Le théâtre n’est autre chose que le jeu des passions, c’est-à-dire la vie humaine avec ses combats divers. […] Les larmes en effet sont contagieuses*, te sensibilité se propage par un frémissement électrique, qui passe rapidement d’un cœur à un autre : il est impossible de voir une personne émue sans ressentir une émotion analogue ; c’est par là qu’on voit souvent au théâtre, des larmes couler de tous les yeux ; c’est par là que Massillon, dans son sermon Sur le petit nombre des élus, faisait lever tout son auditoire par un mouvement unanime d’épouvante.
Chaque coup de théâtre, chaque surprise est amenée naturellement et semble indispensable. Lisez Colomba, son chef-d’œuvre ; vous y verrez régner une sorte de fatalité morale, qui rappelle le théâtre antique.
Quant à examiner si la tragédie a maintenant atteint ou non toute sa perfection, soit considérée en elle-même, soit relativement au théâtre, c’est une autre question. […] Ces deux choses sont plus spécialement du ressort des ordonnateurs du théâtre que de celui des poètes. […] Quand c’est l’effet du spectacle, l’honneur en appartient à l’ordonnateur du théâtre plutôt qu’à l’art du poète. […] Cette bonté de mœurs peut être dans tout sexe et dans toute condition : une femme peut être bonne, même un esclave ; quoique d’ordinaire les femmes qu’on met sur les théâtres soient plus mauvaises que bonnes, et que les esclaves soient toujours mauvais. […] Elle a le frappant des jeux de théâtre dans les reconnaissances et les autres parties de l’action.
Parmi les surprises, les enlèvements, les prodiges et les coups de théâtre brille un rayon d’idéal qui éclaire ces fables attrayantes, dont la profusion atteste le besoin universel des plaisirs choisis que permet l’imagination. […] Il est plus vrai de dire que la nature ne procède jamais par coups de théâtre, et brusques surprises. […] Il sera surtout un héros de théâtre, jaloux de paraître et non d’être.
Aussi les Pamphiles sont-ils toujours comme sur un théâtre : gens nourris dans le faux, et que ne haïssent rien tant que d’être naturels ; vrais personnages de comédie, des Floridors, des Mondoris4. […] Il dit ailleurs : « Dans cent ans, le monde subsistera encore dans son entier : ce sera le même théâtre et les mêmes décorations ; ce ne seront plus les mêmes acteurs. […] Il s’avance déjà sur le théâtre d’autres hommes qui vont jouers dans une même pièce les mêmes rôles : ils s’évanouiront à leur tour ; et ceux qui ne sont pas encore, un jour ne seront plus ; de nouveaux acteurs ont pris leur place.
Originaire de Rouen et neveu du grand Corneille, il voulut d’abord marcher sur les traces de son oncle et travailler pour le théâtre : mais ses compositions dramatiques ne réussirent que fort peu ; et, pour ses vers en général, si quelques-uns eurent de son vivant plus de succès, on peut dire qu’à l’exception d’un petit nombre de pièces légères ils ne le méritaient pas davantage : Fontenelle manquait de naturel et de cette émotion vraie qui est l’âme de la poésie. […] Les magistrats que le roi envoya tenir les grands jours3 en quelques provinces le connurent dans leur voyage, et sentirent bientôt que son génie et ses talents étaient trop à l’étroit sur un si petit théâtre.