Voltaire se charge de nous l’expliquer lui-même : « Ce qu’on appelle esprit, dit-il, est tantôt une comparaison nouvelle, tantôt une allusion fine ; ici, l’abus d’un mot qu’on présente dans un sens, et qu’on laisse entendre dans un autre ; là, un rapprochement délicat entre deux idées communes ; c’est une métaphore singulière ; c’est une recherche de ce qu’un objet ne présente pas d’abord, mais de ce qui est en effet dans lui ; c’est l’art, ou de réunir deux choses éloignées, ou de diviser deux choses qui paraissent se joindre, ou de les opposer l’une à l’autre ; c’est celui de ne dire qu’à moitié sa pensée pour la laisser deviner. » Lorsque Voltaire parlait ainsi, c’est qu’il avait remarqué dans les différents écrivains épistolaires ces traits caractéristiques de l’esprit, et dont nous allons citer quelques exemples pour mieux faire comprendre en quoi consiste cette qualité.
Charles XII, roi de Suède Charles XII éprouva ce que la prospérité a de plus grand et ce que l’adversité a de plus cruel, sans avoir été amolli par l’une ni ébranlé par l’autre.
Avestissement. Ce Cours gradué de Versions latines n’est, comme le Cours de Thèmes latins qui l’a précédé, que la syntaxe appliquée et pour ainsi dire en action. Il en suit le développement pas à pas, sans rien donner à l’inconnu, et ne présente jamais d’autres difficultés grammaticales que celles que l’élève peut résoudre à l’aide des règles précédemment étudiées(1). Tout le monde sait que les livres latins, même les plus élémentaires, qu’on fait expliquer aux commençants, sont loin de remplir cette condition. Cornélius Népos et Phèdre n’ont pas pris soin de graduer les difficultés de leur texte conformément à l’ordre de Lhomond ou de tout autre grammairien.
On donne souvent plus d’étendue au syllogisme oratoire en y ajoutant deux autres propositions, dont l’une sert de preuve à la majeure, et l’autre à la mineure, quand elles en ont besoin. […] C’est abuser des mots que de passer du sens collectif au sens distributif, ou réciproquement, et de dire, par exemple : L’homme pense ; or, l’homme est composé de corps et d’âme : donc le corps et l’âme pensent ; car il suffit, pour attribuer en général la pensée à l’homme, qu’il pense selon l’une de ses parties ; mais il ne s’ensuit nullement qu’il pense selon l’autre, etc. […] Si donc, comme on le voit, il ne s’est enrichi par aucun de ces moyens, ou il a chez lui quelque mine d’or, ou il est arrivé à la fortune par des voies illégitimes179. » Les anciens distinguent deux sortes de subjections, l’une, qu’ils appellent proprement de ce nom, et par laquelle l’orateur interroge les autres, afin de répondre pour eux ; l’autre, qu’ils nomment ratiocinatio, et par laquelle il s’entretient avec lui-même : « Nos ancêtres ont eu raison de ne jamais ôter la vie à un roi vaincu et fait prisonnier. […] C’est donc cette figure, et non la litote qui est opposée à l’hyperbole ; ôtez à l’une, ajoutez à l’autre, vous aurez la vérité. […] Bossuet emploie ce tour à la fin de l’oraison funèbre de la reine d’Angleterre : « Combien de fois a-t-elle remercié Dieu humblement de deux grandes grâces ; l’une de l’avoir fait chrétienne ; l’autre… Messieurs, qu’attendez-vous ?
L’une, qui s’attache au vice et au scandale ; c’est celle de Juvénal : l’autre est celle d’Horace, qui prend plutôt pour sujet les travers et les ridicules de l’humanité.
8° Harmonie Comme nous avons suffisamment expliqué, au sujet des qualités de la phrase, en quoi consiste l’Harmonie, l’une des plus agréables qualités du style, nous renvoyons à la page 17 [Première partie, chapitre I, section IV].
— Tantôt plus, tantôt moins : le mal est que toujours (Et sans cela nos gains seraient assez honnêtes), Le mal est que dans l’an s’entremêlent des jours Qu’il faut chômer ; on nous ruine en fêtes : L’une fait tort à l’autre ; et monsieur le curé De quelque nouveau saint charge toujours son prône.
C’est que sa vie et ses discours se confondent : l’une ajoute aux autres la force des exemples.