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131. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XV. de l’élocution  » pp. 203-216

On conçoit qu’il arrive parfois qu’une idée vraie et digne soit mal rendue, et qu’une idée fausse et inconvenante plaise, jusqu’à un certain point, par sa forme ; qu’un même sens, comme l’a remarqué Pascal, change selon les paroles qui l’expriment, et que les sens reçoivent des paroles leur dignité, au lieu de la leur donner64. […] Mais le ton de l’orateur et du poëte, dès que le sujet est grand, doit toujours être sublime, parce qu’ils sont les maîtres de joindre à la grandeur de leur sujet autant de couleur, autant de mouvement, autant d’illusion qu’il leur plaît, et que devant toujours peindre et toujours agrandir les objets, ils doivent aussi partout employer toute la force et déployer toute l’étendue de leur génie. » Maintenant, il nous reste à étudier les qualités essentielles de l’élocution, c’est-à-dire celles qui conviennent à tous les tons ; les qualités accidentelles, c’est-à-dire celles qui ne conviennent que dans tel ou tel ton ; et enfin les ornements dont l’élocution est susceptible, et que l’on comprend sous le nom général de figures.

132. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Buffon, 1707-1788 » pp. 282-302

D’ailleurs elle ne nous a transmis que les gestes de quelques nations, c’est-à-dire les actes d’une très-petite partie du genre humain : tout le reste des hommes est demeuré nul pour nous, nul pour la postérité ; ils ne sont sortis de leur néant que pour passer comme des ombres qui ne laissent point de traces ; et plût au ciel que le nom de tous ces prétendus héros, dont on a célébré les crimes ou la gloire sanguinaire, fût également enseveli dans la nuit de l’oubli ! […] Les grâces de la figure, la beauté de la forme, répondent dans le cygne à la douceur du naturel ; il plaît à tous les yeux ; il décore, embellit tous les lieux qu’il fréquente ; on l’aime, on l’applaudit, on l’admire. […] Elles ont sous leurs formes sévères un charme qui nous plaît.

133. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome I (3e éd.) « Première partie. De l’Art de bien écrire. — Section II. De l’Art d’écrire agréablement. — Chapitre I. Du style. » pp. 181-236

Il faut en bannir avec soin les mots qui riment ensemble, éviter de même la rencontre des voyelles qui, en se heurtant, peuvent former un son désagréable : car, comme le dit Boileau, La plus noble pensée Ne plaît point à l’esprit, si l’oreille est blessée1. […] Dans les sujets qui appartiennent à l’imagination, l’écrivain cherche à plaire : il faut que son style soit fin, gracieux, élégant, varié. Il cherche à plaire par l’imitation : il faut que son style soit riche, brillant, fleuri, nombreux et pittoresque. […] Elle ne plaît qu’autant qu’elle est enjouée, légère et badine.

134. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Préceptes « Deuxième partie. Préceptes des genres. — Chapitre troisième. Du discours. »

Il faut, dit-il, choisir un genre d’écrire qui soit agréable et qui plaise à l’auditeur, de sorte néanmoins que cet agrément, ce plaisir ne viennent point enfin à lui causer du dégoût ; car c’est l’effet que produisent ordinairement les choses qui frappent d’abord les sens par un vif sentiment de plaisir, sans qu’on puisse trop en rendre raison. […] Un discours qui est partout ajusté et peigné, sans mélange et sans variété, où tout frappe, tout brille, un tel discours cause plutôt une espèce d’éblouissement qu’une véritable admiration : il lasse et il fatigue par trop de beautés, et il déplaît à la longue à force de plaire. […] 2° Ayons les mœurs, la probité, pour garants de nos actions et de nos intentions : la bienveillance pour flatter l’amour propre de nos juges et de nos adversaires, la modestie, pour leur plaire, et la prudence, pour leur donner une bonne idée de notre conduite. […] Et souvent la césure Plaît, je ne sais comment, en rompant la mesure. […] Dans ces vers, il y a césure au mot plaît ; le repos est après comment.

135. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section quatrième. Genre Démonstratif. Les Panéryriques. — Chapitre III. Éloges de Pompée et de César, par Cicéron. »

«  Plût aux Dieux que Rome eût assez de braves et intègres citoyens, pour que vous fussiez embarrassés sur le choix de celui qu’il faut mettre à la tête d’une pareille guerre ! […] Mais se vaincre soi-même, étouffer son ressentiment, modérer sa victoire, relever de sa chute un adversaire distingué par sa naissance, son génie et son courage ; ne pas le relever seulement, mais se plaire à rehausser sa dignité et son rang, c’est un trait d’héroïsme qui vous place au-dessus des plus grands hommes, ou plutôt qui vous assimile aux Dieux mêmes.

136. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Chapitre II. Moyens de se préparer à la composition. »

Ce conseil ne plaît pas toujours à la jeunesse, qui ne voit souvent dans la lecture, qu’un amusement pour son imagination frivole ; mais en mûrissant, elle en comprendra la justesse, et finira par mépriser les livres futiles qui l’ont enthousiasmée un instant. […] Il n’est personne qui ne sente une impression de plaisir à l’aspect des magnificences de la nature, qui ne soit ému par un beau tableau, par une musique harmonieuse ; chacun se plaît à une belle représentation dramatique, à la lecture d’un beau livre.

137. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Beaumarchais, 1732-1799 » pp. 344-356

Je broche une comédie dans les mœurs du sérail : auteur espagnol, je crois pouvoir y fronder Mahomet sans scrupule ; à l’instant un envoyé de je ne sais où se plaint que j’offense dans mes vers la Sublime-Porte, la Perse, une partie de la presqu’île de l’Inde, toute l’Égypte, les royaumes de Barca, de Tripoli, de Tunis, d’Alger et du Maroc ; et voilà ma comédie flambée pour plaire aux princes mahométans, dont pas un, je crois, ne sait lire, et qui nous meurtrissent l’omoplate en nous disant : « Chiens de chrétiens !  […] Autre exemple : « ou vous n’écrirez rien qui plaise, ou les sots vous dénigreront » ; ou bien les sots ; le sens est clair ; car, audit cas, sots ou mé hants sont le substantif qui vous gouverne.

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