échappaient à ses coups.

34. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Saint-Simon, 1675-1755 » pp. 223-233

Son effrayante clairvoyance arrache tous les masques, perce de ses regards toutes les physionomies, met l’homme à découvert. […] La princesse prit à sa toilette son écharpe et ses coiffes, debout et d’un air délibéré, traversa la chambre, les yeux à peine mouillés, mais trahie par de curieux regards lancés de part et d’autre à la dérobée, et, suivie seulement de ses dames, gagna son carrosse par le grand escalier.

35. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Joubert, 1754-1824 » pp. 388-398

« Il est des esprits méditatifs et difficiles qui sont distraits dans leurs travaux par des perspect ves immenses et les lointains du beau céleste, dont ils voudraient mettre partout quelque image ou quelque rayon, parce qu’ils l’ont toujours devant la vue, même alors qu’ils n’ont rien devant les yeux ; esprits amis de la lumière, qui, lorsqu’il leur vient une idée à mettre en œuvre, la considèrent longuement et attendent qu’elle reluise, comme le prescrivait Buffon, quand il définissait le génie l’aptitude à la patience ; esprits qui ont éprouvé que la plus aride matière et les mots même les plus ternes renferment en leur sein le principe et l’amorce de quelque éclat, comme ces noisettes des fées, où l’on trouvait des diamants, quand on en brisait l’enveloppe, et qu’on avait des mains heureuses ; esprits qui sont persuadés que ce beau dont ils sont épris, le beau élémentaire et pur, est répandu dans tous les points que peut atteindre la pensée, comme le feu dans tous les corps ; esprits attentifs et perçants qui voient ce feu dans les cailloux de toute la littérature, et ne peuvent se détacher de ceux qui tombent en leurs mains qu’après avoir cherché longtemps la veine qui le recélait, et l’en avoir fait soudainement jaillir ; esprits qui ont aussi leurs systèmes, et qui prétendent par exemple, que voir en beau et embellir, c’est voir et montrer chaque chose telle qu’elle est réellement dans les recoins de son essence, et non pas telle qu’elle existe aux regards des inattentifs, qui ne considèrent que les surfaces ; esprits qui se contentent peu, à cause d’une perspicacité qui leur fait voir trop clairement et les modèles qu’il faut suivre et ceux que l’on doit éviter ; esprits actifs, quoique songeurs, qui ne peuvent se reposer que sur des vérités solides, ni être heureux que par le beau, ou du moins par ces agréments divers qui en sont des parcelles menues et de légères étincelles ; esprits bien moins amoureux de gloire que de perfection, qui paraissent oisifs et qui sont les plus occupés, mais qui, parce que leur art est long et que la vie est toujours courte, si quelque hasard fortuné ne met à leur disposition un sujet où se trouve en surabondance l’élément dont il ont besoin et l’espace qu’il faut à leurs idées, vivent peu connus sur la terre, et y meurent sans monument, n’ayant obtenu en partage, parmi les esprits excellents, qu’une fécondité interne et qui n’eut que peu de confidents. » 1. […] L’absence mystérieuse a rajeuni ses traits, épuré son regard, adouci sa parole, élevé son âme.

36. (1867) Rhétorique nouvelle « Tableau des figures » pp. 324-354

Voilà la première victime sur laquelle j’appelle vos regards et votre intérêt. » L’exclamation. — Quand la pitié, la haine, la colère, le mépris, la douleur remplissent l’âme de l’orateur, ces sentiments débordent en cris passionnés, en interpellations violentes. […] A une heure du matin, vous êtes descendu sans bruit de votre mansarde ; vous avez pénétré à l’aide d’une fausse clef dans la chambre de votre victime ; vous vous êtes approché doucement du lit où dormait la pauvre femme ; vous vous êtes penché sur elle pour vous assurer de son sommeil ; vous êtes allé ensuite à la fenêtre ; vous avez pris un foulard qu’elle y avait pendu… » Et il continue, dardant son regard sur l’accusé, accompagnant d’un geste terrible chaque détail de son récit imaginaire.

37. (1881) Morceaux choisis des classiques français des xvie , xviie , xviiie et xixe siècles, à l’usage des classes de troisième, seconde et rhétorique. Poètes

» Ainsi parloit Amour avec grand’violence ; Puis nous teusmes tous deux, attendant la sentence De Raison, qui vers nous son regard adressa : Vostre débat, dist-elle, est de chose si grande, Que pour le bien juger plus long terme il demande, Et, finis ces propos, en riant nous laissa.

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