Cette règle est fondée non seulement sur l’opinion de tous les rhéteurs, mais encore sur la pratique des plus grands écrivains de tous les temps. […] Ces ouvrages sont ceux que le jugement des siècles, qu’une opinion bien prononcée, certaine, invariable, a placés au premier rang. […] Si le discernement est nécessaire dans les choses purement matérielles, que sera-ce lorsqu’il s’agit de former tout ce qui constitue l’homme moral, goût, jugement, opinions, sentiments et désirs ; que sera-ce quand il s’agit souvent de la foi, c’est-à-dire du bonheur dans le présent et dans l’avenir ?
Ce qui est certain, c’est que Xénophane traitait avec mépris les opinions populaires sur la divinité. […] Peut-être Aristote désigne-t-il ici le rôle d’Égée dans la Médée d’Euripide, v. 663-755, ce qui est l’opinion de Ritter peut-être veut-il parler de la manière dont Médée traitait Égée dans la pièce d’Euripide qui portait ce dernier nom.
Dites que c’était l’opinion : comme dans ce qui regarde les dieux. […] On peut dire encore ce que disait Glaucon : qu’il y a des esprits qui se préviennent de leur opinion, el qui ayant condamné un endroit et prononcé en eux-mêmes, cela est, rejettent sans examen tout ce qui est contraire à leur pensée. […] Mais si l’opinion des Céphaléniens est vraie, qu’Ulysse prit Pénélope chez eux, et que son beau-père se nommait Icadius, c’est l’erreur qui a occasionné la critique. En un mot, lorsqu’on voudra justifier un poète qui aura employé l’impossible, on se rejettera sur le privilège de la poésie, ou sur le mieux, ou sur l’opinion : sur le privilège de la poésie, qui préfère l’impossible vraisemblable au possible qui ne l’est point ; sur le mieux, parce que le modèle idéal du peintre doit être plus beau que la nature : les objets sont tels que les peignait Zeuxis ; sur l’opinion, qui admet l’incroyable : cela a pu arriver ainsi dans les temps éloignés. […] Il avait la même opinion du comédien Tindare.
Laissons de côté les opinions ; personne n’a le droit de les forcer ; mais réclamons, et réclamons avec courage, contre une proscription qui tient au défaut de mœurs plus qu’au défaut de goût ; et rappelons à la lecture et à l’admiration de ces chefs-d’œuvre ceux que le fond même des choses n’intéresserait que faiblement. […] Ses juges sont non seulement des hommes, mais des hommes prévenus d’opinions, de sentiments et de maximes absolument opposées aux sienues ; mais des parties intéressées, qu’il faut réduire à prononcer contre les affections les plus intimes de leur âme, contre leurs penchants les plus chers.
Combien de fois n’est-il pas arrivé que deux sentiments contraires se partagent notre âme, que deux opinions, deux points de vue différents divisent des individus ou une assemblée entière ? […] Ici l’on affirme ou l’on rappelle certaines idées, certains faits, tout en disant qu’on les passera sous silence, prétérition ; là, on feint de s’être laissé emporter à la passion, ou d’avoir mal apprécié les choses, et l’on revient à dessein sur ce que l’on a dit pour le fortifier, l’adoucir, le rétracter même et produire ainsi plus d’effet, correction, rétroaction, épanorthose ; on a l’air tantôt d’admettre jusqu’à un certain point les objections de l’adversaire et de reculer devant lui, pour reprendre bientôt après ou s’assurer immédiatement un avantage décisif, concession, préoccupation, prolepse ; tantôt de le consulter, d’entrer dans son opinion, de partager ses erreurs, afin de l’amener moins péniblement à l’aveu ou au repentir, communication ; plus loin, on semble mettre en question ce que l’on a déjà irrévocablement décidé, délibération ; ou encore s’enquérir de ce que l’on sait fort bien, interrogation ; si bien même que souvent, après avoir fait la demande, on fait la réponse, au lieu de l’attendre, subjection. […] L’expression d’un aveu ou d’une hésitation de bonne foi n’est pas plus une figure que celle d’un conseil, d’une demande, d’une plainte, d’un éloge, d’un remercîment, en un mot de tous les sentiments et de toutes les opinions humaines109.
. — En ce qui touche la célèbre purgation des passions par le drame, nous devons renvoyer d’abord à l’Essai sur l’Histoire de la Critique, p. 180 et suivantes, où nous avons exposé sur ce sujet une opinion que nous croyons devoir maintenir, malgré le dissentiment de plusieurs savants interprètes de la pensée d’Aristote, tels que M. […] Cette opinion a pour principal appui le témoignage d’Aristote lui-même, dans une page de sa Politique qu’on trouve ici réimprimée à la suite de la Poétique.
Il y a une sorte de politesse qui est nécessaire dans le commerce des honnêtes gens2 : elle leur fait entendre raillerie, et elle les empêche d’être choqués et de choquer les autres par de certaines façons de parler trop sèches et trop dures, qui échappent souvent sans y penser quand on soutient son opinion avec chaleur. […] Il n’est pas défendu de conserver ses opinions, si elles sont raisonnables.