Voltaire en a répandu à pleines mains dans sa correspondance, dont le recueil forme environ le quart de ses œuvres ; malheureusement cet esprit est gâté par une acrimonie bilieuse contre tout ce qui lui déplaît, hommes et choses, et surtout par sa haine contre la religion. […] Vous êtes vieille ; les Rochers 8 sont pleins de bois ; les catarrhes et les fluxions vous accableront ; vous vous ennuierez ; votre esprit deviendra triste, et baissera : tout cela est sûr et les choses du monde ne sont rien en comparaison de tout ce que je vous dis. […] Il ne faut pas oublier les préceptes suivants de Boileau : Un auteur quelquefois, trop plein de son objet, Jamais sans l’épuiser n’abandonne un sujet. […] C’est une métaphore demi voilée et pleine de grâce. […] Apostrophe pleine de mouvement et de naturel.
Son poème De Rerum Natura, dédié à Memmius, est l’exposé de la philosophie d’Épicure ; il est plein de vers et de passages sublimes, un peu déparés par une langue archaïque. […] Ils n’ont pas assez d’éloges pour la politique ferme et sage au-dehors, pour l’excellence de leur organisation au-dedans, pour leur caractère plein de grandeur d’unie, d’héroïsme, de dévouement. […] Elle est sérieuse, tout en étant enjouée, pleine d’aisance, et déjà posée, car l’expérience et la réflexion ont déjà porté leurs fruits en elle. […] Aussi, si c’est bien contre lui, et non contre la critique que La Bruyère a dirigé sa sentence, nous ne pouvons que la ratifier et y donner notre pleine et entière adhésion. […] Observateur profond, écrivain plein de verve, de bon sens et de naturel, il a atteint la perfection dans son art, et la gloire sans l’avoir cherchée.
Les deux camps ennemis arrivent en ces lieux ; La désolation partout marche avant eux… Habitants malheureux de ces bords pleins de charmes, Du moins à votre roi n’imputez point vos larmes ; S’il cherche les combats, c’est pour donner la paix : Peuples, sa main sur vous répandra ses bienfaits ; Il veut finir vos maux, il vous plaint, il vous aime, Et dans ce jour affreux il combat pour vous-même. […] Ses soldats près de lui, d’un œil plein de courroux, Regardaient ces vaincus échappés à leurs coups. […] Bourbon tourna sur eux des regards pleins de grâce, Où régnaient à la fois la douceur et l’audace : « Soyez libres, dit-il ; vous pouvez désormais Rester mes ennemis ou vivre mes sujets… Choisissez. » A ces mots d’un roi couvert de gloire, Sur un champ de bataille, au sein de la victoire, On voit en un moment ces captifs éperdus2, Contents de leur défaite, heureux d’être vaincus : Leurs yeux sont éclairés, leurs cœurs n’ont plus de haine ; Sa valeur les vainquit, sa vertu les enchaîne ; Et, s’honorant déjà du nom de ses soldats, Pour expier leur crime, ils marchent sur ses pas. […] « Ce vieillard, dit La Harpe, sortant des cachots où il a langui vingt ans, ce dernier rejeton d’une race de héros français, rappelant ses antiques exploits et ses longues infortunes, reconnaissant la voix d’un de ses anciens compagnons d’armes, forme un tableau plein d’un intérêt de religion et de chevalerie absolument neuf sur la scène française lorsque Voltaire l’y produisit. » 2.
Rien de plus scandaleux dans la république littéraire, rien de plus déshonorant pour l’homme de lettres lui-même, que ce style malignement épigrammatique, ces déclamations pleines de fiel, cette raillerie amère et insultante, ces personnalités basses, ces injures atroces qui peuvent tout au plus amuser les sots et les méchants, mais qui révoltent toujours le lecteur honnête et raisonnable, et qui ne répandent jamais la moindre lumière sur la question agitée. […] Ils sont écrits d’un style pur et naturel, assaisonnés du sel d’une plaisanterie délicate, pleins de peintures vives, de caractères bien dessinés et bien soutenus. […] Ses Dialogues des morts sont pleins de finesse et d’enjouement.
L’ironie est tantôt badine et enjouée, tantôt dure et pleine de fiel. […] Ainsi les membres de phrase les plus longs, et les mots les plus pleins et les plus sonores, doivent être réservés pour la conclusion. […] Cicéron abonde en périodes pleines d’harmonie. […] Mais le ciel en fureur, la mer pleine de rage Font-ils d’un bruit affreux retentir le rivage ? […] J’aime mieux un ruisseau qui sur la molle arène Dans un pré plein de fleurs lentement se promène, Qu’un torrent débordé qui d’un cours orageux Roule plein de gravier sur un terrain fangeux.
Il faut que rien ne languisse dans le récit de ces événements ; que l’action marche avec rapidité ; que le style vif et plein de chaleur échauffe toujours de plus en plus l’imagination et l’âme du lecteur ; que les situations des personnages n’aient rien de forcé ; que leurs caractères particuliers soient bien marqués, parfaitement soutenus jusqu’à la fin ; et que le dénouement amené naturellement et par degrés, soit tiré du seul fond des événements. […] Ceux qu’on met au nombre des meilleurs, sont Zaïde et la princesse de Clèves par madame de La Fayette ; faits avec goût, écrits avec décence, et bien propres à entretenir dans les cœurs l’amour de la vertu : Les Mémoires d’un homme de qualité, le Doyen de Killerine, et autres de l’abbé Prévost ; pleins des situations les plus attendrissantes ou les plus terribles, et qui décèlent l’imagination la plus féconde ; mais où quelquefois les événements ne s’accordent pas assez avec la vraisemblance : Gil Blas 130, le Diable boiteux et autres de Lesage 131 ; ils offrent un tableau de tous les états de la vie, le portrait ou la satire du monde : Le Paysan parvenu de Marivaux, très plaisant.
Bien des gens font des vers sans poésie, et beaucoup d’autres sont pleins de poésie sans faire des vers. […] La rime masculine est celle qui se termine par un son plein et sonore, où ne figure pas l’e muet suivi ou non de s, nt. […] : Un auteur quelquefois trop plein de son objet, Jamais sans l’épuiser n’abandonne un sujet. […] David, pour le Seigneur plein d’un amour fidèle, Me parait des grands rois le plus parfait modèle. […] Il est vrai que quelquefois elle contient plusieurs sens finis, ou que le sens n’en est que suspendu ; mais considérée dans sa forme la plus régulière, au gré de l’oreille comme au gré de l’esprit, la stance la mieux arrondie est celle dont le cercle embrasse une pensée unique, et qui se termine comme elle et avec elle par un plein repos.