Discours académiques de Racine, de Voltaire et de Buffon. Envisagée sous ses rapports purement académiques, l’éloquence embrasse, 1º les discours de réception ; 2º les sujets proposés ; 3º l’éloge des académiciens, prononcés dans l’académie même, par celui qui en était nommé secrétaire perpétuel : charge que Fontenelle honora, et que d’Alembert et Condorcet ont remplie après lui. Les discours de réception se renfermèrent longtemps dans un cadre aussi monotone qu’étroit : l’éloge du roi, l’éloge de l’académicien auquel on succédait, l’éloge du cardinal fondateur de l’académie ; telle était la matière, dont Racine lui-même ne put vaincre l’aridité ; et ce même homme, qui se montra si éloquent quelque temps après dans l’éloge du grand Corneille, fut sec, froid et stérile pour son propre compte, et balbutia à peine son discours de réception. […] C’est à dater de Voltaire seulement, que les discours de réception des académiciens devinrent des ouvrages vraiment utiles et vraiment éloquents. Destiné à donner en tout le ton à son siècle, c’est lui qui, le premier, osa s’affranchir de la tâche imposée jusqu’alors aux académiciens récipiendaires, et parler, dans son discours, d’autre chose que de Louis XIV et du cardinal de Richelieu.
Nous commencerons par le premier de ces discours. […] Aussi le discours pour Marcellus a-t-il été longtemps, aux yeux de bien des gens, une tache pour la mémoire de Cicéron. […] Bien loin donc que ce discours puisse nuire à la gloire de Cicéron, nous le regardons au contraire comme un de ses titres les mieux fondés à la célébrité. […] Que cette transition est heureuse, pour amener le morceau important qui suit, et qui était le grand sujet du discours ! […] « Quant à ses vertus guerrières, quel discours pourrait les célébrer comme elles le méritent ?
S’occupe-t-on souvent de son sujet dans un discours ? […] L’exorde est le commencement du discours. […] La péroraison est la dernière partie du discours. […] Quelle est la partie du discours qui vient ensuite ? […] Quels discours comprend-il ?
Il est une vérité incontestable, c’est qu’aucune des nations de l’Europe n’a attaché, jusqu’ici, autant d’importance aux discours publics, n’a accordé autant de considération aux orateurs, que les Grecs et les Romains. […] L’éloquence anglaise ne fut pas plus heureuse au barreau, et les discours des plus habiles avocats ont été oubliés avec la cause qu’ils avaient pour objet. En France, au contraire, on se souvient encore des plaidoyers de Patru : et les discours de Cochin et de d’Aguesseau sont tous les jours cités parmi les modèles de notre éloquence. […] En France, le style des orateurs est orné de figures plus hardies ; leur marche est plus variée, leur discours plus animé, et souvent plein de chaleur et d’élévation. […] De là cette attention continuelle à nous prémunir contre l’influence et les charmes de l’élocution : de là, ce soin scrupuleux de nos orateurs modernes à se renfermer dans les bornes de la raison, à ne se rien permettre qui puisse la choquer ou la contredire, bien convaincus d’avance que le discours le plus éloquent manquerait nécessairement son but, pour peu qu’il s’écartât de cette grande règle qui exige que tout tende au bon sens : Scribendi rectè sapere est et principium et fons.
On faisait des thèmes ou des narrations en seconde, on fera ici des discours latins et des discours français ; on développait un peu une matière de vers, on la développera davantage ; les versions grecques ou latines seront plus difficiles. […] On pense, avec raison selon nous, que, sans négliger des exercices extrêmement utiles, il est bon de les lier entre eux par une théorie générale ; en d’autres termes, que faire sa rhétorique, ce n’est pas seulement faire avec succès les devoirs donnés dans cette classe, c’est aussi apprendre la science qui porte ce nom, et qui fait connaître et distinguer les diverses sortes de discours, leurs parties, les lieux oratoires qu’on y emploie, etc. […] Non, certes ; bien que les discours et oraisons aient, avec les autres genres de littérature, beaucoup de points de contact, il y a une multitude de vérités qui y sont absolument étrangères, et qu’il est, non pas seulement fâcheux, mais honteux d’ignorer. […] Après un coup d’œil général sur les deux formes de langage (la prose et les vers), vient l’étude des ouvrages en prose, et d’abord celle des discours prononcés : c’est proprement le traité de rhétorique ; puis l’étude du genre épistolaire ; celle du genre didactique ; celle du genre historique et des fictions en prose, c’est-à-dire des contes et romans.
L’obscurité, qui fait qu’on ne saisit que difficilement la pensée exprimée par la parole, est le plus grand vice du discours. […] Mais il rejette tout ce qui est recherché, tout ce qui sent le travail, l’apprêt et l’art, en un mot, tout ce qui peut jeter dans le discours une lumière trop vive et trop éclatante. […] La sécheresse exclut la grâce, les images et les ornements du discours. […] Aussi fait-il usage de tout ce qui peut embellir le discours, et se pare-t-il de tous les ornements et de toutes les fleurs du langage, sans prendre soin de les cacher. […] Le style tempéré convient aux poèmes descriptifs et didactiques pour les parties plus ornées, comme les épisodes, les descriptions ; aux discours académiques, aux poésies badines, aux panégyriques et aux oraisons funèbres, lorsque la personne qui en est l’objet n’offre pas des faits d’un intérêt extraordinaire, et à tous les discours d’apparat.
Analyse du discours sur l’esprit philosophique, par le P. […] Rien de plus propre, selon moi, à mettre dans tout leur jour les vices de l’éloquence moderne, que l’excellent esprit et le style vraiment éloquent qui distinguent le discours du P. […] L’éloquent défenseur de la vraie philosophie va concentrer maintenant en un seul et même point tous les traits de lumière dispersés jusqu’ici dans la première partie de son discours. […] Mais ce qui me semble au-dessus de tout par la vigueur de la dialectique, et l’éloquente énergie de la diction, ce sont les dernières pages de ce même discours. […] Le discours du P.
Au contraire, après avoir paru en maître, et pour ainsi dire régné sur la scène, il venait, disciple docile, chercher à s’instruire dans nos assemblées, laissait, pour me servir de ses propres termes, laissait ses lauriers à la porte de l’Académie, toujours prêt à soumettre son opinion à l’avis d’autrui, et, de tous tant que nous sommes, le plus modeste à parler, à prononcer, je dis même sur des matières de poésie1… Extrait du discours prononcé à l’Académie française, le 2 janvier 1685, pour la réception de Thomas Corneille2. […] On remarquera cette admiration, ce goût de l’antiquité, qui, comme l’a déjà indiqué un trait de ce même discours, ont éclairé et soutenu la marche de nos plus grands écrivains. […] Ce passage a été dignement apprécié par ce vers de Voltaire (IIIe de ses Discours sur l’homme) : C’est ainsi qu’un grand cœur sait penser d’un grand homme. […] Outre Thomas Corneille, qui succédait à son frère, Racine reçut dans cette séance un littérateur fort inconnu, Bergeret, en remplacement de l’historien Géraud de Cordemoy. — En prononçant, lorsqu’il entra à l’Académie en 1673, son discours de réception, qui n’a pas été conservé, Racine avait été beaucoup moins heureux. […] Racine a fait aussi l’éloge de Louis XIV dans le discours dont nous venons de donner un extrait.