Tantôt on ne dit rien, parce qu’on a voulu trop dire ; tantôt, pour ne pas tout dire, on ne dit pas assez ; et de peur d’être trop simple, on se fait une étude de devenir obscur.
Tantôt, c’est l’ignorance ou l’oubli des règles de la grammaire, les phrases équivoques ou mal construites, l’emploi de mots obsolètes ou inconnus, l’impropriété absolue ou relative des termes. Tantôt, c’est l’affectation de la brièveté : J’évite d’être long et je deviens obscur ; ou bien, tout au contraire, la diffusion, les périodes interminables, l’accumulation des parenthèses, des épisodes, des idées accessoires qui embarrassent le lecteur et lui font perdre de vue l’idée principale.
Il débite ses nouvelles, qui sont toutes les plus tristes et les plus désavantageuses que l’on pourrait feindre : tantôt un parti des nôtres a été attiré dans une embuscade, et taillé en pièces ; tantôt quelques troupes, renfermées dans un château, se sont rendues aux ennemis à discrétion et ont passé1 par le fil de l’épée.
— Tantôt plus, tantôt moins : le mal est que toujours (Et sans cela nos gains seraient assez honnêtes), Le mal est que dans l’an s’entremêlent des jours Qu’il faut chômer !
Savoir sa valeur, et ne pouvoir l’imposer que par accident et surprise, entendre murmurer autour de soi le nom de Catilina, quand on aborde la tribune avec le courage d’un bon sens supérieur et convaincu ; subir des résistances occultes, sous lesquelles se cache l’injure d’un mépris anonyme ; rendre la vérité suspecte, parce qu’on en est l’interprète : telle fut l’expiation sous laquelle il courba la tête jusqu’au dernier jour, tantôt exaspéré par d’injustes outrages, tantôt abattu par le sentiment de son impuissance.
Tantôt ce sera une peinture qu’animeront les traits les plus vifs et les plus frappants, et que suivront de grandes et nobles idées rendues avec une singulière véhémence de style, comme dans ces strophes de l’Ode à la fortune, de Rousseau : Quels traits me présentent vos fastes… Juges insensés que nous sommes… Tantôt ce seront des comparaisons riches et multipliées qui nous présenteront les objets dans toute leur grandeur, dans toute leur beauté, comme celle que nous offre l’Ode aux princes chrétiens sur l’armement des Turcs : Comme un torrent fougueux… La Palestine enfin, après tant de ravages… Tantôt, ce sera un enchaînement de figures vives et saillantes qui donneront aux pensées un nouveau degré de force et d’élévation, comme on le voit dans un passage de l’ode Qualem ministrum : Quid debeas, ô Roma, Neronibus… cum laude victorem. […] Tantôt, comme une abeille ardente à son ouvrage, L’ode s’en va de fleurs dépouiller le rivage.
Tantôt il adresse à Dieu ses ferventes prières en faveur du pécheur repentant ou obstiné : ainsi Massillon dans la magnifique péroraison du sermon sur le petit nombre des élus ; tantôt il développe quelqu’un de ces psaumes, si féconds en images gracieuses et brillantes : ainsi la paraphrase du De profundis par le même orateur, à la fin de sa belle homélie sur le Lazare.