Lorsqu’il ne s’agit que d’exposer un fait, de tracer un tableau rapide, de s’abandonner à un sentiment, dans certaines questions même politiques ou judiciaires, il arrive quelquefois que les développements se présentent à l’imagination en même temps que l’idée première, et marchent de front avec elle, ou en découlent tout naturellement. […] Vous vous hasardez à mériter le reproche adressé par Boileau à ces poëtes riches d’imagination, mais pauvres d’études préliminaires, Dont le feu, dépourvu de sens et de lecture, S’éteint à chaque pas, faute de nourriture.
Quelques morceaux de lui attestent en outre qu’il était capable d’une haute inspiration héroïque : et, en se jouant dans une épopée hadine, il a montré que l’originalité de l’invention ne manquait nullement à son sage esprit, et que son imagination flexible pouvait prendre au besoin les tons les plus divers1 Satire IX1. […] Excellentes métaphore, suivie avec une justesse parfaite : personne, on le remarquera à cette occasion, n’a mieux su que Boileau faire usage du style figuré et mettre d’accord, dans son langage, l’imagination avec la raison.
Absous par le saint-siége, il finit même par obtenir d’abord une prébende dans l’église collégiale de Saint-Maur-les-Fossés, puis la cure de Meudon, retraite sûre où, achevant sans péril la publication de Pantagruel, il termina doucement une existence dont les contrastes sont aussi étranges que les caprices de son imagination. […] Il y a de l’or dans ce torrent turbulent et fangeux qui s’échappe d’une imagination homérique et aristophanesque.
Mais il en advint « tout au rebours », et son imagination, « comme un cheval échappé », se donna tant de carrière que, pour réprimer ses saillies, et « lui en faire honte », il crut devoir « mettre en rôle toutes ses chimères ». […] Montaigne et ses livres Pour me distraire d’une imagination importune, il n’est que de recourir aux livres8 : ils me destournent facilement à eulx et me la desrobbent ; et si ne se mutinent pas9, pour veoir que ie ne les recherche qu’au default de ces aultres commoditez plus reelles, vifves et naturelles10 ; ils me receoivent tousiours de mesme visage.
Elle est le fruit du génie, c’est-à-dire, du concert de l’imagination qui embellit les objets, et du jugement qui conduit toujours l’esprit au vrai, et par conséquent au beau ; génie que l’étude et les préceptes ne peuvent point donner, mais qu’ils peuvent seuls diriger et perfectionner. […] Il doit instruire, c’est-à-dire, éclairer l’esprit, en faisant connaître la vérité ; plaire, c’est à-dire, flatter l’imagination, en faisant admirer cette vérité ; toucher, c’est-à-dire, maîtriser l’âme, en faisant sentir tout le poids et toute la force de cette vérité. […] Il semble que tous les deux ont la même manière de retenir dans leur imagination les impressions des objets, de saisir et de concevoir les idées, de les combiner et de les lier ensemble, de leur donner l’âme et la vie par le coloris de l’expression. […] En passant par son imagination, elles ont reçu, pour ainsi dire, une nouvelle création, et ont pris la couleur de son style. […] La beauté du style ne sert qu’à les faire valoir davantage ; et l’auditeur, dont l’oreille et l’imagination sont agréablement flattées, n’en est que mieux disposé à suivre et à goûter les raisonnements de l’orateur.
Une imagination riante, un style léger et facile rendent ce poème très agréable.
Si le prophète dit, par exemple : Qui sedes super Cherubim, vous qui êtes assis sur les Chérubins , l’âme du poète traducteur s’échauffe, son imagination s’enflamme, et il dira : Toi dont l’aile des Chérubins Soutient le trône inébranlable. […] Quant à ceux qui se prosterneraient devant ces sortes de beautés, si elles appartenaient à Homère, à Young ou à Ossian, mais qui ont bien formellement résolu de ne rien admirer dans les écrivains sacrés, nous n’avons rien à leur opposer : nous nous bornons à les plaindre, d’interdire à leur imagination le plaisir que lui procureraient de pareilles lectures ; et à leur âme, le charme consolant qu’elles ne manqueraient pas d’y répandre.
» Qu’à l’occasion d’un fait ou d’une observation, une sentence courte et vive, un trait d’esprit ou d’imagination se détache de l’ensemble en affectant le plus souvent la forme exclamative115, cette espèce d’exclamation se nomme épiphonème : Tant de fiel entre-t-il dans l’âme des dévots ! […] Enfin, les saillies de l’imagination, le concours d’une foule d’idées qui se présentent ensemble et se heurtent en quelque sorte pour se faire passage, la fougue, l’impatience, le délire de la passion qui s’emporte, et jettent le désordre dans l’esprit, peuvent engager l’écrivain à enlever les mots à leur place ordinaire, et à bouleverser même des phrases entières.