Il est assurément permis au poète de se jeter dans quelques écarts, d’obéir à son génie, de négliger l’ordre jusqu’à un certain point. […] En général, quand on néglige l’ordre, c’est dans les petites parties qu’il est permis de le faire ; les grandes parties, les parties essentielles, doivent sortir du même fond, se rapporter au même but, être liées l’une à l’autre, et former un ensemble non moins utile qu’agréable au lecteur120. […] Ce n’est pas ici un philosophe grave et austère à qui on permet de débiter ses leçons sans qu’il se mette en peine de les embellir ; c’est un favori des muses qui donne des préceptes, et qui doit en faire disparaître la sécheresse sous le charme de son style. […] Tout ce qu’on lui permet dans ce cas, c’est de jeter en passant des réflexions courtes et vives, qui paraissent naître des faits et s’être présentées d’elles-mêmes ; mais les exemples parlent assez haut, et les actions que font ses héros, et les jugements qu’il en fait porter à ses lecteurs, sont précisément le langage qui lui convient136. […] Viens, parle, et s’il est vrai que la fable, autrefois, Sut à tes fiers accents mêler sa douce voix, Si sa main délicate orna ta tête altière, Si son ombre embellit les traits de ta lumière, Avec moi sur tes pas permets-lui de marcher, Pour orner tes attraits et non pour les cacher.
Cyrus lui ayant permis de parler librement : « Que fait, lui demanda-t-il, toute cette multitude déchaînée » ? […] « Prince, tu vas attaquer des peuples qui ne sont vêtus que de peaux, qui mangent ce qu’ils peuvent, la stérilité de leur pays ne leur permettant pas de manger ce qu’ils veulent ; des peuples qui ignorent l’usage du vin, et n’ont que de l’eau pour boisson ; qui ne connaissent ni les figues, ni aucun autre fruit agréable. […] Qu’il me soit permis cependant de vous dire, pour la dernière fois, ce que je pense à ce sujet. […] Dans les vastes forêts où nous vivons, ne nous est-il pas permis d’ignorer qui tu es, d’où tu viens ?
Tels sont les principes qui, à première vue, nous permettent de reconnaître sans la moindre hésitation les termes populaires, ceux qui furent improvisés par l’oreille, suivant l’expression de M. […] S’il était permis d’écrire, en quelque sorte, sa biographie, nous dirions volontiers que l’an mil fut la date de sa naissance,et que ses premiers bégaiements se tirent entendre à l’époque même annoncée par de sinistres prophètes comme devant être la fin du monde. […] Parmi les surprises, les enlèvements, les prodiges et les coups de théâtre brille un rayon d’idéal qui éclaire ces fables attrayantes, dont la profusion atteste le besoin universel des plaisirs choisis que permet l’imagination. […] Fondateur de l’université de Paris ou du moins de ces écoles qui en furent le germe, protecteur des savants, patron d’une académie à laquelle il avait ouvert son propre palais, il eût restauré les traditions du monde romain, dont il se portait l’héritier, si la barbarie de son temps l’avait permis.
si j’ose encor former quelques souhaits, Seigneur, permettez-moi de ne le voir jamais2 ! […] Puis donc qu’on nous permet de prendre Haleine, et que l’on nous défend de nous étendre, Je vais, sans rien omettre et sans prévariquer1, Compendieusement2 énoncer, expliquer, Exposer à vos yeux l’idée universelle De ma cause, et des faits renfermés en icelle. […] s’il pouvait être quelquefois permis d’être sombre, bizarre, chagrin, à charge aux autres et à soi-même, ce devrait être à ces infortunés que la faim, la misère, les calamités, les nécessités domestiques, et tous les plus noirs soucis environnement. […] Mais que les grands, que les heureux du monde, à qui tout rit, et que les joies et les plaisirs accompagnent partout, prétendent tirer de leur félicité même un privilége qui excuse leurs chagrins bizarres et leurs caprices ; qu’il leur soit plus permis d’être fâcheux, inquiets, inabordables, parce qu’ils sont plus heureux ; qu’ils regardent comme un droit acquis à la prospérité d’accabler encore du poids de leur humeur des malheureux qui gémissent déjà sous le joug de leur autorité et de leur puissance ; grand Dieu !
Voici de quel ton Lysias s’exprime : « Les Trente prononcèrent contre Polémarque15 leur sentence accoutumée : ils lui ordonnèrent de boire la ciguë, et bien loin de le juger et de lui permettre de se défendre, ils ne daignèrent pas même l’informer de la cause pour laquelle il devait mourir. Nous avions trois maisons ; quand le cadavre sortit de la prison, ils ne permirent pas qu’il fût reçu dans aucune : ils louèrent une litière et l’y firent jeter. […] Il peut aussi (l’espace le lui permet) appeler au secours de ses arguments toutes les ressources de la mise en scène : trophées conquis sur l’ennemi, vieillards suppliants, enfants éplorés, armées de clients en deuil, tout ce qui frappe les yeux, tout ce dont la vue émeut la chair et le sang, et arrache des sanglots à la multitude. […] Qui vous a permis de venir répandre chez nous le poison de la dispute et de la mauvaise foi ?
Une fois ce point bien arrêté dans votre pensée, ne permettez jamais au lecteur de le perdre de vue ; ramenez-y jusqu’aux moindres détails, faites-y converger toutes les descriptions de lieu, de temps, de personne. […] Wey ; et, selon la Bruyère, « tout excellent écrivain est excellent peintre. » Qu’il me soit done permis de m’arrêter sur ce point. […] Trouvez sur votre palette ces mille espèces de vert et de bleu que vous donne la nature ; trouvez-les dans un style à la fois net et flexible, dans une profonde connaissance et une grande habitude des ressources de la langue, dans un vocabulaire d’une étendue considérable, qui permette de rendre, tout en évitant le néologisme, les nuances les plus légères et les plus fugitives.
Vous pouvez vous tromper, parce qu’ici le fait étant non-seulement hors de vous, mais tel que le temps ou la distance ne vous permet pas de le vérifier personnellement, vous ne le connaissez pas dans sa raison d’être, et qu’on a pu vous le présenter autre qu’il n’est. […] Car il faut démontrer qu’en effet il est permis de tuer dans le cas de légitime défense, et qu’en effet Milon n’a fait que se défendre contre une injuste agression ; le syllogisme ainsi développé prend le nom d’épichérème. […] L’imitation, l’habitude, la passion exercent une puissante influence sur les hommes ; qu’il ait souvent recours à l’induction et à l’exemple, parfois même à l’argument personnel, argumentum ad hominem, qui tourne les vices et les torts de nos adversaires contre leurs doctrines et leurs prétentions ; qu’il préfère la gradation au sorite ; que l’amplification soit fréquente, le dilemme rare, peu de circonstances permettent de le produire à coup sûr.