Oui, monsieur, que l’ignorance rabaisse tant qu’elle voudra l’éloquence et la poésie, et traite les habiles écrivains de gens inutiles dans les États, nous ne craindrons point de dire, à l’avantage des lettres et de ce corps fameux dont vous faites maintenant partie, que du moment que des esprits sublimes, passant de bien loin les bornes communes, se distinguent, s’immortalisent par des chefs-d’œuvre comme ceux de monsieur votre frère, quelque étrange inégalité que, durant leur vie, la fortune mette entre eux et les plus grands héros, après leur mort cette différence cesse : la postérité, qui se plaît, qui s’instruit dans les ouvrages qu’ils lui ont laissés, ne fait point de difficulté de les égaler à tout ce qu’il y a de plus considérable parmi les hommes, et fait marcher de pair l’excellent poëte et le grand capitaine.
Il est facile de comprendre que le principe de cet art sublime ne peut résider ni dans la mesure et la combinaison des syllabes, ni dans l’assemblage d’expressions brillantes et harmonieuses, ni dans la composition d’ouvrages ayant le nom et la forme d’Églogues, d’Odes, de Satires, d’Épopées, de Tragédies ou de Comédies.
Quand il est noble, grand, sublime, triste, gracieux, etc., la pensée l’est aussi. […] Toute pensée naïve est naturelle : mais toute pensée naturelle n’est pas naïve, parce que le naturel peut avoir quelque chose de grand, de sublime ; au lieu que le naïf a toujours quelque chose de petit ou de moins élevé. […] Les idées les plus profondes, les plus brillantes, les plus sublimes se montrent sous sa plume, avec toute leur force, tout leur éclat, toute leur grandeur, sans que les règles de la langue soient violées.
Ce n’étaient point des orateurs de profession : ce n’est point dans les écoles des rhéteurs qu’ils s’étaient formés à l’art de bien dire ; mais l’habitude et la nécessité de parler souvent en public, et surtout la disposition naturelle de ces âmes ardentes au grand et au sublime, en faisaient des hommes éloquents, dont Thucydide a recueilli des traits infiniment précieux.
xvi, d’après lequel ce fut Sappho qui apprit aux tragiques l’usage de l’harmonie mixolydienne, comme plus propre aux effets de pathétique, tandis que l’harmonie dorienne ne convenait qu’au genre grave et sublime.
Si nous en parlons ici, c’est pour être complet, et suivre toutes les variétés de la forme poétique, depuis les plus sublimes conceptions jusqu’aux plus frivoles.
Massillon, par exemple, ébranle puissamment les âmes par l’éloquence continue qui règne dans son admirable sermon Sur le petit nombre des Élus, et Racine est constamment sublime dans sa tragédie inimitable d’Athalie, où la grandeur des pensées et des sentiments, l’intérêt des situations et la majesté du style tiennent constamment les auditeurs dans l’admiration la plus profonde.