Cette nuit, dans l’erreur d’un songe, Au rang des dieux j’étais monté. Je vous aimais, Iris, et j’osais vous le dire : Les dieux, à mon réveil, ne m’ont pas tout ôté : Je n’ai perdu que mon empire.
Rendez-moi le soleil de la Grèce, les jeux, les combats des héros, ces temples où l’homme vouait un culte à son image divinisée par le ciseau d’un Phidias ; rendez-moi les sages se complaisant dans leur sagesse, et s’étudiant à se mettre par la force de leur âme au-dessus des accidents de la fortune et de la colère du ciel ; un Platon pénétrant jusque dans le sanctuaire des idées éternelles ; un Aristote embrassant dans sa vaste science la morale, la politique, tous les secrets de l’art et de la nature ; un Caton disposant de sa vie pour échapper à l’oppression ; un Socrate buvant la ciguë d’une âme calme et sereine, bien sûr que s’il y a des dieux, ce sont des dieux bons ; rendez-moi toutes les illusions, toutes les chimères du monde antique, si vous n’avez rien à mettre à la place qu’une sèche et désespérante anatomie des petitesses du cœur !
Homère, comme toujours et partout, y serait le premier, le plus semblable à un dieu ; mais derrière lui, et tels que le cortége des trois mages d’Orient, se verraient ces trois poëtes magnifiques, ces trois Homère longtemps ignorés de nous, et qui ont fait, eux aussi, à l’usage des vieux peuples d’Asie, des épopées immenses et vénérées, les poëtes des Indiens et des Persans2. […] Les problèmes en art, en science, en industrie, en tout ce qui est de la guerre ou de la paix, se posent pour nous tout autrement : nous avons l’étendue, la multitude, l’océan, tous les océans devant nous, des nations vastes, le genre humain tout entier ; nous sondons l’infini du ciel ; nous avons la clef des choses, nous avons Descartes, et Newton, et Laplace ; nous avons nos calculs et nos méthodes, nos instruments en tout genre, poudre à canon, lunettes, vapeur, analyse chimique, électricité : Prométhée n’a cessé de marcher et de dérober les Dieux.
C’est à eux que l’éloquence sacrée doit son origine et ses modèles en même temps : ce nouveau genre d’éloquence était absolument inconnu aux anciens ; et saint Augustin les défie de montrer aucun temple, aucune assemblée, où, par l’ordre et au nom de leurs Dieux, on fît un devoir aux hommes du mépris des richesses, de la fuite des honneurs et de l’horreur du luxe.
Lucien a fait aussi des dialogues pour censurer les vices des hommes, pour jeter du ridicule sur les faux dieux et sur les philosophes du paganisme. […] Chez les Latins, Cicéron nous a laissé les beaux traités de l’Amitié, de la Vieillesse, de la Nature des dieux, qui sont en dialogue.
Une dame de qualité lui disait un jour : Vous êtes si supérieur aux autres hommes, que, si l’on était dans le temps du paganisme, je vous adorerais comme le dieu de l’éloquence. — Dans la vérité du christianisme, répondit le sage orateur, l’homme n’a rien dont il puisse s’approprier la gloire.
Le monde fabuleux nous rappelle la mythologie, ses dieux antiques et ses héros imaginaires, 4. […] Qu’Agamemnon soit fier, superbe, intéressé ; Que pour ses Dieux Enée ait un respect austère ; Conservez à chacun son propre caractère.