Madame de La Fayette le ramena dans des voies plus délicates et plus vraies par la Princesse de Clèves ; Scarron, par son Roman comique, mérite aussi d’être mentionné pour avoir esquissé quelques scènes amusantes et naturelles.
En voulant se justifier, Sansy, le renégat qu’il met en scène, fait son procès et celui des siens.
Mais bientôt émues elles-mêmes par ces scènes religieuses de lumière et d’ombre, et surtout par le sentiment du tombeau de Jean-Jacques, elles se mirent à chanter une romance ; leurs voix douces, se mêlant aux chants lointains des rossignols1 me firent sentir que s’il y avait des harmonies entre la lumière de l’astre des nuits et les forêts, il y en avait encore de plus touchantes entre la vie et la mort.
Que fait le cheval au milieu de cette scène sanglante ? […] Une scène se prépare plus intéressante mille fois que toutes celles que l’art invente à grands frais pour vous amuser ou vous distraire. […] Des pins, des noyers sauvages, des rochers taillés en forme de fantômes écorent la scène. […] Si l’on disait : Vient, horrible, éclairer la scène du carnage. […] Mais la grâce est toujours unie à la magnificence dans les scènes de la nature.
Le texte de l’histoire doit être dans la forme indirecte, c’est-à-dire que l’historien raconte ce qui a été dit ou fait par les acteurs qu’il introduit sur la scène ; il ne doit point les faire parler eux-mêmes. […] Il faudrait présenter non seulement les rapports des causes et des effets qui occupent la scène du monde, mais encore les germes plus ou moins développés des catastrophes réservées aux siècles suivants.
Cet autre2 vient après un homme loué, applaudi, admiré, dont les vers volent en tous lieux et passent en proverbe, qui prime, qui règne sur la scène, qui s’est emparé de tout le théâtre ; il ne l’en dépossède pas, il est vrai, mais il s’y établit avec lui, le monde s’accoutume à en voir faire la comparaison. […] Vous l’abordez une autre fois, et il ne s’arrête pas ; il se fait suivre, vous parle si haut que c’est une scène pour ceux qui passent.
Cependant on a vu des critiques, qui faisant un parallèle entre les deux maîtres de notre scène, n’ont pas craint de ne citer que les endroits médiocrement beaux de Corneille ; de citer les plus beaux qu’ils avaient pu trouver dans Racine, et de se prévaloir de ces exemples, pour donner la préférence à ce dernier.
Voulez-vous, madame, une esquisse des scènes qui s’y passent à présent ?
Fléchier, par exemple, dans l’oraison funèbre de Turenne : « N’attendez pas de moi, Messieurs, que j’ouvre à vos yeux une scène tragique ; que je vous montre ce grand homme étendu sur ses propres trophées ; que je vous découvre ce corps pâle et sanglant, auprès duquel fume encor la foudre qui l’a frappé ; que je fasse crier son sang comme celui d’Abel ; que je rassemble à vos yeux les tristes images de la Religion et de la Patrie éplorées.
On sait que Roucher, l’auteur des Mois, périt avec lui, et que tous deux, allant au supplice, consolèrent leurs derniers moments en récitant la première scène de l’Andromaque de Racine.
C’est un théâtre, un spectacle nouveau, Où tous les morts, sortant de leur tombeau Viennent encor, sur une scène illustre, Se présenter à nous dans leur vrai lustra, Et du public, dépouillé d’intérêt, Humbles acteurs, attendre leur arrêt.
Lisez les scènes qui suivent, dans la traduction de M.
Quel fracas d’événements sinistres à peindre, de révolutions désastreuses à retracer, de grandes scènes d’infortunes à déployer !
Quel intérêt n’acquiert pas une narration des circonstances du lieu et du temps où la scène se passe !
Assis près de Roucher sur la charrette qui les portait à l’échafaud, il récitait à son ami une scène d’Andromaque.
Quelques bouquets de fleurs te rendaient-ils si vaine, Pour venir nous verser de vrais pleurs sur la scène, Lorsque tant d’histrions et d’artistes fameux, Couronnés mille fois, n’en ont pas dans les yeux ?
N’attendez-pas, messieurs, que j’ouvre ici une scène tragique, que je représente ce grand homme étendu sur ses propres trophées, que je découvre ce corps pâle et sanglant auprès duquel fume encore la foudre qui l’a frappé, que je fasse crier son sang comme celui d’Abel3, et que j’expose à vos yeux les tristes images de la religion et de la patrie éplorées.
Jetez un vaisseau en péril sur cette scène de la mer, tout change : on ne voit plus que le vaisseau.
C’est ainsi que Virgile a pris dans le poème des Argonautes, d’Apollonius de Rhodes, l’idée de l’épisode de Didon, même avec assez de détails ; c’est ainsi que Corneille a imité Sénèque dans la scène d’Auguste avec Cinna ; que Voltaire, dans la Mort de César, a embelli Shakespeare, etc.
Je me suis abstenu de toute note admirative et j’ai admis avec une grande sobriété quelques éclaircissements étymologiques et les explications qui m’ont paru indispensables, soit pour indiquer l’intérêt tout particulier qui s’attache à un morceau, soit pour marquer la place d’une scène ou d’un fragment dans une composition dramatique. […] Les députés de l’empereur de Constantinople se trouvèrent, présents à cette scène ; ils purent raconter à la Grèce la merveille d’un trépas que Socrate aurait admiré. […] Mais ces plumes brillantes, qui surpassent en éclat les plus belles couleurs, se flétrissent aussi comme elles, et tombent chaque année ; le paon, comme s’il sentait la honte de sa perte, craint de se faire voir dans cet état humiliant et cherche les retraites les plus sombres pour s’y cacher à tous les yeux, jusqu’à ce qu’un nouveau printemps, lui rendant sa parure accoutumée, le ramène sur la scène pour y jouir des hommages dus à sa beauté : car on prétend qu’il en jouit en effet ; qu’il est sensible à l’admiration ; que le vrai moyen de l’engager à étaler ses belles plumes, c’est de lui donner des regards d’attention et des louanges ; et qu’au contraire, lorsqu’on paraît le regarder froidement et sans beaucoup d’intérêt, il replie tous ses trésors, et les cache à qui ne sait point les admirer. […] La scène tumultueuse me paraissait plutôt occasionnée par un combat d’animaux, mis aux prises accidentellement, mais dont la lutte en se prolongeant propage de plus en plus le tumulte. […] SCÈNE VIII ANDROMAQUE, CÉPHISE.
Ils font voler les armées comme les grues et tomber les murailles comme des cartons : ils ont des ponts sur toutes les rivières, des routes secrètes dans toutes les montagnes, des magasins immenses dans les sables brûlants : il ne leur manque que le bon sens. » On peut aussi comparer Molière dans la scène 1re de la Comtesse d’Escarbagnas.
Mais bientôt émues elles-mêmes par ces scènes religieuses de lumière et d’ombre, et surtout par le sentiment du tombeau de Jean-Jacques, elles se mirent à chanter une romance ; leurs voix douces, se mêlant aux chants lointains des rossignols1, me firent sentir que, s’il y avait des harmonies entre la lumière de l’astre des nuits et les forêts, il y en avait encore de plus touchantes entre la vie et la mort.
Ce ne fut pas impunément qu’il parut sur la scène, obéré de dettes, maudit par son père, voué à une sorte de réprobation qui l’empêcha de faire tout le bien qu’il voulait.
La description colorée, énergique, qui fait d’un tableau une scène vivante, comme, par exemple, la tirade d’Andromaque que nous venons de citer, a pris le nom d’hypotypose.
Que dites-vous de l’énergique entrée en scène d’Attila : Ils ne sont pas venus nos deux rois !
Elle détermine le lieu de la scène, fait connaître les personnages et explique tous les antécédents nécessaires à la clarté du récit.
Son imagination évoque les scènes et ressuscite les acteurs avec tant de puissance qu’il nous donne l’impression de la réalité même.
Un homme du peuple a été témoin d’une scène qui a profondément remué les rudes fibres de son être, d’une lutte par exemple, d’un meurtre, d’un suicide.
Cette naïveté de l’apologue ne permet point de mettre sur la scène des êtres métaphysiques, et d’y présenter, comme l’a fait La Motte, dom Jugement, Dame Mémoire, Demoiselle Imagination. […] Cette action étant champêtre, le lieu de la scène ne peut être qu’à la campagne. […] L’émail des prairies, les bocages paisibles, les moissons jaunissantes, les fleurs, les fontaines, les oiseaux, la fraîcheur du matin, le soir d’un beau jour, en un mot, la scène variée des campagnes doit seule fournir au poète le sujet de ses tableaux et de ses images.
Quelles sont, en effet, les scènes de la nature qui élèvent davantage notre esprit, et nous impriment de plus grandes sensations ? […] Voilà aussi pourquoi les scènes nocturnes sont presque toujours sublimes. […] Le vert, par exemple, peut nous sembler plus agréable, parce qu’il se lie, dans notre imagination, à des scènes ou à des aspects champêtres ; le blanc nous rappelle l’innocence, et le bleu la sérénité du ciel. […] C’est à saisir les beautés de détails de scènes aussi magnifiques, que ceux qui veulent les décrire en vers doivent exercer leur œil et leur goût. […] La première, c’est que, dans le cours d’une phrase, la scène ne change que le moins qu’il est possible.
Voyez Racine ; quand il est forcé de mettre en scène des personnages moins tragiques, moins intéressants que les autres, ne sait-il pas les faire passer à la faveur de cette élégance soutenue, qui souvent donne un charme aux idées les plus vulgaires, aux détails les plus insignifiants ?
Si vous la trouvez dans la scène où Phèdre avoue son amour à Hippolyte, en paraissant ne parler que de Thésée, pourquoi ne la verrais-je pas dans ces portraits des moralistes, des romanciers, des satiriques, qui cachent à demi d’un voile allégorique l’image d’un individu réel ?
Là, sur la scène, en habits dramatiques, Brillent prélats, ministres, conquérants.
Madame de Sévigné, qui pourtant n’a pas vu cette scène, la peint au vif par la clairvoyance d’une imagination divinatrice.
Les admirations contemporaines les plus unanimes et les mieux méritées ne peuvent rien contre ; la résignation la plus humble, comme la plus opiniâtre résistance, ne hâte ni ne retarde ce moment inévitable, où le grand poëte, le grand écrivain entre dans la postérité, c’est-à-dire où les générations dont il fut le charme et l’âme cédant la scène à d’autres, lui-même il passe de la bouche ardente et confuse des hommes à l’indifférence, non pas ingrate, mais respectueuse qui, le plus souvent, est la dernière consécration des monuments accomplis.
Si elle ne te retient pas, meurs : tu n’es qu’un méchant. » Étudiez nos grands tragiques ; dans plusieurs scènes admirables, ils vous offriront ce genre de beauté. […] Au lieu de faire vous-même l’énumération, de rappeler ce que vous avez dit, et en quel lieu vous l’avez dit, vous pouvez en charger quelque autre personnage, ou quelque objet inanimé que vous mettez en scène. […] Un héros, sur la scène, dit qu’il a essuyé une tempête, qu’il a vu périr son ami. […] — À personne. » Le dialogisme, selon quelques anciens, consiste le plus souvent à donner à chacun de ceux que l’on met en scène le langage convenable à sa situation. […] 5º La topographie nous fait voir le lieu de la scène, un temple, un palais, un paysage, etc.
Si l’on veut comprendre la nature de l’insinuation, qu’on relise la scène entre Narcisse et Néron, au quatrième acte de Britannicus, et, en fait d’exorde, celui du second discours de Cicéron contre Rullus.
Depuis la fameuse scène du Bourgeois gentilhomme sur la prononciation des lettres, il semble qu’aussitôt qu’on parle voyelles ou consonnes, on se trouve dans la position des augures de Cicéron qui ne pouvaient se regarder sans rire.
Cependant, on a vu des critiques qui, faisant un parallèle entre les deux maîtres de notre scène tragique, n’ont pas craint de ne citer que des passages médiocres de Corneille, d’y opposer les plus beaux qu’ils avaient pu trouver dans Racine, et de se prévaloir de ces exemples pour donner une préférence exclusive à ce dernier : c’est là évidemment manquer, en fait de critique, à toutes les règles de l’équité.
Je vis en même temps comme une main qui me vint prendre par les cheveux de ma tête : l’esprit m’enleva entre la terre et le ciel, et me transporta à Jérusalem, à l’entrée de la porte septentrionale du parvis intérieur, où était placée l’idole de Jalousie, etc. » Le Seigneur fait voir à Ézéchiel, dans l’intérieur de chaque maison, les divers attentats qui s’y commettent, et lui dit, à chaque nouvelle scène d’horreur : Tourne les yeux, et tu verras des abominations plus grandes encore.
Le moraliste qui peint les travers de la société vivante, l’écrivain qui retrace quelque grande scène de la nature, prennent leurs sujets dans le monde existant ; l’annaliste s’empare du monde historique, le romancier vit dans le monde idéal ; quant au monde fabuleux, il est aujourd’hui presque abandonné.
Dans la Henriade, lorsque Henri IV raconte à Élisabeth les troubles de la France, après lui avoir parlé de la sécurité fatale dans laquelle vivaient les protestants, et lui avoir exprimé la douleur qu’il ressentit a la mort de sa mère Jeanne d’Albret, il passe de là au récit de la mort de Coligny ; il amène ce sanglant épisode par deux vers, qui préparent le lecteur à cette scène dramatique : Ma mère enfin mourut, pardonnez à des pleurs Qu’un souvenir si tendre arrache à mes douleurs.
Mais attendez un moment : voici une autre scène.
Sur lui-même Si parfois de mon sein s’envolent mes pensées, Mes chansons par le monde en lambeaux dispersées2 ; S’il me plaît de cacher l’amour et la douleur Dans le coin d’un roman ironique et railleur3 ; Si j’ébranle la scène avec ma fantaisie ; Si j’entre-choque aux yeux d’une foule choisie D’autres hommes comme eux, vivant tous à la fois De mon souffle, et parlant au peuple avec ma voix ; Si ma tête, fournaise où mon esprit s’allume, Jette le vers d’airain qui bouillonne et qui fume Dans le rhythme profond, moule mystérieux D’où sort la strophe ouvrant ses ailes dans les cieux ; C’est que l’amour, la tombe, et la gloire et la vie, L’onde qui fuit, par l’onde incessamment suivie, Tout souffle, tout rayon, ou propice ou fatal, Fait reluire et vibrer mon âme de cristal1, Mon âme aux mille voix, que le Dieu que j’adore Mit au centre de tout comme un écho sonore2 !
Que de fois n’a-t-il pas dit : « Tout se prépare pour un changement de scène, et pour moi, je crois toucher à la catastrophe de ce drame terrible. » Lire une excellente étude de M.
Tous les siècles qui ont coulé jusqu’à nous, vous les regarderiez comme des instants fugitifs ; tous les peuples qui ont paru et disparu dans l’univers, toutes les révolutions d’empires et de royaumes, tous les grands événements qui embellissent nos histoires, ne seraient pour vous que les différentes scènes d’un spectacle que vous auriez vu finir en un jour. […] Regardez le monde tel que vous l’avez vu dans vos premières années, et tel que vous le voyez aujourd’hui : une nouvelle cour a succédé à celle que nos premiers ans ont vue ; de nouveaux personnages sont montés sur la scène ; les grands rôles sont remplis par de nouveaux acteurs ; ce sont de nouveaux événements, de nouvelles intrigues, de nouvelles passions, de nouveaux héros dans la vertu comme dans le vice, qui font le sujet des louanges, des dérisions, des censures publiques.
Racine, Andromaque, scène dernière. […] Voltaire nous fait connaître le moment où Égisthe attaque Polyphonte, dans une des scènes de sa tragédie de Mérope (acte V, sc.
Au théâtre, il tient sa place au-dessous de Corneille et de Racine dont il continue la tradition, tout en cherchant à introduire sur la scène plus d’action, plus de mouvement, des effets pathétiques, des allusions philosophiques, et le savoir faire d’une industrie timide qui corrige Shakespeare.
Vous y mettrez un grand fleuve avec des cataractes, traversé par un grand pont à plusieurs arcades, et des bosquets de palmiers ; vous ferez jouer sur le tout les rayons du soleil couchant, et vous animerez la scène par l’éclat des éclairs et le fracas du tonnerre. […] Loin du fracas des villes… nous vivons paisiblement au milieu des champs. — Examinez la scène du matin. — Le soleil va se lever, — le rossignol chante sa dernière gamme — … Les collines se dessinent à l’horizon — … L’homme des champs s’éveille, il vaque à ses travaux ainsi que sa compagne54 — … Cependant le soleil… l’ombre fuit — … Le vent fraîchit… les fleurs boivent la rosée — …Oh ! […] Mais la grâce est toujours unie à la magnificence dans les scènes de la nature, et tandis que le courant du milieu entraîne vers la mer les cadavres des pins et des chênes, on voit, sur les deux courants latéraux remonter le long des rivages des îles flottantes de Pistia et de Nénuphar, dont les roses jaunes s’élèvent comme de petits pavillons. […] Vous vous souvenez que cette seconde composition n’est autre chose que la perfection de la première, et qu’il y a tableau sous deux conditions principales : 1º C’est que le lecteur puisse embrasser tous les détails d’un seul coup d’œil. 2º C’est que l’objet décrit se présente aux yeux comme sur une scène ou sur une toile. […] Déjà Léonidas avait détruit les troupes d’Hydarnès, général perse, lorsque le soleil, en paraissant sur l’horizon, éclaira cette épouvantable scène et lit voir en même temps le petit nombre des vainqueurs.
» Souvent, par l’allusion, le personnage mis en scène rappelle à son insu aux lecteurs un fait qu’ils connaissent, mais auquel ils ne songeaient pas, parce que, au moment où se passe l’action, ce fait est encore dans l’avenir.
Là sur la scène, un habit dramatique, Brillent prélats, ministres, conquérants.
Au théâtre, il tient sa place au-dessous de Corneille et de Racine dont il continue la tradition, tout en cherchant à introduire sur la scène plus d’action, plus de mouvement, des effets pathétiques, des allusions philosophiques, et le savoir-faire d’une industrie timide qui corrige Shakespeare.
Racine a très-heureusement fait servir ce lieu commun à l’éloge du grand Corneille : En quel état se trouvait la scène française lorsqu’il commença à travailler ! […] Dans cette enfance, ou pour mieux dire, ans ce chaos du poëme dramatique parmi nous, votre illustre frère… inspiré d’un génie extraordinaire et aidé de la lecture des anciens, fit voir sur la scène la raison, mais la raison accompagnée de toute la pompe, de tous les ornements dont notre langue est capable… La scène retentit, encore des acclamations qu’excitèrent à leur naissance le Cid, Horace, Cinna, Pompée. […] Un parfait modèle de cet art et de cette mesure, c’est la scène VI du IVe acte de l’Iphigénie en Aulide ; il faut voir avec quel soin les emportements de la passion sont préparés et amenés par le poëte. […] Rien n’est superflu de ce qui contribue à faire assister le malheureux Thésée à la scène touchante que rappelle Théramène. […] Au lieu de faire vous-même l’énumération, de rappeler ce que vous avez dit, et eu quel lieu vous l’avez dit, vous pouvez en charger quelque autre personnage, ou quelque objet inanimé que vous mettez en scène.
La harangue historique est un discours qu’on trouve chez les historiens, quand ils cèdent la parole au personnage qu’ils ont mis en scène. […] C’est à ce mot que finit l’exposition : car tout est en scène, le héros, son ennemi, et le lieu du combat.
Quand notre âme est livrée à de vives émotions, les images et les sentiments qui la dominent donnent à la pensée un degré d’animation telle, que tout se passe pour ainsi dire en scène dans le grand théâtre de l’intelligence. […] La raison de cet arrangement, c’est que l’auditeur étant frappé tout d’abord par la mise en scène de l’objet principal, si le verbe, ou d’autres mots essentiels sont renvoyés à la fin, il est obligé de soutenir son attention jusqu’au terme final, qui est comme la solution ou le dénouement de tout ce qui précède.
Protecteur des lettres, il proscrira les jeux de la scène, et mettra un jour l’interdit sur toutes les presses de son royaume.
(Racine, Esther, acte II, scène 1.)
Voulez-vous d’autres scènes prises aux sociétés vieillies ?
Là, sur ce théâtre changeant et mobile, où la scène varie à chaque instant ; où, sous les apparences du repos, règne le mouvement le plus rapide : dans cette légion d’intrigues cachées, de perfidies ténébreuses, de méchanceté profonde et réfléchie : dans cette région, où l’on respecte, sans estimer ; où l’on applaudit, sans approuver ; où l’on sert, sans aimer ; où l’on nuit, sans haïr ; où l’on s’offre par vanité ; où l’on se promet par politique ; où l’on se donne par intérêt : où l’on s’engage sans sincérité ; où l’on se retire, où l’on s’abandonne sans bienséance et sans pudeur : dans ce labyrinthe de détours tortueux, où la prudence marche au hasard ; où la route de la prospérité mène si souvent à la disgrâce ; où les qualités nécessaires pour avancer, sont souvent un obstacle qui empêche de parvenir ; où vous n’évitez le mépris, que pour tomber dans la haine ; où le mérite modeste est oublié, parce qu’il ne s’annonce pas ; où le mérite qui se produit, est écarté, opprimé, parce qu’on le redoute ; où les heureux n’ont point d’amis, puisqu’il n’en reste point aux malheureux : là, dès les premiers pas que l’abbé de Fleuri fait dans ces sentiers embarrassés, on croirait qu’il les a parcourus mille fois… Il apporte à la cour les talents qu’on vient y chercher ; il n’y prend aucun des vices qu’elle a coutume de donner… Les sociétés du goût le plus fin, le plus délicat et le plus difficile, le reçoivent, l’appellent et l’invitent… Il se concilie tous les esprits ; il obtient tous les suffrages ». […] Cette fleur naissante, et dont les premiers jours étaient si brillants, est moissonnée69 ; et si la cruelle mort se contente de menacer celui qui est encore attaché à la mamelle, ce reste précieux que Dieu voulait nous sauver de tant de pertes, ce n’est que pour finir cette triste et sanglante scène, par nous enlever le seul des trois princes70, qui nous restait encore, pour présider à son enfance, et le conduire ou l’affermir sur le trône ».
Quelquefois un mot a suffi pour indiquer une situation, ou pour inspirer une scène du plus grand effet.