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114. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Sainte-Beuve. Né en 1804. » pp. 566-577

On se dit, comme Voltaire dans ces vers délicieux : Jouissons, écrivons, vivons, mon cher Horace ! …………… J’ai vécu plus que toi ; mes vers dureront moins ; Mais au bord du tombeau, je mettrai tous mes soins À suivre les leçons de ta philosophie, À mépriser la mort, en savourant la vie, À lire tes écrits pleins de grâce et de sens, Comme on boit d’un vin vieux qui rajeunit les sens.

115. (1883) Poétique et Rhétorique (trad. Ruelle)

Par exemple, on louera Achille d’avoir été au secours de Patrocle, son ami, sachant qu’il doit mourir lorsqu’il pourrait vivre. […] Le fait même de vivre ; aucun bien ne dût-il en être la conséquence, celui-ci serait encore à rechercher pour lui-même. […] De même une chose plus utile à plusieurs fins, comme ce qui l’est à la fois pour vivre et pour vivre heureux, pour le plaisir et pour les belles actions. […] De même les hommes justes : or nous supposons doués de cette qualité ceux qui ne vivent pas aux dépens des autres ; tels sont ceux qui vivent de leur travail et, parmi eux, ceux qui vivent de l’agriculture, et parmi les autres, principalement ceux qui travaillent de leurs mains. […] Ils vivent plutôt par le souvenir que par l’espoir ; car il leur reste peu de temps à vivre, et leur vie passée est déjà longue : or l’espérance a trait à l’avenir, et le souvenir au passé.

116. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Bossuet, 1627-1704 » pp. 89-123

Pour moi, s’il m’est permis, après tous les autres, de venir rendre les derniers devoirs à ce tombeau, ô prince, le digne sujet de nos louanges et de nos regrets, vous vivrez éternellement dans ma mémoire ; votre image y sera tracée, non point avec cette audace qui promettait la victoire ; non, je ne veux rien voir en vous de ce que la mort y efface ; vous aurez dans cette image des traits immortels : je vous y verrai tel que vous étiez à ce dernier jour, sous la main de Dieu, lorsque sa gloire sembla commencer à vous apparaître. […] Les lois qu’il vous a données sont que, parmi vos sujets, votre puissance ne soit formidable qu’aux méchants, et que vos autres sujets puissent vivre en paix et en repos, en vous rendant obéissance. […] Priez, Sire, ce grand Dieu2 qu’il vous fasse cette grâce, et que vous puissiez accomplir ce beau précepte de saint Paul3, qui oblige les rois à faire vivre les peuples autant qu’ils peuvent, doucement et paisiblement, en toute sainteté et chasteté. […] Multipliez vos jours, comme les cerfs que la fable ou l’histoire de la nature fait vivre durant tant de siècles ; durez autant que ces grands chênes sous lesquels nos ancêtres se sont reposés, et qui donneront encore de l’ombre à notre postérité ; entassez dans cet espace, qui paraît immense, honneurs, richesses, plaisirs : que vous profitera cet amas, puisque le dernier souffle de la mort, tout faible, tout languissant, abattra tout à coup cette vaine pompe avec la même facilité qu’un château de cartes, vain amusement des enfants ?

117. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Style — [Introduction] » pp. 18-20

Ernest Hello, la parole humaine ayant pour loi, comme la vie et la pensée, la vérité, puisque l’homme doit vivre dans la vérité, penser comme il vit et parler comme il pense.

118. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre X. du commencement  » pp. 131-145

Voici l’un : « Dans une bourgade de la Manche, dont je ne veux pas me rappeler le nom, vivait, il n’y a pas longtemps, un hidalgo… » ; et voici l’autre : « Blas de Santillane, mon père, après avoir longtemps porté les armes, se retira dans la ville où il avait pris naissance. […] je vis, et je me réjouis de vivre, puisque je vois Asprenas accusé ! 

119. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Principes de rhétorique. — Chapitre V. De la disposition. »

« Quel sera le crime de l’homme du roi, qui, trompé dès le début de son expédition, frustré de la moitié des forces qu’on s’était engagé à lui fournir, enchaîné bientôt par une puissance absolue, dépourvu de tous moyens, sans vivres, sans argent, sans vaisseaux, sans soldats, traversé par mille obstacles, oublié de sa cour, tandis que les ennemis recevaient des renforts multipliés de la leur ; malgré l’excessive infériorité de ses forces, malgré l’esprit de sédition et de vertige répandu dans une armée qui n’a ni solde, ni nourriture ; malgré la désertion journalière et la défection totale de cette armée sans cesse quittant ses drapeaux pour aller joindre l’ennemi, trouve moyen de faire la guerre pendant trois ans sans interruption ; prend dix places, en manque une, et la manque parce que son escadre l’abandonne et laisse la mer libre à l’escadre ennemie ; gagne dix batailles, en perd une, et la perd, parce qu’une partie de ses troupes disparaît au commencement de l’action, et le laisse sur le champ de bataille, au moment où il fond sur l’ennemi ; dispute le terrain pied à pied ; lorsqu’il ne peut plus se défendre, tient pendant cinq mois en échec des forces vingt fois supérieures aux siennes ; et après avoir épuisé toutes les ressources que son zèle et son imagination pouvaient lui suggérer, après avoir payé et nourri de son argent le peu de troupes qui lui restait, est enfin obligé de rendre une ville2 bloquée par terre et par mer, une ville prise par la famine, où il ne restait pas un grain de riz, où l’on avait mangé les arbres et le cuir, sans autre défense, en un mot, que quelques canonniers, et une poignée de soldats, qui n’avaient plus la force de remuer un canon, même pas celle de se trainer jusqu’aux remparts. […] « Pour moi, s’il m’est permis, après tous les autres, de venir rendre les derniers devoirs à ce tombeau, ô prince, le digne objet de nos louanges et de nos regrets, vous vivrez éternellement dans ma mémoire ; votre image y sera tracée, non point avec cette audace qui promettait la victoire ; non, je ne veux rien voir en vous de ce que la mort y efface ; vous aurez dans cette image des traits immortels ; je vous y verrai tel que vous étiez à ce dernier Jour, sous la main de Dieu, lorsque sa gloire sembla commencer à vous apparaître.

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