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150. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre IX. Poésies fugitives. »

Pour nous, vil peuple, assis aux derniers rangs, Troupe futile et des grands rebutée, Par nous, d’en bas, la pièce est écoutée ; Mais nous payons, utiles spectateurs : Et quand la farce est mal représentée, Pour notre argent nous sifflons les acteurs. […] Rousseau et Lebrun le lyrique sont sans doute ceux qui ont fait le plus d’épigrammes proprement dites ; et ce qu’il y a de remarquable, c’est qu’elles sont presque toutes bonnes, tant cette forme acérée d’une pensée moqueuse est dans le goût du peuple français et dans le génie de notre langue. […] Que dans Alger, on trouve des ingrats,     Et que chez le peuple tartare     La reconnaissance soit rare, Cela ne me surprend pas.

151. (1865) De la Versification française, préceptes et exercices à l’usage des élèves de rhétorique. Première partie. Préceptes. Conseils aux élèves.

Tout l’empire n’est plus la dépouille d’un maître : Le peuple au champ de Mars nomme ses magistrats ; César nomme les chefs sur la foi des soldats ; Thraséas au sénat, Corbulon dans l’armée, Sont encore innocents, malgré leur renommée ; Les déserts, autrefois peuplés de sénateurs, Ne sont plus habités que par leurs délateurs. […] La guerre a ses faveurs, ainsi que ses disgrâces : Déjà plus d’une fois, retournant sur mes traces, Tandis que l’ennemi, par ma fuite trompé, Tenait après son char un vain peuple occupé, Et, gravant en airain ses frêles avantages, De mes États conquis enchaînait les images,     Le Bosphore m’a vu, par de nouveaux apprêts, Ramener la terreur du fond de ses marais, Et, chassant les Romains de l’Asie étonnée, Renverser en un jour l’ouvrage d’une année. […] J’entre : le peuple fuit, le sacrifice cesse, Le grand prêtre vers moi s’avance avec fureur : Pendant qu’il me parlait, ô surprise ! […] Il sait que l’ennemi, que ce coup va surprendre, Désormais sur ses pieds ne l’oserait attendre, Et déjà voit pour lui tout le peuple en courroux Crier aux combattants : Profanes, à genoux ! […]     Voici comment Boileau lui-même apprécie son propre mérite littéraire : Sais-tu pourquoi mes vers sont lus dans les provinces, Sont recherchés du peuple et reçus chez les princes ?

152. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre XII. Poésie dramatique. »

C’est une pièce dramatique, dont les personnages sont des rois, des princes ou ceux qui gouvernent les peuples, et que l’on comprend sous le nom de héros ; le dénouement en est le plus souvent malheureux ; ce qui nous fait craindre pour les principaux personnages et nous intéresse vivement à leur sort ; enfin le style, sans cesser d’être simple, est pourtant conforme à la condition de ceux qui parlent, c’est-à-dire grave et noble. […] Dès que les princes des peuples sont pour quelque chose dans une action, l’intérêt devient en quelque sorte national, et excite plus vivement notre attention. […] Aux fêtes de Bacchus, on sacrifiait un bouc à ce dieu ; et pendant ce sacrifice, le peuple et les prêtres chantaient à sa gloire des hymnes, que la victime fit nommer tragédie, c’est-à-dire chant du bouc. […] De là naît un contraste qui déride les plus sérieux : car il n’y a point de spectateur qui puisse entendre sans rire un homme du peuple placé dans la même situation qu’un prince malheureux, employer les mêmes expressions que ce prince pour déplorer son malheur169. […] Le peuple et les magistrats n’en faisaient que rire.

153. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre second. Définition et devoir de la Rhétorique. — Histoire abrégée de l’Éloquence chez les anciens et chez les modernes. — Chapitre III. De l’Éloquence chez les Romains. »

Mais, malgré les orages de la liberté, les grands intérêts, et le plaisir de gouverner par la parole un peuple libre, il n’y eut pas, avant Caton, un orateur que l’on pût citer. […] Peut-être la facilité qu’eurent les Romains, de puiser chez les Grecs tout ce qui manquait au système de leur langue ou de leurs idées, retarda les progrès qu’ils eussent pu faire d’eux-mêmes, et contribua à n’en faire qu’un peuple imitateur.

154. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — La Fontaine 1622-1695 » pp. 339-378

Nous vous voiturerons, par l’air, en Amérique : Vous verrez mainte république3 Maint royaume, maint peuple, et vous profiterez Des différentes mœurs que vous remarquerez. […] Qu’on me die1 En quoi vous valez mieux que cent peuples divers. […] qu’on l’élit roi, et que son peuple l’aime. Je me persuade qu’à force de rêver, le poëte en avait fait un art à son usage, choisissant à dessein les chimères les plus impossibles, non pas l’élection, mais l’amour du peuple ; et sachant bien aussi que les chimères les plus impossibles sont celles qui plaisent le plus. […] Et sans cela… Les gens du peuple font volontiers des parenthèses dans leur conversation.

155. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XXV. des figures. — figures par développement et par abréviation  » pp. 353-369

Géruzez a trouvé un remarquable exemple de climax dans la Satire Ménippée : c’est d’Aubray rappelant au peuple de Paris tout ce qu’a fait pour lui Henri III : « Tu n’as pu supporter ton roi débonnaire, si facile, si familier, qui s’était rendu comme concitoyen et bourgeois de ta ville, qu’il a enrichie, qu’il a embellie de somptueux bâtiments, accrue de forts et superbes remparts, ornée de priviléges et exemptions honorables : que dis-je ? […] Ainsi dans Bossuet : « Le roi, la reine, Monsieur, toute la cour, tout le peuple, tout est abattu, tout est désespéré. » N’est-ce pas aussi à l’ellipse qu’appartient l’anacoluthe, littéralement, absence de compagnon, construction où l’auteur laisse désirer certains mots qui régulièrement devraient accompagner les autres ? […] C’est dans Iphigénie : Il me représenta l’honneur et la patrie, Tout ce peuple, ces rois à mes ordres soumis, Et l’empire d’Asie à la Grèce promis ; De quel front immolant tout l’Etat à ma fille, Roi sans gloire, j’irais vieillir dans ma famille… 110.

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