Puisse-t-il leur faciliter l’intelligence des beautés poétiques !
Si vous voulez atteindre les sommets de cet art, ne vous contentez pas d’avoir sous les yeux les maîtres de l’éloquence : unissez à la véhémence de Démosthène l’ampleur et le coloris de Cicéron ; faites mieux, ajoutez à ces dons les plus rares facultés qui vous auront frappé dans les orateurs modernes ; faites mieux encore, imitez les artistes qui, les yeux fixés sur la toile ou sur le marbre, ont l’âme attachée à la contemplation d’un type dont leur main reproduit l’idéale beauté ; concevez un modèle de perfection tel qu’il n’en a jamais existé de semblable. […] Tel est l’ordre qui préside à ce grand tout que le moindre changement détruirait l’harmonie générale ; telle en est la beauté, que l’imagination ne saurait rien concevoir de plus merveilleux. […] En sorte que si le Capitole était bâti dans le ciel, par delà la région des nuages et des pluies, découronné de son faîte superbe, il perdrait à nos yeux toute sa majesté19. » Appliquons cette règle au discours : Aucun ornement ne sera superflu ; le beau partout se mariera à l’utile ; et de la savante ordonnance de toutes les parties concourant au même but naîtra la proportion, sans laquelle il n’y a pas de véritable beauté. […] Le génie a, comme la beauté, un rayonnement qui couvre toutes les imperfections.
Ils n’ont aucun arrêt : ce sont esprits volages, Qui souvent sont tout gris avant que d’être sages ; Et doit-on souhaiter, pour leur utilité, De voir finir leur vie avecque leur beauté : Semblables à ces fleurs dont Vénus se couronne, De qui jamais les fruits n’enrichissent l’automne Oubliez, oubliez l’amour de ce berger, Et prenez en son lieu quelque bon ménager, De qui la façon mâle, à vos yeux moins gentille, Témoigne un esprit mûr à régir sa famille, Et dont la main robuste au métier de Cérès Fasse ployer le soc en fendant les guérets.
Les autres se pavanent sur la considération de leur beauté, et croient que tout le monde les muguette1 : tout cela est extrêmement vain, sot et impertinent : et la gloire qu’on prend de si faibles sujets s’appelle vaine, sotte et frivole.
Par vos travaux et par votre exemple, les véritables beautés du style se découvrent de plus en plus dans les ouvrages français, puisqu’on y voit la hardiesse, qui convient à la liberté, mêlée à la retenue, qui est l’effet du jugement et du choix. […] « Nous avons, disait déjà un contemporain (Saint-Évremond), quelques pièces particulières en français, d’une beauté admirable : telles sont les oraisons funèbres de la reine d’Angleterre et de Madame par M. de Condom. » — Bossuet avait auparavant célébré la mémoire de plusieurs autres personnes distinguées, entre lesquelles il faut citer Anne d’Autriche.
Le sommeil entretient la beauté du visage ; L’insomnie, au contraire, y marque son passage. […] Le travail, il est vrai, peut ternir ma beauté, Mais rien ne ternira mon honneur respecté ; Et, si je dois choisir, injure pour injure, La ride au front sied mieux qu’au nom la flétrissure3.
La beauté varie suivant l’âge. […] La beauté du vieillard consiste à suffire aux travaux nécessaires sans mauvaise humeur, parce qu’on n’éprouve alors aucun des maux qui affligent la vieillesse. […] Ainsi la santé a pour cause l’art, tandis que la beauté, la belle taille, dépendent de la nature. […] La santé, la beauté et les biens analogues ; ce sont là des vertus corporelles qui produisent un grand nombre de faits. […] Tels, par exemple, ceux qui ont des prétentions en philosophie, si l’on attaque la philosophie ; ceux qui en ont à la beauté (ἰδέα), si l’on conteste leur beauté, et ainsi du reste.
On voit qu’il suffit quelquefois du trait historique pour constituer une véritable beauté poétique ; et Lucain, qui vient de nous en fournir un exemple, n’a pas toujours été aussi sage, il s’en faut de beaucoup.