Je visitai d’abord les peuples qui ne sont plus : je m’en allai m’asseoir sur les débris de Rome et de la Grèce, pays de forte et d’ingénieuse mémoire, où les palais sont ensevelis dans la poudre, et les mausolées des rois cachés sous des ronces. […] Déchue de sa puissance terrestre, elle semble, dans son orgueil, avoir voulu s’isoler ; elle s’est séparée des autres cités de la terre ; et, comme une reine tombée du trône, elle a noblement caché ses malheurs dans la solitude5. […] Sont-elles nobles, élevées, avouables ou égoïstes, misérables, bonnes à cacher loin de toute lumière ? […] Le roi brillant du jour, se couchant dans sa gloire, Descend avec lenteur de son char de victoire ; Le nuage éclatant qui le cache à nos yeux Conserve en sillons d’or sa trace dans les cieux, Et d’un reflet de pourpre inonde l’étendue.
Un sort caché fut toujours plus heureux3. […] Ainsi le poëte a su cacher sous les voiles d’une fable plaisante et frivole une très-grave et très-bonne leçon.
Nous citerons pour exemple une page de La Bruyère, prise dans son chapitre : De la mode : Iphis voit à l’église un soulier d’une nouvelle mode ; il regarde le sien et rougit : il ne se croit plus babillé ; il était venu à la messe pour se montrer, et il se cache : le voilà retenu par le pied tout le teste du jour. […] Style naïf Le Style naïf est celui dont les expressions paraissent plutôt trouvées que choisies, et qui, sous une apparence de simplicité, cache la grâce et l’esprit. […] Le Style fin ou spirituel « Le style fin ou spirituel montre la pensée à travers un voile, ou n’en présente qu’un côté, pour laisser au lecteur ou à l’auditeur le plaisir de deviner ce qu’on lui cache ; il emploie surtout l’allusion, la comparaison, l’antithèse, la suspension, etc. » (Filon.) C’est le style de Voltaire et de La Bruyère, à la plume duquel appartient le portrait suivant : L’Hypocrite Onuphre n’a pour tout lit qu’une housse de serge grise, mais il couche sur le coton et sur le duvet ; de même il est habillé simplement mais commodément, je veux dire d’une étoffe fort légère en été, et d’une autre fort moelleuse pendant l’hiver ; il porte des chemises très déliées, et qu’il a un très grand soin de bien cacher. […] Je le vois, malgré l’application que vous avez à me le cacher : tout demande vengeance et l’obtiendra : elle tombera sur vous et sur vos enfants ; et le fils d’un père injuste, et héritant de son crime, héritera aussi de ma colère.
Que dire des inexactitudes qui se glissent dans l’effort même que nous faisons pour être exacts, et de nos illusions dans l’emploi de ce que nous appelons les nuances, lesquelles, au lieu d’être des aspects différents de la pensée, ne sont souvent que de vaines images qui nous la cachent ! […] La réunion de ces diverses conditions, une certaine facilité apparente qui cache au lecteur jusqu’à la trace des efforts qu’elle a coûtés, voilà ce qui constitue un bon écrit, ou plutôt une chose écrite en français ; car je ne donne pas ici le secret du génie. […] Enfermés dans ce petit espace de jours précaires et comptés, quand la vie n’est plus que le dernier combat contre la mort, il nous en rappelle le commencement et nous en cache la fin.
Heureux qui, satisfait de son humble fortune, Libre du joug superbe où je suis attaché, Vit dans l’état obscur où les dieux l’ont caché ! […] Vous vous cachez, seigneur, et semblez soupirer ; Tous vos regards sur moi ne tombent qu’avec peine : Avons-nous sans votre ordre abandonné Mycène ? […] Pour achever la déconvenue du glorieux, le financier Lisimon rencontre chez son futur gendre le père caché avec tant de soin. […] Le Comte de Tufières avait voulu cacher à tous les yeux ce père malencontreux qui vient déranger ses vanteries ; il avait même voulu le dérober aux yeux de son valet, qu’il s’était hâté de congédier dès qu’il avait vu entrer son père. […] Tout ce discours ne tend qu’à cacher votre gloire.
Comparez cette page de Xavier de Maistre pleurant la mort d’un ami : « La nature, indifférente de même au sort des individus, remet sa robe brillante du printemps, et se pare de toute sa beauté autour du cimetière où il repose ; les arbres se couvrent de feuilles, et entre acent leurs branches ; les oiseaux chantent sous le feuillage ; les mouches bourdonnent parmi les fleurs : tout respire la joie et la vie dans le séjour de la mort ; et, le soir, tandis que a lune brille dans le ciel, et que je médite près de ce triste lieu, j’entends le grillon poursuivre gaiement son chant infatigable, caché dans l’herbe qui couvre la tombe silencieuse de mon ami. […] Un poëte qui n’a pas fait beaucoup le bruit dans le monde ; car il pratiquait volontiers cette maxime d’un sage : Le bruit ne fait pas de bien, le bien ne fait pas de bruit. — Esprit vraiment démocratique, dans le sens le plus pur et le plus sincère de ce mot, ami des choses simples, des vertus cachées, des existences laborieuses, esprit indépendant s’il en fut, il n’a jamais flatté personne, ni les grands, ni les petits. » 1.
Nulle route, nulle communication, nul vestige d’intelligence dans ces lieux sauvages ; l’homme, obligé de suivre les sentiers de la bête farouche, s’il veut les parcourir, contraint de veiller sans cesse pour éviter d’en devenir la proie, effrayé de ses rugissements, saisi du silence même de ces profondes solitudes1, rebrousse chemin et dit : La nature brute est hideuse et mourante ; c’est moi, moi seul qui peux la rendre agréable et vivante : desséchons1 ces marais, animons ces eaux mortes en les faisant couler ; formons-en des ruisseaux, des canaux ; employons cet élément actif et dévorant qu’on nous avait caché, et que nous ne devons qu’à nous-mêmes ; mettons le feu à cette bourre superflue, à ces vieilles forêts déjà à demi consommées ; achevons de détruire avec le fer ce que le feu n’aura pu consumer : bientôt au lieu du jonc, du nénuphar dont le crapaud composait son venin, nous verrons reparaître la renoncule, le trèfle, les herbes douces et salutaires ; des troupeaux d’animaux bondissants fouleront cette terre jadis impraticable ; ils y trouveront une subsistance abondante, une pâture toujours renaissante ; ils se multiplieront pour se multiplier encore : servons-nous de ces nouveaux aides pour achever notre ouvrage ; que le bœuf, soumis au joug, emploie ses forces et le poids de sa masse à sillonner la terre ; qu’elle rajeunisse par la culture ; une nature nouvelle va sortir de nos mains2 Qu’elle est belle, cette nature cultivée ! […] Aux avantages de la nature, le cygne réunit ceux de la liberté ; il n’est pas du nombre de ces esclaves que nous puissions contraindre ou renfermer : libre sur nos eaux, il n’y séjourne, ne s’y établit qu’en jouissant d’assez d’indépendance pour exclure tout sentiment de servitude et de captivité ; il veut à son gré parcourir les eaux, débarquer au rivage, s’éloigner au large, ou venir, longeant la rive, s’abriter sous les bords, se cacher dans les joncs, s’enfoncer dans les anses les plus écartées ; puis, quittant sa solitude, revenir à la société, et jouir du plaisir qu’il paraît prendre et goûter en s’approchant de l’homme, pourvu qu’il trouve en nous ses hôtes et ses amis, et non ses maîtres et ses tyrans1. […] Je lis dans Joubert : « Buffon a du génie pour l’ensemble, et de l’esprit pour les détails ; mais il y a en lui une emphase cachée, un compas toujours trop ouvert. » 2. […] Si vous employez l’art, cachez-le si bien par l’imitation, qu’on le prenne pour la nature même.