Il ne publia qu’à soixante ans l’Esprit des lois (1748), dont vingt-deux éditions traduites dans toutes les langues s’épuisèrent en dix-huit mois. […] À la finesse qui saisit les nuances les plus délicates, sa langue unit cette propriété d’expression qui les fixe, et cette clarté qui les rend visibles. […] Ceux qui m’ont connu savent que dans mes conversations je ne cherchais pas trop à le paraître, et que j’avais assez le talent de prendre la langue de ceux avec lesquels je vivais.
Bien moins châtié et soutenu que les modèles du dix-septième siècle (sa langue et son goût parurent, surtout au déclin de sa carrière, souffrir de son séjour à l’étranger), il a cependant conservé dans ses odes et dans ses cantates leur haute et saine inspiration. […] » Pour ce genre de poésies, dont Rousseau fit présent à notre langue, « il semble, comme l’a remarqué Le Brun, qu’il s’est plu à réserver toute la flexibilité de son beau talent : elles suffiraient pour le placer au plus haut rang, parce qu’il y développe toutes les qualités qui font le grand poëte ».
À voir en mouvement ces cohues d’idées, de passions, d’intérêts, d’hommes, on dirait les armées d’invasion des temps barbares qui, dans leur marche de torrent, charriaient avec elles les peuples de toutes les langues et de tous les climats. […] Depuis les deux grands noms qu’un siècle au siècle annonce, Jamais nom qu’ici-bas toute langue prononce Sur l’aile de la foudre aussi loin ne vola, Jamais d’aucun mortel le pied qu’un souffle efface N’imprima sur la terre une plus forte trace : Et ce pied s’est arrêté là... […] VI Ainsi, quand désertant sa bauge solitaire, Le sanglier, frappé de mort, Est là, tout palpitant, étendu sur la terre, Et sous le soleil qui le mord ; Lorsque, blanchi de bave et la langue tirée, Ne bougeant plus en ses liens, Il meurt, et que la trompe a sonné la curée À toute la meute des chiens, Toute la meute, alors, comme une vague immense, Bondit ; alors chaque mâtin Hurle en signe de joie, et prépare d’avance Ses larges crocs pour le festin ; Et puis vient la cohue, et les abois féroces Roulent de vallons en vallons ; Chiens courants et limiers, et dogues, et molosses, Tout s’élance, et tout crie : Allons ! […] Prends un siége, Cinna, prends, et sur toute chose Observe exactement la loi que je t’impose : Prête, sans me troubler, l’oreille à mes discours ; D’aucun mot, d’aucun cri, n’en interromps le cours ; Tiens ta langue captive ; et, si ce grand silence À ton émotion fait quelque violence, Tu pourras me répondre après tout à loisir : Sur ce point seulement contente mon désir.
Ce mot, que notre langue a emprunté au grec, ne se rencontre pas chez les auteurs avant Aristote.
Mes chers anciens Élèves, Voici une nouvelle Édition de l’ouvrage, où vous avez appris les principes de notre langue et de notre littérature.
Je savais que les langues que l’on y apprend sont nécessaires pour l’intelligence des livres anciens ; que la gentillesse des fables réveille l’esprit ; que les actions mémorables des histoires le relèvent, et qu’étant lues avec discrétion elles aident à former le jugement ; que la lecture de tous les bons livres est comme une conversation avec les plus honnêtes gens des siècles passés, qui en ont été les auteurs, et même une conversation étudiée en laquelle ils ne nous découvrent que les meilleures de leurs pensées ; que l’éloquence a des forces et des beautés incomparables ; que la poésie a des délicatesses et des douceurs très-ravissantes ; que les mathématiques ont des inventions très-subtiles, et qui peuvent beaucoup servir tant à contenter les curieux qu’à faciliter tous les arts et diminuer le travail des hommes ; que les écrits qui traitent des mœurs contiennent plusieurs enseignements et plusieurs exhortations à la vertu qui sont fort utiles ; que la théologie enseigne à gagner le ciel ; que la philosophie donne moyen de parler vraisemblablement1 de toutes choses et de se faire admirer des moins savants ; que la jurisprudence, la médecine et les autres sciences apportent des honneurs et des richesses à ceux qui les cultivent ; et enfin, qu’il est bon de les avoir toutes examinées, même les plus superstitieuses et les plus fausses2, afin de connaître leur juste valeur et se garder d’en être trompé. Mais je croyais avoir déjà donné assez de temps aux langues, et même aussi à la lecture des livres anciens, et à leurs histoires, et à leurs fables.
Πάθος (voy. le schol. sur l’Oreste d’Euripide, v. 1) est pris ici dans un sens pour lequel la langue française ne fournit pas d’équivalent.