Nul ne sait plus adroitement conduire une action, soutenir le rôle d’un personnage imaginaire, faire parler un caractère, peindre une physionomie, préméditer ses effets, les préparer dans leurs causes, émouvoir par la logique de ses combinaisons, créer d’emblée l’ensemble et les détails d’une fable, en un mot, construire un mécanisme si savant que le dénoûment se déduit comme une conséquence de ses prémisses.
Multipliez vos jours, comme les cerfs et les corbeaux que la fable ou l’histoire de la nature fait vivre durant tant de siècles ; durez autant que ces grands chênes sous lesquels nos ancêtres se sont reposés, et qui donneront encore de l’ombre à notre postérité ; entassez dans cet espace qui paraît immense, honneurs, richesses, plaisirs : que vous profitera cet amas, puisque le dernier souffle de la mort, tout faible, tout languissant, abattra tout à coup cette vaine pompe avec la même facilité qu’un château de cartes, vain amusement des enfants ?
Nous insérons dans le deuxième volume cette fable tout entière, que nous regardons comme une des plus admirables de l’auteur.
Cette longue comparaison est, je le crois, la vraie préparation de l’esprit à cette épopée de l’histoire, qui n’est pas condamnée à être décolorée, parce qu’elle est exacte et positive ; car l’homme réel qui s’appelle tantôt Alexandre, tantôt Annibal, César, Charlemagne, Napoléon, a sa poésie, comme les personnages de la fable qui s’appellent Achille, Énée, Roland ou Renaud.
C’est ainsi qu’il a lui-même défini sa fable.
Il a fait voir qu’il y avait de l’imposture partout, qu’il y avait des fables dans la philosophie, et que les philosophes n’étaient pas moins extravagants que les poëtes, mais que leur extravagance était plus grave et plus composée.
C’est ainsi que sont écrites presque toutes nos fables, depuis La Fontaine.