Mais ce défaut (si c’en est un) est si heureusement compensé par des beautés du premier ordre, par ces développements profonds du cœur humain, par cette abondance de pensées fortes ou sublimes qui mettent le héros tout entier sous les yeux du lecteur, que l’on pardonne volontiers à l’historien de prendre la parole, et de se mettre à la place d’un personnage qui n’eût pas toujours été capable de parler aussi bien. […] Mais cet écrivain, qui sait prêter à ses héros tant de noblesse et de dignité, et nous inspirer tant de vénération pour eux, sait aussi nous attendrir sur leurs revers et pleurer avec nous sur leurs tombeaux.
Aussi rions-nous, et les Grecs eux-mêmes durent rire quelquefois de la plupart de ses dieux ; tandis qu’ils admiraient, et que nous admirons encore les actions et les discours de ses héros.
De là encore, l’origine de la poésie, inventée pour célébrer les héros.
Entre ses mains tout est foudre, tout est déluge, tout est Alexandre et César ; elle peut faire par un enfant, par un nain, ce qu’elle fait par les géants, par les héros.
« Le héros suédois, a dit M.
L’Arioste, en parlant d’un de ses héros, dit que dans la chaleur du combat, ne s’étant pas aperçu qu’on l’avait tué, il combattit toujours vaillamment. […] En voici un exemple divertissant : Au moment d’aborder sa péroraison, un prédicateur Lyonnais apercevant un chien qui rôdait dans l’église en cherchant son maître, et détournait visiblement l’attention de l’auditoire, s’interrompit pour dire au Suisse : héros de l’Helvétie, chassez ce symbole de la fidélité. Je ne dis rien de la seconde périphrase ; quant à la première, elle était bien malheureuse, car l’honnête artisan français qui faisait les fonctions de Suisse, n’était rien moins qu’un héros de l’Helvétie. […] 1° La prosopopée de langage, Fléchier dans l’oraison funèbre de Montausier le fait sortir du tombeau, et comme si l’orateur avait tort de donner des éloges à son héros, celui-ci s’écrie : « Laisse-moi reposer dans le sein de la vérité, et ne viens pas troubler ma paix par la flatterie que j’ai haïe. […] Le mélange de faits naturels et merveilleux, produit par l’intervention de la divinité dans la vie de son héros, fournit à l’auteur des descriptions charmantes que tout le monde sait par cœur.
Un nouveau monde vient d’éclore : L’univers se reforme encore Dans les abîmes du chaos ; Et pour réparer ses ruines, Je vois des demeures divines Descendre un peuple de héros. On a blâmé justement des yeux qui sont épouvantés par un pompeux spectacle, tandis que tous les autres sens sont enchantés, l’univers qui se reforme après qu’un nouveau monde vient d’éclore et un peuple de héros, qui descend des demeures divines pour réparer les ruines de ce nouvel univers : cette enflure dans la pensée comme dans l’expression s’appelle aussi Pathos. […] On y voit les dieux et les héros déguisés en bourgeois de Paris, mais tous avec leur propre caractère, dont Scarron a saisi le côté ridicule avec beaucoup de justesse et d’esprit.