Ainsi, les Précieuses ridicules de Molière ont eu jadis plus de succès que le Misanthrope ; mais cette vogue a été limitée à la France et au siècle de Louis XIV : de nos jours, elles n’amusent plus que par souvenir, et dans mille ans le Misanthrope sera encore neuf et vrai.
Des émotions fortes, des tableaux absolument neufs, de nouveaux cieux, une terre nouvelle, un langage et des sentiments qui ne ressemblaient à rien de ce que l’on avait senti, voilà ce qu’offrait l’épisode d’Atala ; et voilà ce qu’il fallait pour donner à l’âme, de ces distractions puissantes qui l’arrachent malgré elle au charme douloureux de ses souvenirs, et même aux illusions de ses espérances.
Vous m’avez de César confié la jeunesse, Je l’avoue, et je dois m’en souvenir sans cesse.
Saisissez le moment favorable, quelque part qu’il se présente ; et après une préparation de quelques phrases, rappelez les circonstances, présentez les images qui doivent produire l’émotion que vous vous proposiez d’exciter ; enflammez enfin les passions de vos auditeurs à l’instant où ils se livrent à vous sans défense, et souvenez-vous que quelques phrases dictées par la chaleur qui nous anime ont toujours bien plus de succès qu’une tirade longue et travaillée avec soin. […] Ayez égard au degré d’émotion que vos auditeurs peuvent supporter, et souvenez-vous que celui qui ne sait pas s’arrêter et veut les entraîner trop loin, détruit tout l’effet qu’il cherche à produire. […] Mais souvenez-vous qu’en public, comme dans la conversation, on peut fatiguer en parlant trop haut. […] Dès lors l’historien dut renoncer aux ornements du poète ; il écrivit en prose, et borna ses efforts à donner des narrations fidèles et judicieuses des événements dont il voulait consacrer le souvenir. […] L’on pourrait croire, avec le docteur Lowth, que ces images sont empruntées à l’histoire de la descente de Dieu sur le mont Sinaï ; mais il semble plus probable qu’elles ont été inspirées au poète par le souvenir de quelques-unes de ces violentes secousses de la nature dont le spectacle imposant lui laissa de grandes et fortes idées.
Par une espèce de sentiment de reconnaissance, il conserva toute sa vie cette composition ; il aimait à la relire ; elle lui rappelait le souvenir de son enfance, de ses premiers travaux, et d’un succès bien doux, présage heureux de la gloire qui l’attendait. […] Elle nous fait souvenir que, nés faibles comme eux, nous avons comme eux nos torts et nos besoins ; elle nous donne une idée juste de notre condition et de nos devoirs ; elle est l’état naturel de l’âme que des principes sages élèvent et perfectionnent ; elle est le penchant irrésistible de celui dont le cœur plein de bonté, loin de vouloir jamais affliger, sent toujours le besoin de soulager les maux qu’il aperçoit. […] Probablement ces moyens furent bientôt employés pour informer ses amis, quoique d’une manière imparfaite, de ce qui s’était passé pendant l’absence, ou pour se rappeler les événements dont on voulait conserver le souvenir. […] C’est un moyen plus durable, parce qu’il prolonge nos accents jusqu’aux siècles futurs, qu’il porte nos pensées à la postérité, et perpétue le souvenir de tous les faits qui peuvent servir d’instruction aux hommes.
Les ignorants y puisent des connaissances générales et indispensables, quoique superficielles ; et les savants y retrouvent certains faits dont ils avaient perdu le souvenir.