Cette seconde manière est préférable à la première, et marque plus de génie dans le poète, car il faut que la fable soit tellement composée, qu’en fermant les yeux, et à en juger seulement par l’oreille, on frissonne, on soit attendri sur ce qui se fait : c’est ce qu’on éprouve dans l’Œdipe.
La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles ; On a beau la prier, La cruelle qu’elle est se bouche les oreilles, Et nous laisse crier.
Le style suppose la réunion et l’exercice de toutes les facultés intellectuelles ; les idées seules forment le fond du style, l’harmonie des paroles n’en est que l’accessoire, et ne dépend que de la sensibilité des organes : il suffit d’avoir un peu d’oreille pour éviter les dissonances, et de l’avoir exercée, perfectionnée par la lecture des poètes et des orateurs, pour que mécaniquement on soit porté à l’imitation de la cadence poétique et des tours oratoires.
Certaines personnes racontent au premier venu ce qui ne doit être confié qu’à un ami ; elles déchargent dans l’oreille d’un passant le secret qui les brûle. […] Philoctète, vaincu par les conseils de son ami, finit par s’écrier : « Ô toi, dont la voix si désirée a frappé mon oreille, toi que je revois après tant d’années, je ne désobéirai pas à tes ordres.
Cieux, écoutez ma voix ; terre, prête l’oreille.
Ne prétendez pas réussir, en nous flattant l’oreille par un bel étalage de fins mots.