Je ris de vous voir étonné D’un divertissement que je me suis donné… (A Cliton qui vient lui parler à l’oreille. […] J’en montre plus de flamme, et j’en fais mieux ma cour… Tout le secret1 ne gît qu’en un peu de grimace ; A mentir à propos, jurer de bonne grâce, Etaler force mots qu’elles n’entendent pas ; Faire sonner Lamboy, Jean de Vert et Galas2 Nommer quelques châteaux de qui les noms barbares Plus ils blessent l’oreille, et plus leur semblent rares ; Avoir toujours en bouche angles, lignes, fossés, Vedette, contrescarpe, et travaux avancés3 : Sans ordre et sans raison, n’importe, on les étonne ; On leur fait admirer les baies4 qu’on leur donne ; Et tel, à la faveur d’un semblable débit, Passe pour homme illustre et se met en crédit.
Il y a même des choses vraies qu’il auroit de la répugnance à croire, s’il les voyoit, et qu’il croira sans peine, lorsqu’il en entendra le récit, parce que l’oreille est à cet égard moins rigoureuse et plus crédule que les yeux. […] Mais il est des objets que l’art judicieux Doit offrir à l’oreille et reculer des yeux(1). […] Elle a, d’une insolence à nulle autre pareille, Après trente leçons, insulté mon oreille Par l’impropriété d’un mot sauvage et bas, Qu’en termes décisifs condamne Vaugelas. […] En voilà pour tuer une oreille sensible. […] Tiens, tiens, sans y chercher tant de façons, voilà Ton beau galant de neige, avec ta nompareille ; Il n’aura plus l’honneur d’être sur mon oreille.
Ce qui me perd aujourd’hui, ce n’est pas le défaut de moyens, mais le manque d’audace et d’impudence, indispensables pour s’en servir : c’est de n’avoir pas flatté vos oreilles par des choses agréables, de ne vous avoir pas offert le spectacle de Socrate pleurant et gémissant à vos pieds… Que d’autres accusés emploient ces moyens : ils sont indignes de moi.
Pour en avoir quelque preuve, ouvrons le dictionnaire de notre langue, et comparons ; quand on dit : le cliquetis des armes se fait entendre, le glouglou de la bouteille réjouit le buveur, le tictac du moulin résonne à l’oreille du meunier, le tonnerre gronde, le serpent siffle, la mouche bourdonne, le ruisseau murmure, la roue écrase, les pigeons roucoulent, les oiseaux gazouillent, quel rapport plus fidèle peut-il exister entre ces mots et la chose ou l’action qu’ils expriment ?
Esprit brillant, belle imagination, il fut le Malherbe de la prose : il a l’ampleur de la période, l’éclat du discours ; il sait choisir et ordonner les mots ; il orne de grandes pensées par des expressions magnifiques dont l’harmonie soutenue enchante l’oreille.
» Mais pour le petit nombre de ceux dont la tête est ferme, le goût délicat et le sens exquis, et qui comptent pour peu le ton, les gestes et le vain son des mots, il faut des choses, des pensées, des raisons ; il faut savoir les présenter, les nuancer, les ordonner : il ne suffit pas de frapper l’oreille et d’occuper les yeux, il faut agir sur l’âme, et toucher le cœur en parlant à l’esprit ».
Ses yeux sont vifs et bien ouverts, ses oreilles sont bien faites et d’une juste grandeur, sans être courtes comme celles du taureau ou trop longues comme celles de l’âne ; sa crinière accompagne bien sa tête, orne son cou et lui donne un air de force et de fierté ; sa queue traînante et touffue couvre et termine avantageusement l’extrémité de son corps : mais l’attitude de la tête et du cou contribue plus que celle de toutes les autres parties du corps à donner au cheval un noble maintien.