Joubert, en rappelant cet apologue, l’a ingénieusement commenté : « Le sage, dit-il, en altérant le fait, disait une vérité dont il faut toujours se souvenir ; le méchant, en exprimant le fait réel, tendait à faire oublier la vérité. » Une idée peut être juste, et cependant être contraire à l’opinion commune : c’est ce qu’on appelle un paradoxe. […] Un discours tout hérissé de contrastes péniblement recherchés fait pensera l’orateur et oublier le sujet : c’est le reproche que l’on adresse à Sénèque parmi les anciens, et à Fléchier parmi les modernes. […] Nous citerons l’imitation en vers qu’en a faite un spirituel écrivain : Glaucon avait trente ans, bon air, belle figure ; Mais, parmi les présents que lui fit la nature, Elle avait oublié celui du jugement : Glaucon se croyait fait pour le gouvernement. […] Et c’est comme si vous lui disiez : « Seigneur, tant que je serai propre au monde et aux plaisirs, n’attendez pas que je revienne à vous, et que je vous cherche ; tant que le monde voudra de moi, je ne saurais me résoudre à vouloir de vous ; quand il commencera à m’oublier, à m’échapper, et que je ne pourrai plus en faire usage, alors je me tournerai vers vous ; je vous dirai : me voici ! […] Il l’avait entièrement oubliée, ou plutôt il ne s’en était jamais si bien souvenu, si elle consiste plus dans des fonctions utiles aux peuples, que dans la pompe et dans l’éclat qui raccompagnent. » De la réticence.
Enfin, n’oubliez jamais ce dernier conseil que je vais vous donner : si vous voulez être toujours en état de réprimer vos ennemis, attachez-vous vos amis par votre bienfaisance. […] As-tu donc oublié ces esclaves nombreux qui l’environnent, tous ces regards fixés sur lui seul ; ton audace aveugle désarmera-t-elle tout à coup tant de bras levés pour le défendre !
Telle fut, pour notre patrie, l’époque du régime révolutionnaire ; le coup le plus mortel qu’il ait porté à la langue et à l’éloquence françaises, n’est pas seulement d’avoir introduit une foule de mots barbares déjà oubliés, et qui ne pouvaient survivre aux choses qui les avaient introduits dans le discours, mais d’avoir accoutumé les esprits à déraisonner sans cesse, par l’affectation même de vouloir toujours raisonner, et de rester sans cesse à côté de la vérité en disant autre chose que ce qu’on voulait dire, ou en le disant autrement qu’on ne le devait.
Exemple : Les rois, quelque puissants qu’ils soient, ne doivent pas oublier qu’ils sont hommes.
Comparez Mascaron et jugez : « Vous ne l’avez point encore oublié, messieurs ; cette funeste nouvelle se répandit par toute la France comme un brouillard épais qui couvrit la lumière du ciel, et remplit tous les esprits des ténèbres de la mort.
Il n’avait oublié qu’un point, C’était d’éclairer sa lanterne4.
Il était homme de parole où un grand intérêt ne l’obligeait pas au contraire, et en ce cas il n’oubliait rien pour sauver les apparences de la bonne foi.