La Fontaine fait frissonner à la peinture de Borée, qui Se gorge de vapeurs, s’enfle comme un ballon, Fait un vacarme de démon, Siffle, souffle, tempête et brise en son passage Maint toit qui n’en peut mais, fait périr maint bateau, Le tout au sujet d’un manteau. […] Chateaubriand, en décrivant le spectacle d’une belle nuit dans les déserts du Nouveau-Monde, peint avec perfection le retentissement immensément prolongé dans le lointain du bruit de la cataracte du Niagara : « Tout était silence et repos, hors la chute de quelques feuilles, le passage brusque d’un vent subit, les gémissements rares et interrompus de la hulotte ; mais au loin, par intervalles, on entendait les roulements solennels de la cataracte du Niagara, qui, dans le calme de la nuit, se prolongeaient de désert en désert, et expiraient à travers les déserts solitaires. » Delille représente parfaitement le bruit que fait le moulin pour réduire le café en poudre : Moi seul contre la noix qu’arment ses dents de fer, Je fais en le broyant crier son fruit amer.
Ne sont-ce pas bien là ces outres d’Éole, qui, gonflées de vapeurs, occupent un espace immense, et se réduisent insensiblement à rien, lorsqu’une simple piqûre d’épingle a ouvert un libre passage à l’air qui les remplissait ?
On peut rapprocher ce passage de quelques idées de Bossuet (dans sa lettre sur l’éducation du grand Dauphin) : ce grand homme voulait aussi que l’éloquence « ne fût pas une discoureuse, dont les paroles n’ont que du son ; qu’elle ne fût pas enflée et vide de choses, mais saine et vigoureuse ; qu’elle ne fût pas fardée, mais qu’elle eût un teint naturel et une vive couleur, et, pour tout éclat, celui qui sort de la vérité même ».
Villemain dans l’éloquent morceau sur Pascal que contiennent ses Mélanges, le passage où cet écrivain décrit avec une admirable énergie la longue et étrange guerre de la violence et de la vérité… Démosthène, Chrysostome ou Bossuet, inspirés par la tribune, ont-ils rien de plus fort et de plus sublime que ces paroles jetées à la fin d’une lettre polémique ?
Si vous touchez un cloporte cheminant sur un papier, il s’arrête et fait le mort ; de même, cet homme s’interrompait au milieu de son discours et se taisait au passage d’une voiture, afin de ne pas forcer sa voix. […] Comment le tombeau, où nous t’avons vu reposer tranquillement, a-t-il brisé ses pesantes barrières de marbre pour t’ouvrir un passage ? […] Les chiens aboient à grands cris, s’attroupent et ferment le passage au féroce animal. […] Si elle rencontre un mur élevé, un édifice quelconque qui s’oppose à son passage, elle s’arrête, elle amoncelle devant l’obstacle ses torrents noirs et bitumineux, et l’ensevelit enfin sous ses vagues brûlantes. […] Celle de la mer qui se referme après le passage d’un vaisseau, comme les rangs d’une armée après le sillon du boulet, est un peu courte et n’est là qu’à titre d’ornement.
Trois groupes distincts de mécontents s’accusent davantage de jour en jour : les libertins, compagnons de plaisirs de Vendôme et de Chaulieu, se rattachant aux philosophes du seizième siècle par Saint-Évremond, Bayle, Gassendi ; l’opposition bourgeoise, gallicane et janséniste, qui a son centre au Parlement de Paris ; enfin, à la cour même, l’opposition, « dont Saint-Simon est le héraut bruyant, dont le duc de Bourgogne est l’espoir, dont Fénelon est le conseiller secret et le théoricien8. » A peine Louis XIV est-il mort que deux faits au besoin nous avertiraient qu’une époque nouvelle a commencé, époque où ne domine d’abord que le souvenir du mal souffert : le testament du roi est annulé, et la joie du peuple éclate avec inconvenance sur le passage du convoi funèbre. […] Si on a reproché, avec quelque raison, à Diderot d’avoir traité des arts à un point de vue trop exclusivement littéraire, de s’être plu aux fantaisies, aux digressions, d’avoir fait trop souvent de ses impressions personnelles la mesure de ses jugements, il est impossible de lui refuser un sens remarquable de la forme et de la couleur, toutes sortes d’idées justes et neuves, l’art enfin de traduire ce qu’il a devant les yeux dans une langue pittoresque et vivante. « Ce style, dit Sainte-Beuve, en ses passages les plus rapides, est savant, nombreux, plein de ces effets d’harmonie qui correspondent aux nuances les plus secrètes du sentiment et de la pensée.
» Sachez que le Dieu qui vous conduit marchera lui-même devant vous, comme un feu dévorant qui consume tout sur son passage.
Comparez les beaux passages de Rousseau et de Chateaubriand sur le même sujet.