Je réponds qu’il n’est pas rare qu’on délibère sur des intérêts actuels, et que, si le jugement porte toujours sur le passé, il en est fort souvent de même de l’éloge ou du blâme, qui ne sont en définitive qu’une espèce de jugement, sauf la sanction pénale ; d’où il suit aussi qu’il y a presque toujours du démonstratif, c’est-à-dire de l’éloge ou du blâme dans le judiciaire et même dans le délibératif ; que le délibératif, en traitant de l’honnête, peut par la même aborder le vrai et le juste aussi bien que le judiciaire ; que si le beau du démonstratif est purement artistique, c’est resserrer le genre dans des bornes trop étroites ; s’il est moral, il rentre dans le vrai, le juste et l’honnête des deux autres genres ; que, tandis que les deux premiers ont un double élément, d’une part, la destination des œuvres oratoires à telle ou telle tribune, de l’autre la nature des idées, le démonstratif n’a que ce dernier, ce qui jette une sorte de confusion dans la division ; que d’ailleurs si cette division pouvait paraître complète dans l’antiquité, elle ne l’est pas pour nous, car à quel genre rattacher l’éloquence de la chaire, qui n’a assurément rien de judiciaire, qui peut passer pour un mélange du délibératif et du démonstratif, sans être absolument ni l’un ni l’autre, et dont il serait peut-être mieux de faire un quatrième genre que l’on pourrait nommer protreptique ou hortatif ?
Toutes les compositions en prose peuvent se partager en cinq genres, savoir : 1° Le genre oratoire, ou l’éloquence ; 2° Le genre historique ; 3° Le genre didactique ou philosophique ; 4° Le genre du roman ; 5° Le genre épistolaire.
Massillon 1663-1742 [Notice] Né à Hyères, en Provence, dans une contrée qui fut la patrie de poëtes ou d’orateurs distingués ; entré en 1681 dans la savante congrégation de l’Oratoire ; devenu professeur de rhétorique au séminaire de Saint-Magloire ; plus effrayé qu’enhardi par ses premiers succès, Massillon parut quand Bourdaloue terminait sa carrière.
Pourquoi donc ce triomphe si constant, si universel, dans le cours de sa carrière oratoire ?
Mais il nous reste de Cicéron plusieurs morceaux oratoires célèbres, dans le genre du panégyrique : ce sont les éloges de Pompée, dans le discours pour la loi Manilia, et celui de César, dans le remerciement que lui adresse l’orateur, au sujet du rappel de Marcellus.
La manière dont ce motif oratoire est conçu et exécuté, cette continuité de souffle, cette supériorité de ton, cette verve d’ironie et de gaieté composent un morceau d’éloquence digne d’être rapproché des Provinciales.
On lui sait gré de ce mouvement qui rentre dans les mœurs oratoires, et nous fait aimer davantage un grand poète, privé de la vue et malheureux. […] Ces mots ; puisque j’ai commencé, quoique je ne sois que cendre et poussière, pardonnez si j’ose encore parler, je ne parlerai plus que cette fois , ne sont-ils pas de véritables précautions oratoires, des formules convenables d’hommage et de soumission ? […] L’interrogation hautaine, et la commination éhontée sont les mouvements oratoires par lesquels il commence : Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?
Cette partie se traite ou dans le genre simple et familier, ou dans le genre oratoire ; autrefois c’était le familier, aujourd’hui c’est l’oratoire.