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39. (1845) Les auteurs latins expliqués... Horace. Art poétique pp. -72

Voulez-vous me faire pleurer : montrez d’abord vous-même une douleur véritable ; alors Télephe, alors aussi, Pélée, je serai sensible à vos malheurs ; mais si vous dites mal votre rôle, vous me ferez bâiller, ou, rire. […] 284De même que les visages humains 285rient à ceux qui rient, 286de même ils pleurent à ceux qui pleurent. […] On connaît la traduction de Boileau : Pour me tirer des pleurs, il faut que vous pleuriez. […] Dolere ne signifie pleurer que par métonymie, et en prenant la cause pour l’effet ; réellement il signifie : avoir de la douleur. […] Pleurez ne serait pas juste ; car enfin il y a de fausses larmes, et celles-là doivent nous trouver insensibles ; il y a les larmes comiques, et celles-là nous font rire.

40. (1912) Morceaux choisis des auteurs français XVIe, XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles

— Barons français en pleurent, et ainsi la plaignent. […] Ceux de Galais ont fait mourir tant de mes hommes qu’il convient que ceux-ci meurent aussi. » Alors la noble reine d’Angleterre, qui pleurait si tendrement de pitié qu’on ne pouvait la soutenir, fit une grande humilité. […] On crie, on pleure ; M. d’Hamilton fait cesser ce bruit et ôter le petit d’Elbeuf, qui était jeté sur ce corps, qui ne le voulait pas quitter et qui se pâmait de crier. […] Colin sentit son néant et pleura. […] Après que le fils eut longtemps pleuré avec la mère, il lui dit enfin : « Ne nous désespérons pas ; cette jeune veuve m’aime éperdument ; elle est plus généreuse encore que riche, je réponds d’elle : je vole à elle et je vais vous l’amener. » Il retourne donc chez la dame. « Quoi !

41. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Jean-Jacques Rousseau, 1712-1778 » pp. 185-195

Si l’ardeur d’un sang qui s’enflamme le rend vif, emporté, colère, on voit, le moment d’après, toute la bonté de son cœur1 dans l’effusion de son repentir ; il pleure, il gémit sur la blessure qu’il a faite ; il voudrait, au prix de son sang, racheter celui2 qu’il a versé : tout son emportement s’éteint, toute sa fierté s’humilie devant le sentiment de sa faute. […] Socrate, prenant la coupe empoisonné, bénit celui qui la lui présente et qui pleure ; Jésus, au milieu d’un affreux supplice, prie pour ses bourreaux acharnés.

42. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Principes de rhétorique. — Chapitre VII. Des différents exercices de composition. »

puisqu’il faut passer sa vie à pleurer ceux qui nous sont chers, à pleurer les uns morts, les autres peu dignes de vivre, que je la trouve peu regrettable à tous égards ! Ceux qui s’en vont sont plus heureux que ceux qui restent, ils n’ont plus rien à pleurer. […] 2° Qu’un stoïque aux yeux secs vole embrasser 1a mort ; Moi, je pleure et j’espère ; au noir souffle du nord            Je plie et relève ma tête. […] Comme je reconnais la jeune fille à ces mots, Moi, je pleure et j’espère !

43. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre III. — Ornements du Style, qui consistent dans les Mots ou Figures »

pleure, fille infortunée ! […] Telles sont ces vers si touchants où Virgile (traduit par Delille) peint la douleur d’Orphée après la mort d’Eurydice : Tendre épouse, c’est toi qu’appelait son amour, Toi qu’il pleurait la nuit, toi qu’il pleurait le jour. […] Quelque insensé chantera peut-être ses victoires : mais les provinces, les villes, les campagnes en pleureront. […] Soumet caractérise ainsi le temps où une malheureuse mère vient pleurer sur la tombe de son fils : C’était l’heure où lassé des longs travaux du jour.

44. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre VIII. Des Figures en général. »

Tendre épouse, c’est toi qu’appelait son amour, Toi qu’il pleurait la nuit, toi qu’il pleurait le jour. […] Dans un autre endroit, un taureau pleure la mort de son compagnon :                                      It tristis arator, Moerentem abjungens fraternà morte juvencum. […] Quand Chimène dit, par exemple, que le sang de son père lui traçait son devoir sur la poussière, et lui parlait par sa plaie , il est clair que ce n’est plus une fille désolée qui pleure son père, mais Corneille qui traduit un poète espagnol : Escrivio en este papel, con sangre, my obligacion ; me hablo con la boca de la herida , etc.

45. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Joubert, 1754-1824 » pp. 388-398

Il y a telle femme dans le monde qui, pour la mort d’un enfant de quatre jours, s’est plus désolée, a plus pleuré, et s’est obstinée à se désoler plus longtemps qu’on ne le fait pour des êtres dont la vie avait un grand prix2. […] On ne commande pas à la nature, et l’affection qui pleure ne raisonne jamais.

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