Outre cela, il n’en est pas de la poésie comme de la politique ou des autres arts qui n’imitent point.
Mais il faut avouer que tous les temps ne se ressemblent pas, et qu’à l’époque où écrivaient Chénier et Despazes, les passions politiques étaient si exaltées, qu’il eût été bien difficile de se borner à des portraits généraux.
Henri IV est vainqueur de ses ennemis ; il va prendre les armes pour abaisser la puissance de la maison d’Autriche et faire une de ces guèrres politiques qui changent la face du monde.
Si vous vous rangez à l’avis de César, comme il a toujours suivi, dans sa vie politique, la route qui passe pour être celle des amis du peuple, peut-être aurai-je, pour un décret proposé et soutenu par lui-même, moins à redouter les orages populaires. […] Vous avez un chef qui ne s’occupe que de vous sans songer à lui-même ; c’est là un privilège bien rare ; vous avez tous les ordres, tous les individus, le peuple romain tout entier qui par une bonne fortune, dont voici le premier exemple dans une cause politique, sont unis en un seul et même sentiment. […] Vous ayez imité la politique des pirates, qui, quoique ennemis de tous les peuples, se font pourtant quelques amis qu’ils épargnent, qu’ils enrichissent même d’une partie de leur butin ; ce sont ceux surtout qui ont une ville dans un lieu commode, où ils sont souvent obligés d’aborder, et où la nécessité les force quelquefois d’aller chercher un asile. […] Nous voyons grand nombre de ces hommes dans la place publique et le palais, et nous les voyons de sang-froid ; car les discordes civiles, que la folie, qu’un mauvais destin ou le malheur des temps nous y ait précipités, ont une issue moins déplorable quand il est permis de conserver tous les citoyens échappés aux fureurs politiques.
Là, sur ce théâtre changeant et mobile, où la scène varie à chaque instant ; où, sous les apparences du repos, règne le mouvement le plus rapide : dans cette légion d’intrigues cachées, de perfidies ténébreuses, de méchanceté profonde et réfléchie : dans cette région, où l’on respecte, sans estimer ; où l’on applaudit, sans approuver ; où l’on sert, sans aimer ; où l’on nuit, sans haïr ; où l’on s’offre par vanité ; où l’on se promet par politique ; où l’on se donne par intérêt : où l’on s’engage sans sincérité ; où l’on se retire, où l’on s’abandonne sans bienséance et sans pudeur : dans ce labyrinthe de détours tortueux, où la prudence marche au hasard ; où la route de la prospérité mène si souvent à la disgrâce ; où les qualités nécessaires pour avancer, sont souvent un obstacle qui empêche de parvenir ; où vous n’évitez le mépris, que pour tomber dans la haine ; où le mérite modeste est oublié, parce qu’il ne s’annonce pas ; où le mérite qui se produit, est écarté, opprimé, parce qu’on le redoute ; où les heureux n’ont point d’amis, puisqu’il n’en reste point aux malheureux : là, dès les premiers pas que l’abbé de Fleuri fait dans ces sentiers embarrassés, on croirait qu’il les a parcourus mille fois… Il apporte à la cour les talents qu’on vient y chercher ; il n’y prend aucun des vices qu’elle a coutume de donner… Les sociétés du goût le plus fin, le plus délicat et le plus difficile, le reçoivent, l’appellent et l’invitent… Il se concilie tous les esprits ; il obtient tous les suffrages ».
Sénèque, Pascal, Bossuet et beaucoup d’autres, ont donné cette forme à des traités de philosophie, de religion, de morale, de politique ou de littérature.
Or, l’intérêt est excité ou par les faits, ou par les passions, ou par la politique, ou bien il résulte des caractères.