Ces additions parasites défigurent beaucoup la période, elles embarrassent sa marche et brisent l’unité. […] L’esprit aime à s’élever par degré ; une marche rétrograde lui cause du déplaisir. […] Il serait trop absurde d’écrire un panégyrique dans un style cadencé, ou d’adapter les mots d’une tendre romance à l’air d’une marche guerrière. […] C’est la nature elle-même qui semble nous indiquer cette marche. […] Cette marche doit être spécialement suivie lorsque l’orateur défend une cause claire, et qu’il a la confiance de pouvoir pleinement en prouver la bonté.
Le classement par genres aurait eu par contre l’inconvénient de bouleverser outre mesure l’ordre des temps, de rompre l’unité et la marche d’un siècle : saint François de Sales, mort en 1622, n’eût pas été loin de Calvin et de Montaigne, et eût pris sa place avant Henri IV. […] Il n’y a rien d’efforcé, rien de traisnant ; tout y marche d’une pareille teneur : contextus virilis est ; non sunt circa flosculos occupati97. […] Je sais bien que vous avez vu ailleurs de plus dangereuses occasions et que vous avez souvent désiré des victoires plus sanglantes ; néanmoins, quelque grand objet que se propose votre ambition, elle ne sauroit rien concevoir de si haut, que de donner en même temps un successeur aux Consuls, aux Empereurs et aux Apôtres, et daller faire de votre bouche celui qui marche sur la tête des rois et qui a la conduite de toutes les âmes. […] Mais sur le premier bruit qui leur vient que Monsieur s’avance avec une armée et que le roi le suit de près, ils se retirent, ils se retranchent derrière Corbie, et quand ils apprennent que l’on ne s’arrête point, et que l’on marche à eux tête baissée, nos conquérants abandonnent leurs retranchemens. […] Dans sa phrase solide et pleine, dont la contexture rappelle la période latine, la pensée marche d’un mouvement serré et continu.
Toute approbation qui marche avant la sienne est un attentat sur ses lumières, dont il se venge hautement en prenant le contraire parti. […] L’Égypte, autrefois si sage, marche enivrée, étourdie et chancelante102, parce que le Seigneur a répandu l’esprit de vertige dans ses conseils ; elle ne sait plus ce qu’elle fait, elle est perdue. […] Quand il marche, tout se croit également menacé : un voyage tranquille devient tout à. coup une expédition redoutable à ses ennemis. […] Les étrangers, par intérêt, et les courtisans, par curiosité, s’épuisaient en conjectures ; l’Allemagne était alarmée : l’objet de ces préparatifs et de ces marches irrégulières était inconnu à tout le monde. […] Louvois, qui avait volé sur la frontière pour diriger toutes ces marches, vint lui apprendre que ces deux villes sont assiégées et prises.
Dans les recueils destinés aux classes de grammaire et aux classes supérieures des lettres, nous avons pensé qu’il convenait d’adopter, pour le classement des auteurs, l’ordre chronologique, comme favorable à l’exercice de la mémoire et susceptible d’ajouter à l’utilité de la lecture, en plaçant sous les regards, avec la marche insensible de notre idiome parvenu à sa maturité, le magnifique développement de notre littérature arrivée à son plus grand éclat. […] Il ne faut pas permettre à l’homme de se mépriser tout entier, de peur que, croyant avec les impies que notre vie n’est qu’un jeu où règne le hasard, il ne marche sans règle et sans conduite au gré de ses aveugles désirs. […] et si vous causez tant d’admiration sous vos tentes et dans votre marche, que sera-ce quand vous serez établis dans votre patrie ! […] Ce plan n’est pas encore le style, mais il en est la base, il le soutient, il le dirige, il règle son mouvement et le soumet à des lois ; sans cela, le meilleur écrivain s’égare, sa plume marche sans guide et jette à l’aventure des traits irréguliers et des figures discordantes. […] L’esprit humain ne peut rien créer ; il ne produira qu’après avoir été fécondé par l’expérience et la méditation ; ses connaissances sont les germes de ses productions : mais s’il imite la nature dans sa marche et dans son travail, s’il s’élève par la contemplation aux vérités les plus sublimes, s’il les réunit, s’il les enchaîne, s’il en forme un tout, un système par la réflexion, il établira sur des fondements inébranlables des monuments immortels.
J’adopte cette marche, parce que ce plaisir a un caractère plus particulier et plus distinct qu’aucun autre de ceux qui trouvent leur source dans l’imagination, et qu’il a un rapport plus direct avec l’objet principal de ces Lectures. […] J’ai suivi l’histoire du langage à travers ses différentes périodes ; je l’ai considéré dans sa structure originelle, dans la composition primitive des mots, et dans les manières diverses d’exprimer les pensées ; je vais maintenant l’envisager sous un autre point de vue, celui de l’ordre et de l’arrangement des mots ; nous remarquerons qu’à cet égard, la marche de ses progrès a été analogue à celle dont nous venons de suivre les traces. […] La marche progressive du langage ressemble, sous ce rapport, à celle de la vie. […] Mais je veux que le style, en sa marche pressée, Sans fatiguer l’oreille, y porte la pensée. […] Voyez maintenant comme cette phrase de sir William Temple marche avec aisance, et comme un intervalle gracieux y sépare chaque pause.
La grande vertu de la précision, c’est de donner à l’idée une allure dégagée, en coupant de droite et de gauche les mots qui embarrassent sa marche et ne permettent pas à l’esprit de la suivre : Est brevitate opus, ut currat sententia, neu se Impediat verbis lassas onerantibus aures.
Vauvenargues n’a pas ce courage intéressé qui aime la guerre pour l’avancement, pour ce qu’elle rapporte, et place l’héroïsme à intérêts ; ce qui lui plaît, c’est la mort qu’on brave, c’est l’emploi des qualités fortes, la fermeté, la patience, les nuits laborieuses, les longues marches, avec la faim et la soif pour compagnes, tout ce qui trempe l’âme, tout ce qui l’élève.